Paralympiques: l'Ougandaise Husnah Kukundakwe, nageuse précoce et modèle en son pays

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L'Ougandaise Husnah Kukundakwe (G), 16 ans, avec sa mère Hashima Patience Batamuriza (D) après une séance d'entraînement à Kampala avant les Jeux paralympiques de Paris 2024. Plus jeune paralympienne de Tokyo, née sans son avant-bras droit et avec une déficience de la main gauche, Husnah Kukundakwe avait trois ans lorsqu'elle a commencé à nager dans la piscine de son école maternelle (Photo BADRU KATUMBA / AFP).

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Plus jeune athlète lors des Jeux paralympiques de Tokyo, en passe de participer à ceux de Paris, la nageuse ougandaise Husnah Kukundakwe est passée "de fille handicapée" à "nageuse professionnelle" aux yeux de son pays, l'Ouganda, où la discrimination des personnes en situation de handicap reste forte.

L'adolescente n'a que 14 ans, en 2021, lorsqu'elle découvre les Jeux, et dispute le 100m brasse, alors qu'elle ignorait quelques années auparavant l'existence de la para natation.

Née sans avant-bras droit et avec une malformation à la main gauche, Husnah Kukundakwe débute sa grande histoire avec la natation à trois ans seulement, âge où elle met pour la première fois les pieds dans un bassin.

"J'allais là-bas, je jouais, je me promenais dans l'eau et je me sentais bien. J'adore être dans l'eau", déclare l'adolescente, aujourd'hui âgée de 16 ans.

Mais son enthousiasme n'est pas partagé par sa mère, qui "s'inquiétait parce qu'elle pensait que je ne pourrais pas nager".

"Puis elle s'est rendue compte que j'allais continuer d'aller dans l'eau et elle a fini par céder", raconte-t-elle en marge d'une séance d'entraînement dans une banlieue de Kampala, la capitale ougandaise.

Un acharnement qui paie. A 9 ans, elle remporte sa première course, face à des enfants valides. "Cela a ouvert les yeux de ma mère sur le fait que je pouvais progresser", dit-elle en souriant.

Mais l'adolescente n'aurait jamais imaginé participer à des compétitions internationales, malgré les heures passées dans les bassins chaque semaine sous les yeux de sa mère, désormais sa manager.

"Je ne savais pas que la para natation existait", assure-t-elle.

Un déplacement au Kenya voisin à l'âge de 11 ans est un tournant pour celle qui n'avait jusqu'alors côtoyé que des nageurs valides: à Nairobi, elle découvre d'autres sportifs handicapés.

"J'ai commencé à me sentir bien avec moi-même, raconte-t-elle: "Si des personnes avec plus de handicaps que moi (...) se sentaient à l'aise et en confiance en faisant ce qu'elles aiment le plus, à savoir nager, alors pourquoi pas moi ?".

Entraînements en ligne 

Elle obtient un certificat l'autorisant à participer à des compétitions internationales, puis prend part aux World Para Swimming World Series en 2019 à Singapour. Avant la consécration: une qualification pour les Jeux de Tokyo.

Mais la décision des autorités ougandaises de fermer piscines et gymnases durant la pandémie de Covid bouleverse sa préparation.

Pour maintenir sa condition physique, Husnah Kukundakwe fait du jogging avec son père, ingénieur, ou ses frères aînés. Et suit des entraînements... via Zoom.

Au Japon, en août et septembre 2021, elle participe au 100 m brasse SB8. Elle ne parvient pas à atteindre la finale mais améliore son record personnel (1:34.35).

Une expérience à la fois "incroyable" et "angoissante parce que j'étais en compétition avec des légendes paralympiques et que je rencontrais également mes modèles".

Une rencontre fut particulièrement marquante: celle avec la nageuse irlandaise Ellen Keane, médaillée d'or sur 100 m brasse SB8. "Je prie tous les jours pour lui ressembler", affirme l'adolescente.

Son ambition dépasse les titres et les médailles. "Mon principal objectif en participant à des compétitions internationales est d'inspirer les personnes handicapées, en particulier les enfants, pour qu'ils réalisent leurs rêves autant que possible", assure-t-elle.

"Changer les regards" 

L'enjeu est de taille en Ouganda, pays de la région des Grands lacs et l'un des moins développés de la planète, où les enfants handicapés sont fréquemment considérés comme des fardeaux et abandonnés par leurs familles.

Selon la Commission ougandaise pour l'égalité des chances, les personnes handicapées restent confrontées à la stigmatisation et à la discrimination et se voient refuser l'accès aux services publics tels que la santé et l'éducation.

Jeune ambassadrice pour le Comité international paralympique, Husnah Kukundakwe commence à voir les mentalités évoluer.

"Quand je reviens de compétition, les gens viennent me dire +Bonjour Husnah, bienvenue+. Avant, ils me regardaient, voire me fixaient, et me montraient du doigt", déclare-t-elle.

"Ma carrière a changé les regards. Les gens ne me voient plus comme une fille handicapée mais comme quelqu'un qui voyage à travers le monde en tant que nageuse professionnelle", assure Husnah Kukundakwe.

Si elle rêve déjà aux Jeux de 2028 à Los Angeles, elle est actuellement concentrée sur l'entraînement qui devrait la mener aux Jeux paralympiques de Paris.

Et son ambition ne se limite pas aux bassins.

"Même si j'aime nager, je ne peux pas le faire éternellement", explique-t-elle. Elle nourrit un autre rêve: devenir pédiatre. (AFP)

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