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Fès en lumières : Quand les musiques sacrées chantent la Renaissance des peuples – Par Hassan Zakariaa

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La 28ème édition du Festival de Fès des Musiques Sacrées du Monde a transformé la ville spirituelle en un laboratoire artistique et philosophique. Entre opéra baroque, musique andalouse, chants soufis et dialogues interculturels, l'événement, placé sous le haut patronage du Roi Mohammed VI, a tissé un fil d'or entre passé, présent et avenir, porté par le souffle de la "Renaissance".
Par Hassan Zakariaa avec MAP
Antonio Greco et Mohammed Briouel : un pont musical entre les rives
Samedi soir, le cadre majestueux de Bab Makina s’est paré de lumières et de mémoires. Sous la direction conjointe d’Antonio Greco et de Mohammed Briouel, les Vêpres à la Vierge de Monteverdi ont résonné avec la musique arabo-andalouse de Fès, offrant une fusion bouleversante. Les visuels projetés sur les murs de la citadelle – églises baroques, fleurs et eaux mouvantes – ont magnifié cette expérience sensorielle.
Le dialogue entre les deux rives de la Méditerranée a transcendé les mots. La rigueur baroque et la poésie modale se sont fondues dans une langue commune, celle du sacre partagé. Un public conquis a accompagné les artistes dans cette traversée esthétique, où chaque note devenait une prière, chaque silence une méditation.
Le festival de dialogue universel
Pour Abderrafie Zouiten, président de la Fondation Esprit de Fès, ce festival est l'incarnation directe de la vision du Roi Mohammed VI, qui fait de la culture un pilier du vivre-ensemble et de la paix entre les peuples. La réhabilitation des médinas, la création de musées, les partenariats avec les conservatoires et les universités témoignent de cette dynamique culturelle en marche.
Cette année, l’Italie, invitée d’honneur, a tissé un dialogue musical d’une rare intensité avec le Maroc, dans le sillage du jumelage entre Fès et Florence. L’ambassadeur d’Italie à Rabat, Armando Barocco, a salué la profondeur historique des liens qui unissent les deux pays, citant notamment la figure de Giorgio La Pira et sa proximité avec les souverains marocains dès 1958.
Alain Weber, chef d’orchestre des croisées culturelles
Directeur artistique du festival, Alain Weber en est l’âme vagabonde. Pour lui, il ne s’agit pas simplement de juxtaposer des traditions, mais de révéler les résonances secrètes entre elles. De la tradition mouride à la musique yéménite retrouvée à Mayotte, chaque rencontre devient une épiphanie sonore. « Si on se prend trop au sérieux, ça ne marche pas. Il faut jouer, comme un enfant à qui on offre des puzzles sonores », confie-t-il.
Ce jeu, c’est aussi celui du mapping visuel, confié à une équipe de jeunes créateurs qui habillent Bab Makina d’images mouvantes, à la croisière du spirituel et du poétique.
Le Forum de Fès : penser le monde en mutation
Parallèlement aux concerts, le Forum de Fès a réuni intellectuels, chercheurs et artistes autour du thème des "Renaissances". Pour Driss Khrouz, son directeur, il ne s’agit pas seulement d’un retour au passé glorieux, mais d’une invitation à imaginer un monde plus hospitalier, plus solidaire.
Les intervenants, venus d’Afrique, d’Europe et du Maghreb, ont exploré les métamorphoses sociétales actuelles : interaction entre culture et IA, jeunesse africaine, créativité en mutation. Jillali El Adnani a souligné le rôle de Fès dans le renouveau politico-religieux africain, évoquant les grandes figures soufies marocaines dont l’influence s’est étendue jusqu’en Libye et au Sénégal.
Fès, capitale d’une humanité qui réinvente l’harmonie
L’archéologue Youssef Bokbot a présenté les dernières découvertes qui redessinent les contours de la préhistoire marocaine. De Jbel Irhoud à Maaden El Melh, en passant par la carrière Thomas à Casablanca, les fouilles révèlent une richesse historique qui confère au Maroc un rôle central dans la généalogie humaine.
Désireux d’ancrer le festival dans le futur, la Fondation Esprit de Fès a initié des partenariats avec les institutions locales pour permettre à de jeunes artistes d’investir les scènes. Des voix nouvelles, des regards neufs, au service d’un patrimoine vivant
Le Festival de Fès des Musiques Sacrées du Monde, à travers concerts, débats et réflexions, réaffirme son rôle de phare culturel et spirituel. Plus qu’un événement, c’est une utopie en mouvement, où la beauté sert de langage commun aux peuples. En période de tumulte mondial, Fès offre une respiration, une méditation collective, un art de la rencontre au-delà des clivages.