société
Une femme unique, Graça Machel - Par Hatim Betioui
Graça Machel, ici avec Nelson Mandela, a la particularité d’avoir été deux fois Première dame de deux pays différents
Nombreuses sont les Premières Dames à travers le monde, mais rares sont celles qui ont porté ce titre dans deux pays différents. Qui se souvient encore de Graça Machel (79 ans), militante et activiste des droits humains mozambicaine, reconnue à l’échelle internationale, qui a été Première Dame du Mozambique et de l’Afrique du Sud ?
Graça s’est mariée deux fois : d’abord avec Samora Machel, décédé en 1986 dans un accident d’avion, puis avec Nelson Mandela en 1998, après son divorce de Winnie Mandela en 1996. Tout comme elle a été Première Dame à deux reprises, Graça a aussi été deux fois veuve.
Seule Aliénor d’Aquitaine a fait mieux
Graça Machel a été la première ministre de l’Éducation et de la Culture après l’indépendance du Mozambique. Elle a grandement contribué au développement de l’éducation et à l’éradication de l’analphabétisme, en particulier chez les enfants. Elle a également accompagné les présidents Machel et Mandela dans la création d’un héritage historique et symbolique incarnant des valeurs nationales et universelles, tout en jouant un rôle clé dans la sphère politique et sociale.
Après la disparition de Nelson Mandela le 5 décembre 2013, Graça s’est retirée de la scène publique, mais elle est récemment réapparue lors d’un hommage qui lui a été rendu au Caire par la Fondation "Kemet Boutros Ghali pour la paix et le savoir". Cet événement s’est tenu lors de la cérémonie annuelle de remise des prix de la fondation, où d’autres personnalités ont été honorées, dont l’ancien ministre des Affaires étrangères égyptien, Amr Moussa.
Le mot "Kemet" (ou "Kémet") était le nom donné par les anciens Égyptiens à leur pays, signifiant "la terre noire", en référence à la fertilité du sol de la vallée du Nil. La fondation, associée à Boutros Boutros Ghali, figure égyptienne et internationale éminente, a probablement choisi ce nom pour refléter l’héritage égyptien et ses racines historiques profondes.
La sixième édition de la remise des prix de la fondation a eu lieu le 14 novembre dernier, coïncidant avec l’anniversaire de la naissance de Boutros Ghali. Graça Machel n’a pas pu assister à la cérémonie et a été représentée par sa fille, Josina Machel, qui a reçu le prix en son nom. Toutefois, l’histoire impressionnante de Graça a été mise à l’honneur, elle qui a toujours été “une source d’inspiration pour tous les Africains.”
Bien que de nombreuses Premières Dames aient marqué l’histoire, Graça Machel reste un cas unique. Dans l’histoire, seule Aliénor d’Aquitaine pourrait l’égaler, bien que dans des contextes politiques et sociaux différents. Aliénor fut reine de France, épouse de Louis VII, puis reine d’Angleterre en se mariant avec Henri II. Elle donna naissance à deux rois qui régnèrent sur l’Angleterre : Richard Cœur de Lion et John.
La tradition Malawi
La Fondation "Kemet Boutros Ghali", créée en 2018 pour honorer l’héritage de Boutros Boutros Ghali, ancien Secrétaire général des Nations Unies (1922-2016), a pour objectif de promouvoir les valeurs de paix, de dialogue, de liberté d’expression et d’accès à la connaissance, tout en mettant en lumière le patrimoine égyptien et son rôle stratégique dans le monde.
EDans son ouvrage ‘’Entre le Nil et Jérusalem : Journal d’un diplomate égyptien’’, Boutros Ghali évoque une anecdote succulente sur la Première Dame du Malawi. Il raconte ainsi que le 20 novembre 1987, elle est arrivée au Caire, accompagnée de dix jeunes femmes exprimant leur gratitude à travers des danses joyeuses, vêtues de costumes traditionnels ornés de l’image du président de leur pays. Lorsqu’elles dansaient, l’effigie du président semblait s’animer, ce qui ne manquait pas de surprendre les fonctionnaires de l’aéroport.
Deux jours plus tard, le 23 novembre 1987, le président Hosni Moubarak accueillit la Première Dame du Malawi. Selon la coutume de son pays, elle s’agenouilla et progressa ainsi vers lui pour lui remettre un message de son époux, le président Hastings Kamuzu Banda. Pris au dépourvu, Moubarak, visiblement gêné et mécontent, se tourna vers Boutros Ghali, qui le rassura en expliquant que ce geste faisait partie des traditions malawites.
A l’inverse de cette anecdote pittoresque, Graça Machel a marqué l’histoire par son charisme et sa personnalité exceptionnelle. Nelson Mandela disait d’elle : "Elle n’était pas seulement mon épouse, mais un exemple de la femme africaine qui incarne sagesse, force et vision d’avenir." Elle est, sans aucun doute, une femme unique.