La cinquième réunion ministérielle du Processus des États Africains Atlantiques (PEAA) s’est tenue jeudi à Praia, au Cap-Vert, avec pour objectif d’accélérer l’ancrage stratégique, politique et opérationnel d’une alliance panafricaine autour de l’océan Atlantique. Cette initiative portée par le Roi Mohammed VI vise à transformer cet espace géographique en un pôle de stabilité, de coopération et de co-développement durable pour l’ensemble du continent.

Par Hassan Zakariaa avec MAP

Une dynamique africaine construite pas à pas

Depuis sa première réunion à Rabat en juin 2022, le Processus des États Africains Atlantiques s’est affirmé comme un cadre novateur de coopération Sud-Sud. Ce partenariat, inédit dans le paysage géopolitique africain, ambitionne de faire de l’espace atlantique un levier de souveraineté collective et un axe stratégique pour le développement durable du continent.

Les jalons posés depuis deux ans sont significatifs. Un Secrétariat permanent a été établi à Rabat. Trois Groupes Thématiques ont été mis en place pour piloter les actions concrètes dans les domaines prioritaires. Et un Programme d’Action commun a été adopté, structuré autour de trois piliers :  Dialogue politique et sécurité, Économie bleue, connectivité maritime et énergie et Protection de l’environnement marin.

Après Rabat, New York et la réunion de 2023 consacrée à l’ouverture vers les initiatives atlantiques du Nord et du Sud, la rencontre de 2024 à New York a été marquée par l’adoption de trois plans d’action, consolidant le travail collectif autour de la sécurité maritime, de la transition énergétique et de la gestion durable des ressources halieutiques.

Praia, une étape stratégique pour une vision commune

C’est dans ce contexte d’intensification des efforts que s’inscrit la réunion ministérielle de Praia. Elle marque une nouvelle phase dans la consolidation du PEAA, en approfondissant la coopération transversale entre ses membres. Dans son allocution, le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a rappelé que pour « Sa Majesté le Roi Mohammed VI, l’Afrique atlantique n’est pas une périphérie du monde globalisé, mais un centre géostratégique, porteur d’innovation, de résilience et de coopération active. »

1. Bourita a insisté sur l’ambition politique partagée qui anime les membres du PEAA : faire de cet espace une force collective dans un monde fragmenté, confronté à des menaces systémiques et à des compétitions régionales accrues. Il a salué la vitalité du processus et la mobilisation constante des États membres, soulignant que l’Atlantique africain n’est plus une abstraction géographique, mais une réalité stratégique assumée.

Dans cette logique, la réunion de Praia offre l’occasion d’un bilan lucide et d’une projection stratégique, avec un rapport d’étape qui met en lumière les avancées concrètes, tout en formulant des recommandations pour renforcer l’efficacité du processus.

Parmi les recommandations clés : L’organisation de réunions sectorielles, à l’image de celle des ministres de la Justice (avril 2024), qui a démontré l’utilité d’une approche décentralisée et ciblée ; la mise en place de mécanismes nationaux de coordination, permettant d’aligner les politiques internes avec la dynamique régionale du PEAA et ’intégration de l’aquaculture dans les plans d’actio, comme secteur stratégique liant sécurité alimentaire, création d’emplois et durabilité environnementale.

Le Maroc, moteur de cette initiative, a réaffirmé son engagement à soutenir toutes ces actions, à travers le partage de son expertise, la mobilisation de ses institutions et l’implication de ses partenaires internationaux.

Un espace stratégique convoité et une voix africaine à affirmer

Dans un monde où les équilibres régionaux se redessinent, l’Afrique atlantique est plus que jamais au centre des attentions. Elle est courtisée, scrutée, mais aussi fragilisée par des défis sécuritaires, climatiques et économiques transversaux. Face à ces pressions, le PEAA s’érige en rempart, proposant une réponse africaine coordonnée, fondée sur la solidarité, la responsabilité partagée et une vision pragmatique du développement.

Nasser Bourita a ainsi appelé à faire émerger « une voix audible, crédible et opérante » sur la scène internationale. Cette voix doit s’appuyer sur une gouvernance régionale renforcée, mais aussi sur des alliances transversales avec d’autres espaces atlantiques, que ce soit en Europe, en Amérique latine ou aux Caraïbes.

Au-delà de la rhétorique, les actes posés témoignent d’une volonté claire : faire de l’Atlantique africain un vecteur de paix, de croissance inclusive et de résilience face aux crises globales. Le Forum des ministres de la Justice, la réunion des Présidents de Parlements africains ou encore la Conférence sur la sécurité maritime illustrent cette approche progressive mais résolue.

En clôturant son intervention, le ministre marocain a résumé l’ambition du PEAA en une formule forte : « faire de l’Atlantique africain un levier d’unité, un moteur de prospérité partagée et un rempart de stabilité ». Une ambition qui semble désormais partagée, portée par des institutions en construction, des actions concrètes et une diplomatie africaine qui veut parler d’une seule voix.

A noter que la 5ᵉ réunion ministérielle du PEAA a abouti à l’adoption d’une déclaration réaffirmant l'engagement des pays membres en faveur de la paix, de la stabilité et du développement partagé. Les ministres ont salué la conférence organisée à Rabat les 9 et 10 janvier 2025 sur le terrorisme et la sécurité maritime, axée sur les nouvelles technologies. Le premier rapport d’évaluation du PEAA, discuté par les Points focaux en avril, a été approuvé. La Déclaration finale appelle à intensifier la coopération régionale, à la lumière des recommandations formulées.