Les aphorismes de Nouhad : Enseigner, c’est descendre de son piédestal, pour élever d’autres piédestaux

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Enseigner, c?est descendre de son pi?destal pour ?lever d?autres pi?destaux, c?est d?monter sa chaire, pour monter d?autres chaires. Le pi?destal est cit?, ici, non pour ?tablir une hi?rarchie ou une supr?matie, mais plut?t pour sacraliser et ennoblir car il est la manifestation universelle de la grandeur humaine, le support de la gloire et de l??l?vation vers la Connaissance supr?me. Aussi,?l?enseignement, est-il un pi?destal pr?gnant de toutes les potentialit?s, de toutes les ?nergies et de toutes les perspectives, autant celles qui le construisent, le supportent et l??tayent, que celles qui passent par son support ou auxquelles, il s??l?ve et s?ouvre.

Elev? de l?empreinte des pieds, telle l?estrade, il est certes symbole de la diff?renciation, de la cr?ation, de l?escalade et de la reconnaissance, mais en correspondant au monde interm?diaire entre le ciel et la terre, il conf?re l?autorit?, la domination et la toute-puissance -qui ne sont pas toujours pourvues de sagesse- ainsi qu?un caract?re de souverainet? ?infaillible? et ?divin?.???Un homme qui enseigne,?nous dirait?Montesquieu, devient ais?ment opini?tre?parce qu?il fait le m?tier d?un homme qui n?a jamais tort.?

Le seul fait d??tre ?lev?, de se trouver en haut, ?quivaut souvent ? une manifestation de la transcendance, de la sacralit? et de la p?rennit?, ce que, d?ailleurs, peu de vivants sur terre peuvent atteindre. Toujours est-il que?l?enseignement, source de lumi?re, ?claire ?galement l?union du ma?tre et de son disciple et met en sc?ne l?image de leur fusion, ou de leur fission, non sans conf?rer, aux deux partis, une puissance particuli?re, celle de pouvoir prendre part, ? l??ternel combat du savoir et du lettrisme.

Eriger une personne?n?cessite patience, ?quilibre, harmonie, qui?tude, pi?t?, mis?ricorde, z?le, rigueur?En un mot, tout ce qu?il faut pour ?tre proph?te, ce que l?enseignant, qui s??rige en ma?tre, rate de justesse, comme le stipule la si c?l?bre citation?arabe. Aussi,?le professeur professe-t-il ces m?mes vertus qu?il utilise pour marcher enseignes d?ploy?es, en tirant les pr?ceptes et les enseignements des exp?riences pass?es, ? telle enseigne qu?il en devient, sans s?en rendre compte, exigeant et intransigeant?envers les fr?les cr?atures qu?il ?rige avec solennit?, certes, mais avec beaucoup de contrainte.

Un enseignement obligatoire nous m?nerait-il quelque part?????Si les ?coles cessaient d??tre obligatoires, quels ?l?ves resterait-il au professeur qui fonde tout son enseignement sur l?autorit? qu?il exerce????,?s?interroge?Ivan Illich,?dans son livre???Une soci?t? sans ?cole??,?o? il critique radicalement l?enseignement ? l??cole et d?voile son ?chec. Et quels citoyens, un Etat r?colterait-il de ce type d?enseignement?? Comment b?n?ficierait-il de citoyens contraints, une seconde fois, ? vaquer au devoir de la fonction, comme ? celui de l?apprentissage, la premi?re fois ;sans doute inculqueront-ils leurs enseignements ? la mani?re dont ils ont re?u les leurs, et exerceront-ils, sans plaisir, ce qu?ils ont appris, avec d?plaisir.?C?est ce que d?montre Illich, avec une redoutable efficacit?, lorsqu?il parle du monopole de l??cole.?Celle-ci r?ussit, de fait, ? persuader ses victimes qu?ils n?ont aucun m?rite mais qu?ils m?ritent pourtant leur destin, ayant rat? la chance qui leur a ?t? offerte.

