Espagne: les députés s'apprêtent à voter sur l'amnistie, Puigdemont songe déjà à son retour

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Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez (G) et la ministre espagnole du Budget Maria Jesus Montero assistent à une session plénière à la chambre basse du parlement espagnol, le Congrès des députés, pour voter un nouveau projet de loi d'amnistie qui exonérerait les personnes condamnées ou poursuivies pour leur rôle dans l'échec de la tentative d'indépendance de la Catalogne en 2017, à Madrid, le 14 mars 2024.. (Photo Pierre-Philippe MARCOU / AFP)

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Les députés espagnols votent jeudi sur une loi d'amnistie pour les indépendantistes catalans, alors que le plus connu d'entre eux, Carles Puigdemont, envisage déjà son retour en Catalogne dans les prochains mois.

Cette amnistie constitue une mesure clef pour le Premier ministre socialiste Pedro Sánchez, car elle conditionne le reste de la législature.

Le Congrès des députés a entamé le débat peu avant 11H00 GMT, le vote étant attendu en début d'après-midi.

Négociée par le parti socialiste avec les deux partis indépendantistes catalans, cette amnistie est le texte le plus controversé qu'ait eu à voter le Parlement depuis l'arrivée au pouvoir de M. Sánchez en 2018.

Le vote survient dans un climat de tension extrême entre le gouvernement de gauche et le Parti populaire (principale formation de l'opposition de droite), qui se jettent quotidiennement à la figure des accusations de corruption depuis des semaines.

L'amnistie, qui devrait bénéficier à environ 400 personnes, a pour objectif de mettre fin aux poursuites et d'annuler les condamnations découlant de la tentative de sécession avortée de la Catalogne (nord-est du pays) en 2017, la pire crise politique de l'histoire contemporaine de l'Espagne.

Arithmétique électorale 

M. Sánchez avait gracié il y a trois ans neuf indépendantistes condamnés pour leur rôle dans les événements de 2017, mais avait assuré durant la campagne pour les législatives de juillet qu'il était opposé à une amnistie.

L'arithmétique électorale l'a toutefois contraint à changer d'avis, car les résultats du scrutin du 23 juillet ont rendu l'appui des deux partis indépendantistes catalans - Ensemble pour la Catalogne (JxCat), de Carles Puigdemont, qui vit en exil en Belgique depuis 2017 pour échapper à la justice espagnole, et Gauche républicaine de Catalogne (ERC) - indispensable à sa reconduction au pouvoir.

Un premier vote sur une loi d'amnistie a eu lieu le 30 janvier, mais il s'était soldé par un rejet humiliant pour M. Sánchez, les sept députés du parti de M. Puigdemont ayant voté contre un texte qu'ils estimaient insuffisant.

La crainte de M. Puigdemont, qui avait conduit la tentative d'indépendance unilatérale de 2017 et fait toujours l'objet d'un mandat d'arrêt, était que le projet de loi, tel qu'il était alors conçu, ne le protège pas contre d'éventuelles poursuites pour terrorisme ou trahison.

Un mois plus tard, la plus haute instance judiciaire espagnole annonçait d'ailleurs l'ouverture d'une enquête contre lui pour "terrorisme".

Les socialistes ont donc dû rouvrir les négociations et accepter les demandes de JxCat.

La nouvelle version de la loi soumise jeudi aux députés élimine ainsi toute référence au code pénal espagnol et prend pour seul critère les normes européennes (directive européenne de 2017 et Convention européenne des droits de l'Homme), qui donnent une définition différente du terrorisme.

Sauf énorme coup de théâtre, le gouvernement devrait pouvoir compter sur 178 voix, soit deux de plus que la majorité absolue requise.

Puigdemont candidat au scrutin de mai? 

Le texte devra ensuite aller au Sénat, contrôlé par le PP, qui a déjà annoncé qu'il ferait tout pour retarder au maximum son examen, puis revenir au Congrès pour son approbation définitive.

Le vote des députés espagnols se déroule aussi dans un contexte politique chamboulé par la décision surprise, mercredi, du président du gouvernement catalan, Pere Aragonès, chef de file d'ERC, de dissoudre le Parlement régional et de convoquer des élections anticipées le 12 mai.

La première conséquence a été d'inciter M. Sánchez à renoncer à présenter une loi de finances pour 2024 et à prolonger le budget de l'an passé.

Mais ce nouveau calendrier électoral a surtout donné des idées à M. Puigdemont.

Visiblement enjoué et très optimiste, il a ainsi déclaré mercredi soir à la presse dans les couloirs du Parlement européen, dont il est membre, que la loi d'amnistie pourrait entrer en vigueur "probablement fin mai" et envisagé son retour en Catalogne dans les semaines suivantes.

Se référant au scrutin du 12 mai en Catalogne, il a estimé qu'il était "évident" qu'il pourrait assister au débat d'investiture du prochain président catalan, laissant même entendre qu'il pourrait être le candidat de son parti, plutôt que de se représenter aux élections européennes de juin.

Il a toutefois estimé qu'une décision à ce sujet était encore "très prématurée". (AFP)

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