Retour sur le vécu confinementiel = I- Le remède éphémère

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Première partie

Du fin fond de mon confinement jusqu'à ses confins, je récidive après mon article "Brefs propos sur le confinement", vu que nous sommes tous appelés à jouer les prolongations sans qu’on sache jusqu’à quand et que l’affaire semble plutôt tourner à la déconfiture, voire au vinaigre, ballotés que nous sommes entre espoir et broyer du noir. En témoignent aussi nos âmes pétries d’immenses tristesses et nos pieds dans la glaise. Et comment ne pas paniquer lorsqu’on nous dit que l’épidémie peut valser entre disparaître et réapparaître. Parole de l’admirable Angela Merkel ! Et donc qu’il va falloir s’accommoder du virus et vivre avec, en plus des masques et des barrières sanitaires qui créent un climat délétère de suspicion envers l’autre comme étant potentiellement contaminant. Et aux vivants incombe le devoir de se montrer dans cette tragédie disciplinés et résilients, en attendant des jours meilleurs. 

Pour en avoir le cœur net, je me suis mis, cette fois-ci, à me mêler un peu, par mobile, de ce qui me regarde chez mes semblables les confinés, y menant une sorte de mini enquête mi-réelle mi-hypothétique, sans me priver d’un ferment romanesque. Alors que de choses stupéfiantes ou cocasses ai-je apprises ! Certaines pouvant être perçues comme des scoops. Jugez-en vous-mêmes : «voile pour tous" et unisexe, résurgence du voile almoravide, orgasmer en self-service, baisers aériens et à distance, etc. Choses que j’aimerais partager par écrit avec des personnes réelles ou virtuelles. J’y mettrai un peu de sel humoristique comme remède éphémère à notre mal-être. 

Après avoir fini la relecture de Hay ibn Yaqdane d’Ibn Tofaïl, Voyage autour de ma chambre de Xavier de Maistre, Huis clos de Jean-Paul Sartre, Vendredi ou les limbes du pacifique de Michel Tournier, je me suis mis au travail.

Un ex-ami à qui j’ai posé la question désormais d’une actualité brûlante : "comment se passe ton confinement ?" Il me répond sans se départir d’un iota de son cynisme coriace, atavique. 

–Moi, pour être juste, je reconnais quand même qu’on doit au coronavirus - création naturelle ou humaine - la baisse significative du taux de pollution de par le monde, celui des cambriolages et des hold-up, sans compter la disparition des prostituées racoleuses, le désengorgement prometteur des prisons, l’amélioration de la fidélité conjugale -confinement et peur de la contagion obligent et un certain retour opportuniste à la foi religieuse, etc.

-Tu restes égal à toi-même, lui réponds-je, sur le champ, cynique et qui plus est avocat du diable. A toute chose, as-tu l’air de dire, malheur est bon. Tes taux en baisse ne pèsent pas lourd au regard du Mal massif et cruel que le coronavirus inflige à tous les terriens de différents âges et conditions. Ton diable maléfique et humiliant est là parmi nous pour être combattu et radicalement exterminé. Nos illustres savants et chercheurs s’y emploient et finiront par y arriver après avoir cerné le gène de virus et séquencé son génome. Et alors toute l’humanité fera le V de la victoire par KO écrasant.

-A toi, rétorque-il, insensible et défiant, je te souhaite du courage et plus encore aux saints scientifiques pour annihiler le méchant virus et surtout pour rendre impossible, ce qui n’est pas acquis, son retour adaptif en vagues nouvelles et en rebonds. Mais quoi qu’il en soit n’oublie pas, bel ami, que les deux dernières guerres mondiales, le bombardement atomique de Hiroshima et Nagasaki et les colonisations génocidaires ont massivement tué beaucoup plus d’humains que le très maudit coronavirus ! Fais-en une comparaison statistique macabre et tu seras mieux renseigné, d’autant plus si tu prends en compte les millions de morts de la grippe espagnole (en vérité américaine) à la fin de la première guerre mondiale, pandémie à nulle autre pareille. En outre, si le monde de l’après-tsunami virologique deviendra, en fin de chamboulement, meilleur, c’est quand même quelque part grâce à lui. Un peu de gratitude, dis donc… Dis-moi, puis-je, à mon tour, te poser une ou deux questions, peut-être indiscrètes.   

-Puisque tu en annonces la couleur, dis-je, allons-y pour une seule, car j’ai d’autres coups de fil à donner.

-Voilà, et le très bon Dieu, l’omnipuissant, l’omniscient, le compatissant, etc. où est-il dans tout ça ? Qu’attend-il pour bouger le petit doigt et pulvériser ce Mal absolu qui ravage ses créatures et leur terre, laquelle est en passe de devenir dangereusement habitable ?

Je prends mon courage à deux mains et lui réponds :

      -C’est par mobile qui me fait mal à l’oreille que tu me poses ta si complexe et pernicieuse question. Alors différons. 

-J’espère qu’on n’est pas sur écoute, lance-t-il. D’ailleurs je n’ai nullement médit de notre Seigneur le Sauveur. Et sache que ma question est sur beaucoup de lèvres des deux sexes, de plusieurs formes et couleurs. Je te laisse le temps d’y réfléchir et vaquer, comme bon te semble, à ton confinement. Enfin, ne t’aventure pas à me chercher pour un face à face ou une poignée de main, car je serai hermétiquement voilé ou si tu veux masqué, et j’ai une canne pour mesurer au centimètre près la distanciation réglementaire, comme c’est décrété par la puissance publique... Maintenant écoute-moi bien, je vais de ce pas rejoindre ma putain respectueuse Nadia la jeune et très saine à qui j’ai donné asile contre virus, chômage, humiliation, faim, effroi, folie… Tout l’appartement, elle le passe au peigne fin, désinfectant minutieusement coins et recoins. Soudain, je lui déclare ma flamme. Faisant mine de ne pas comprendre, je lui dis que je demande sa main, elle me la tend. Sans trop tourner autour du pot je lui explicite que je veux qu’elle soit ma femme. Submergée par l’émotion et les larmes, elle balbutie oui je veux ; alors nous nous livrons à des ébats amoureux comme pour fêter notre sortie, elle de la mauvaise vie et moi de mon célibat endurci, puis nous nous offrons un bain commun où nous nous frottons et rinçons mutuellement ; après quoi nous passons au salon où nous nous saoulons comme il se doit, au rythme d’une musique érotique  accompagnée de mets diététiques, et ce sans à personne quémander permission et encore moins absolution... Vive la vie ! A bas la pandémie… A présent, adieu Pangloss de mes deux ! 

Il raccroche sans entendre ma réplique et ma bénédiction pour son mariage. (A suivre)