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Le Parlement a-t-il les aptitudes pour discuter le projet de loi de règlement relatif à l’exécution de la loi de finances ? - Par Najib Koumina
La présentation au Parlement du projet de règlement relatif à l’exécution de la loi de finances, accompagné d’autres documents essentiels et du rapport de la Cour des comptes, constitue normalement un moment pour les parlementaires d’évaluer et de contrôler l’exécution d’une loi qu’ils ont votée auparavant. Les parlementaires, et les partis politiques qui les ont présentés à la députation, dispose-t-il de la capacité requise pour lire et analyser
Le conseil de gouvernement a adopté, lors de sa réunion hebdomadaire, jeudi 29 février 2024, le projet de loi de règlement n° 09-24 relatif à l’exécution de la loi de finances de 2022. Selon les déclarations du porte-parole du gouvernement à l’issue de cette réunion, l’adoption de ce projet avant fin mars respecte le délai fixé par l’article 64 de la loi organique relative aux lois de finances, et ce grâce aux efforts consentis pour réduire le délai d’élaboration de ce projet et les documents annexes.
Les projets de loi de règlements passaient inaperçus auparavant ne suscitant pas de débat, parce que les gouvernements ne les présentaient qu’après des années et parfois après le changement de gouvernement et de majorité gouvernemental. Aujourd’hui, la loi organique de la loi de finances, constitution des finances publiques, impose un délai pour sa présentation devant le parlement et l’introduction des TIC, notamment la plate-forme de gestion intégrée des dépenses (GID) et également l’e-budget, en plus des changements intervenus au niveau de la comptabilité publique, qui ne se suffit plus d’une comptabilité de caisse (comptabilité patrimoniale et comptabilité analytique), permettent une meilleure maîtrise de la gestion budgétaire et une disponibilité des données détaillées sur l’exécution des budgets annuels. Ainsi, il n’y a plus de raison pour que les retards dans la préparation des projets de loi de règlement.
La présentation au Parlement du projet de règlement relatif à l’exécution de la loi de finances, accompagné d’autres documents essentiels et du rapport de la Cour des comptes, constitue normalement un moment pour les parlementaires d’évaluer et de contrôler l’exécution d’une loi qu’ils ont votée auparavant, et qui souvent subit des modifications autorisées ou sous contraintes. C’est un exercice qui se fait attendre pour opérationnaliser le principe constitutionnel de la responsabilité et de la reddition des comptes
Les données comptables et les rapports d’audit et d’évaluation accompagnant ce projet sont d’une grande importance parce qu’ils mettent à la disposition des parlementaires des données et des informations pertinentes sur l’action gouvernementale concrète durant une année budgétaire et au-delà. Ces informations et données sont susceptibles d’aider à juger les résultats sur le plan national et régional et de mesurer les performances et également de savoir plus sur la gouvernance des finances publiques et des administrations publiques.
Cependant, les parlementaires, et derrière eux les partis politiques qui les ont présentés à la députation, doivent disposer de la capacité requise pour lire et analyser une grande quantité de données et d’analyses mise à leur disposition pour s’inscrire dans le processus de la reddition des comptes, institué par la constitution de 2011 et LOLF de 2016, et exercer l’une de leurs fonctions fondamentales. Ce qui n’est pas évident.
C’est que les partis politiques, et les centrales syndicales, représentés aux deux chambres du Parlement, ne disposent pas eux-mêmes de structures d’expertise pouvant aider leurs parlementaires à bien comprendre et analyser ce genre de projets de loi et des documents les accompagnant. Ils n’ont pas non plus l’habitude, ni les moyens parfois, de faire appel à l’expertise externe pour combler leur vide. Les deux chambres du parlement non plus n’ont pas des structures où évoluent des cadres de haut niveau pouvant apporter leur expertise aux différents groupes dans ce domaine nécessitant non seulement un savoir technique, mais également une certaine maitrise de l’analyse dans l’environnement parlementaire. Les groupes parlementaires et les deux chambres ont souvent recruté sur des bases clientélistes ne tenant pas compte des besoins en cadres compétents dans des domaines variés, notamment celui des finances publiques et celui de l’évaluation des politiques publiques.
Au niveau des parlementaires, peu de députés ou de conseillers disposent de connaissances et de capacités requises pour pouvoir discuter les projets de lois de finances, et le projet de loi de règlement est considéré par la loi comme loi de finances, ou encore répliquer ou agréer méthodiquement les rapports de la cour des comptes, conforme aujourd’hui aux standards élaborés par l’institution internationale INTOSAI qui regroupe les cours de comptes et les auditeurs publics.
Pour que l’action parlementaire évolue positivement, à un moment où le rôle des Parlements est de plus en plus centré sur l’évaluation des politiques publiques et le contrôle des gouvernements, il est indispensable d’évoluer vers de nouvelles structures et pratiques parlementaires et vers des partis structurés et ouverts aux compétences jouissant non seulement de la connaissance. idoine, mais également d’une moralité sans reproche et d’un sens déontologique de l’action publique.
Najib Koumina