Contre?la contrainte de l?enseignement, beaucoup de voix, illustres, s??l?vent, dontcelle d?Albert Einstein?:???l?enseignement,?nous dit-il, devrait ?tre ainsi?: celui qui le re?oit le recueille comme un don inestimable mais jamais comme une contrainte p?nible??.?Le jour o? on changera??le corps enseignant??par??le c?ur enseignant?, et qu?on daignera donner ? cette formule la force et la consistance qu?elle requiert,beaucoup de gens auront s?rement le c?ur, et peut-?tre le corps, ? apprendre et ? enseigner.

Ceci dit,???enseigner,?tel que l?affirme?Joubert,?c?est apprendre deux fois??,?donc,s?il est un moyen qui apprend le plaisir d?apprendre, c?est bien celui d?enseigner, qui apprend autrement. Peut-?tre faudrait-il, opter pour le r?cit et compter sur l?Histoire, pour en faire une belle histoire ? raconter, au lieu d?enseigner par les longues et fastidieuses le?ons, les innombrables et ?ternelles explications, les stressantes et frustrantes interrogations, comme le pr?ne?Montaigne?lorsqu?il dit?:?? je n?enseigne pas, je raconte ?. En effet, les histoires, en retenant les attentions, en ?veillant les intelligences et en labourant les imaginations, parviennent ? passer toutes les le?ons, naturellement, donc, ais?ment.

Mais?? puisque l?enseignement de l?araign?e,?nous raconte?Henri Michaux, n?est pas pour la mouche??, et que???du b?ton que l?on tient, on est souvent battu??,nous apprend?Jean Antoine de Ba?f,?il incombe ? tout Etat d?enseigner l?amour de la recherche, car de ses r?sultats, dont la richesse et la puissance ne sont pas les seuls signes, il aura indubitablement besoin. Par cons?quent,?le meilleur enseignement est celui qui enseigne ? se prendre en charge, ? s?impliquer, ? ?tre responsable de son ?ducation et ? y prendre go?t, avec ou sans ?cole, avec ou sans ma?tre. Voil? ce qui apprend ? l?autodidacte ? se passer de l?enseignement de son Etat, ? lui en ?conomiser les frais et ? lui en ?pargner la peine.?En d?autres termes,?l?autodidacte, en ?tant son ma?tre, ?pargne ? l?Etat l?embarras de choisir pour lui.

En fait, Les sages du monde entier -m?me les illettr?s que sont de nombreux ma?tres spirituels et de v?n?rables religieux- enseignent par leur vie. A l?instar de?Confucius, ils sont convaincus que???l?homme honorable commence par appliquer ce qu?il veut enseigner, ensuite il enseigne.???Personne n?ignore que par les actes, l?enseignement se fait spontan?ment dans les esprits et dans les vies, qu?enseigner, c?est faire valoir l?enseigne du savoir et du devoir r?unis,?et que les proph?tes qui ont ?t? d?excellents enseignants, gr?ce ? leur vie irr?prochable, doivent beaucoup ? leurs existences prodigieuses avant m?me l?av?nement de leurs proph?ties et de leurs prodiges car?qui enseigne, renseigne,?principalement sur ce qu?il est, sur sa vie et sur sa morale.

Il est certain qu?enseigner, c?est fl?cher et baliser le chemin du savoir, sans en oublier les raccourcis?mais il est tout aussi vrai?qu?il faut se d?pouiller de son savoir, pour se rev?tir du savoir divin, dans une progression spirituelle d?vou?e, c?est se d?tacher de soi et de son ?go pour un retour ? la source et, partant, ? une vraie cons?cration de soi. C?est?ce qui donne au ma?tre sa fonction de force agissante, ? la lumi?re de la perception intuitive, guid?e par la connaissance divine, et lib?r?e de la servitude de toute autre connaissance.

