Invit? ? Rabat pour la 19^?me ?dition du Jazz au Chellah (du 17 au 21 septembre), le guitariste Juan Carmona a enchant? le public lors du concert de cl?ture du festival. Avec quelques influences de Paco de Lucia, son r?pertoire constitue une recherche perp?tuelle dans les musiques traditionnelles du monde ainsi que dans la musique gitane espagnole. Rencontre avec un artiste au parcours distingu?.

En vous ?coutant, on ?coute du jazz, mais on est surtout transport? au c?ur de l?Andalousie profonde avec votre flamenco. Que vous ?voque ce brassage??

Pour moi, le flamenco est ce qu?il y a d?atypique. Je suis de parents gitans qui ont fui le r?gime franquiste de l?Espagne pour aller vivre en Alg?rie. Vu les ?v?nements, ils ont quitt? le pays pour rejoindre la France. J?y suis n? en 1963. Ma musique est donc teint?e parce qu?elle ?voque la libert? rythmique de placer des harmonies infinies. Par ailleurs, je retrouve dans le jazz une musique qui me permet cette libert? d?improviser. La culture gitane est d?abord une culture de libert?, et on dit que les gitans n?ont pas de patrie. Jamais je ne me suis donc consid?r? comme ?tant pr?cis?ment d?un pays?: j?essaie de chercher ce qui ?voque la culture de la libert? dans toutes les musiques.

Vous ?tes dans la lign?e de Paco de Lucia. Il a ?t? votre v?ritable d?clic pour commencer ? jouer de la guitare??

Tout ? fait. J?ai rencontr? Paco de Lucia lorsque j?avais onze ans. J??tais fascin? par voir comment il maniait son instrument? Je ne pouvais jamais imaginer qu?il arrivait ? faire ???a?? avec une guitare. C?est comme cela que j?ai dit ? mes parents combien je tenais ? apprendre la guitare andalouse et flamenco. Depuis, j?ai beaucoup suivi de pr?s le travail de Paco de Lucia. J?ai toujours gard? de lui l?excellent souvenir o? il m?a remis le Prix de Madrid, en 2001.

Qu?est-ce qui vous fascine le plus dans vos arrangements qui assemblent les compositions maghr?bines et les rythmes flamenco qui ont accompagn? votre vie??

Emotionnellement parlant, la musique maghr?bine n?est pas ?trang?re pour moi. Disons que nous parlons toutes et tous la m?me langue musicale. D?ailleurs, toute la r?gion du Maroc, de l?Alg?rie et du sud de l?Espagne n?ont fait qu?un seul pays, dans une autre ?poque. C?est s?r donc que cet assemblage est la recherche de ce qu?il y a de commun entre nos cultures.

Ce n?est pas la premi?re fois que vous venez au Maroc. Vous ressentez ici le m?me engouement des gens pour le flamenco??

La premi?re fois que je suis venu au Maroc, c??tait au d?but des ann?es quatre-vingt dix? Entre 1990 et 1995. Le flamenco n??tait pas aussi pr?sent que maintenant dans la sc?ne artistique ici. Mais depuis, il y a eu une excellente ouverture musicale qui n?a pas permis qu?au flamenco de se faire plus de place. Parall?lement, depuis ma premi?re venue, j?ai pu collaborer avec plusieurs artistes marocains. Au d?but des ann?es 2000, j?ai pu collaborer avec le luthiste Sa?d Chra?bi sur un projet o? nous avons fait le rapprochement entre le flamenco et les musiques arabes. J?ai collabor? ?galement avec Majid Bekkas et avec l?Orchestres Symphonique du Maroc. Comme j?habite aussi ? Marseille, j?ai pu int?grer ces rencontres dans le circuit d?ateliers crois?s entre Marseille et Marrakech.

Comment s?est fait votre premier contact avec la musique marocaine??

Ma premi?re rencontre musicale s?est faite ? Marrakech. J??tais avec l?artiste Rachid Regragui lors d?une f?te de mariage traditionnel. Il y avait bien-s?r de la musique populaire et j?ai vu comment les gens tapaient des mains, des pieds, faisaient des chants particuliers? J??tais profond?ment marqu? de voir combien tout cela avait de la ressemblance avec le flamenco, o? on dansait aussi en tapant des mains et des pieds. C?est comme cela que j?ai commenc? ? m?int?resser de plus en plus ? la musique traditionnelle marocaine.

Vous avez d?j? ?t? sollicit? par les artistes de la jeune sc?ne marocaine qui jouent du flamenco, ou particip? ? des masterclass pour partager avec eux votre savoir-faire musical??

Bien-entendu, j?ai particip? ? des masterclass et j?ai toujours aim? soutenir la jeune sc?ne artistique. J?ai appris la guitare en autodidacte. Je n?ai jamais eu quelqu?un pour m?apprendre comment faire et j?en ai beaucoup souffert parce que j?ai d? tout apprendre tout seul. Mais ? ce jour, je me dis que je n?ai pas tout appris. Dans ce monde, la musique n?est pas un objectif mais un but. Celui qui pense avoir tout appris n?en sait rien en fait.

Quels sont vos projets?futurs ?

Je voyage beaucoup et chaque voyage que je fais dans une r?gion du monde me nourrit artistiquement. Il me permet de d?couvrir et d?apprendre du registre musical traditionnel des pays, puis de l?int?grer au flamenco. C?est pour cela que j?aimerai beaucoup pr?senter ma rencontre avec la musique marocaine et avec Rachid Regragui dans d?autres pays. Cr?er ce m?lange des cultures, d?ondes, de percussions, de plages d?improvisation? Mon projet est en fait de pouvoir un jour rassembler dans une seule sc?ne, le flamenco que je joue, des musiciens de musique traditionnelle marocaine, et tout au fond de la sc?ne, l?Orchestre Symphonique du Maroc.