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En Arabie saoudite, des Soudanais tentent d'oublier la guerre dans le ''petit Khartoum''
Des membres de la communauté soudanaise vivant en Arabie saoudite se rassemblent pour rompre le jeûne pendant le mois sacré du Ramadan à Riyad, le 27 mars 2024. Bloquée à l'étranger par près d'un an de guerre, la communauté soudanaise d'Arabie saoudite est attirée par le "Petit Khartoum" de Riyad, où elle peut manger, prier et se consoler mutuellement du conflit qui ravage son pays. (Photo de Fayez Nureldine / AFP)
Bloqué en Arabie saoudite depuis un an, le soudanais Emad Addin Ahmed retrouve l'atmosphère de son pays en guerre le temps d'un iftar collectif, le repas de rupture de jeûne du ramadan, dans le "petit Khartoum" de Ryad.
En ce mois sacré pour les musulmans, ce commerçant du sud du Soudan, venu au départ pour un pèlerinage à la Mecque, se console de son exil forcé dans la capitale saoudienne en partageant des plats typiquement soudanais avec ses compatriotes dans le quartier de Ghubairah, refuge d'une communauté meurtrie.
"Je ne peux pas rentrer au Soudan à cause de la situation difficile la bas et la guerre qui se poursuit", explique Emad Addin Ahmed, en trempant du pain dans son assiette, entouré de dizaines d'hommes portant la tenue et le turban traditionnels blancs. "Je ne trouve mon bonheur que parmi eux", ajoute-t-il.
Depuis le 15 avril 2023, les combats au Soudan entre l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les Forces de soutien rapide du général Mohamed Hamdane Daglo, ont fait des milliers de morts et plus de 8 millions de personnes de déplacés, selon l'ONU.
"Atmosphère soudanaise"
Comme Emad Addin Ahmed, de nombreux Soudanais accomplissant la Omra ont été pris de court par l'éruption des violences dans leur pays. Les autorités saoudiennes, qui leur ont octroyé des titres de séjour temporaires renouvelables tous les trois mois, ne communiquent pas sur leur nombre, mais ils seraient un peu plus de 50.000, selon un responsable soudanais.
D'autres ont fui le pays, menacé de famine et plongé dans l'une des pires catastrophes humanitaires de l'histoire récente, se réfugiant chez des proches travaillant dans la riche monarchie du Golfe.
Installé depuis des années à Ryad, où il dirige l'un des nombreux restaurants soudanais valant au quartier de Ghubaira son surnom de "petit Khartoum", Omar Arabi a fait venir toute sa famille après la guerre.
"Un grand nombre de Soudanais sont venus en Arabie saoudite, et ont besoin de retrouver une atmosphère soudanaise", affirme-t-il en supervisant le iftar servi à même le sol, sur des tapis déroulés le long du trottoir, devant son établissement.
Ces moments leur permettent "d'oublier ne serait que pour une heure leur tristesse et leur douleur", dit-il.
"Jamais être oublié"
Le ramadan a un gout amer aussi cette année pour Issam Youssef, le coiffeur du quartier, qui n'ira pas voir sa famille, réfugiée dans le nord du Soudan, comme il a l'habitude de le faire.
Outre les dangers du trajet à partir de l'aéroport de Port Soudan, devenu la seule porte d'entrée du pays après la fermeture de celui de la capitale Khartoum, ce père de cinq enfants préfère se "sacrifier" pour économiser le prix du billet.
"Je suis devenu responsable de plus de 17 personnes auxquelles j'envoie 80% de mon salaire", explique-t-il.
Selon Bashir Abdel Azim, le directeur des ventes de la compagnie aérienne privée soudanaise Badr Airlines, le nombre de Soudanais se rendant dans leur pays à partir du royaume a "chuté de plus de 50%".
"La plupart des gens voyagent désormais du Soudan vers l'Arabie saoudite", affirme-t-il, en soulignant qu'il cherchait lui aussi à faire venir des proches.
L'Arabie a joué un rôle important dans l'évacuation des ressortissants étrangers au Soudan au début de la guerre et a accueilli des pourparlers entre les belligérants, qui n'ont pas permis de mettre fin au conflit. Les Etats-Unis ont dit le mois dernier espérer de nouvelles discussions après le ramadan.
Mais pour le pâtissier du "petit Khartoum", Saleh Mohammed, dont le voisin a été tué et la famille déplacée, rien ne pourra effacer les derniers mois. "Ce qui est arrivé au pays ne pourra jamais être oublié", dit-il tristement. (AFP)