Tabari, que Dieu l?Agr?e, dans ses Annales, dit que Dieu cr?a al Qalam, de lumi?re, mille ans avant de cr?er autre chose, la premi?re chose cr??e par Dieu L?Exalt?, ?tant la Tablette?conserv?e ou secr?te?: ??al Lawh?al mahfoud?. Je ne crois pas beaucoup exag?rer en disant que, comme Dieu qui regarde vers la Tablette trois cent soixante fois par jour, pour faire vivre et mourir, ?lever et abaisser, honorer et humilier, selon Sa Volont?, Sa Sagesse et Ses Desseins secrets, quoi qu?Il Soit Exempt de toute comparaison,?le ma?tre devrait regarder aussi la sienne autant de fois, afin d?y inscrire, avec autant d?assiduit?, de responsabilit? et de respect, les destin?es de ses ?l?ves, dont il oublie -ou ignore- qu?il est ?galement ma?tre.

De fait, la Tablette de l?enseignement dont les dimensions correspondent ? celles du monde, sinon celles de l?univers, est nou?e au cou de tous les partenaires de l?action ?ducative, soci?t? et responsables confondus. C?est la responsabilit? de chacun, de tenter de redorer son blason, et non uniquement celle de?l?enseignant, martyre de la satire, ? qui la critique g?n?rale, assise sur sa tour d?ivoire, ne cesse de jeter la pierre, l?accusant de faillir ? son devoir,?alors que?tout le monde est log? ? la m?me enseigne que cet enseignant, ?charg??, ? dessein, de l?enseignement, d?o? l?urgence de le ?d?charger? un peu et de le soulager de son lourd fardeau, en vue de le voir poursuivre, ? bonne enseigne, sa noble action, et afin de lui ?viter, dor?navant, de faire cavalier seul.

Pour r?els que soient les p?rils auxquels s?expose l?enseignement, ils n?en sont pas moins surmontables car?on ne change pas de chemin avant de se perdre?et derri?re chaque perte, r?side un changement de direction qui s?impose, avant de retrouver le droit chemin et l?avenir lumineux qui s?y cache. Et si al Qalam ?crit les destins l?-haut, le calame, son ?quivalent, ?crit par la Volont? de Dieu s?entend, et depuis des temps imm?moriaux, les destins ici-bas, d?terminant et gravant dans les m?moires, la r?ussite des uns et l??chec des autres.

Aussi,?le tableau du ma?tre devrait-il cogner, dans tous les sens et sans exception, tous les fronts, afin de cong?dier l?h?b?tude qui les submerge et les d?livrer de l?ignorance o? ils sombrent.?Peut-?tre y lira-t-on, alors, l?expression de sa responsabilit? ou de son irresponsabilit?, lecture indispensable, dans tous les cas, pour le r?veil, du profond sommeil.

Quoi qu?il en soit, n?oublions surtout pas?ce que le tronc de l?arbre, ce pi?destal v?g?tal, nous apprend sur l?ordre de l?arbre, qui n?est autre que celui de l?ombre et de la g?n?rosit?, du savoir et de son devoir. L?arbre, incarnation du pi?destal vivant offrant ses fruits, ne se muerait jamais en graine s?il ne s?inclinait de son pi?destal, et s?il ne tombait ? terre, pour ensemencer, cultiver et produire d?autres racines.

L?enseignement est cet arbre sacr? dont la s?ve est l?encre n?cessaire pour que les lettres germent, inscrivent ce qui a ?t?, ce qui est, et ce qui sera, pour qu?elles deviennent des mots, qui se donnent le mot, pour changer la donne, donnant ainsi, ? tous les coups, et ? tous les go?ts, des fruits divins.

Sacr? parce qu?il condescend ? descendre de son pi?destal, et ?riger d?autres pi?destaux. De par sa patience, son indulgence et l?apprentissage qu?il prodigue, de par ??l?art en herbe?? qu?il contient et qu?il promet?:?si on d?coupe le mot ??arbre??, on aura ??ar?? et ??bre?? qui devient, en verlan (c'est-?-dire, ? l?envers), ??erb???, homophone du mot ??herbe??,?cet arbre offre les fruits de tous les lieux et de tous les temps, de toutes les terres et de toutes les saisons, de toutes les saveurs et de toutes les couleurs, de tous les ?tres et de toutes les lettres, pour faire pousser et ?clore diff?rents bourgeons, de ce m?me pi?destal sacr?.

Bref, qui aime les fruits, se soucie de l?arbre, des branches au tronc, des feuilles ? la racine?!

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