Implant nerveux électroactif : le Marocain Ahmed Hamraoui révolutionne la régénération nerveuse

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« En combinant des matériaux biocompatibles à des champs électriques, nous créons un environnement propice à la régénération nerveuse » (Ahmed Hamraoui)

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Après dix ans de recherches, un physicien marocain installé en France réussit un pari audacieux : créer un implant capable de guider la repousse des nerfs grâce à un champ électrique. Cette innovation majeure pourrait changer la prise en charge des lésions du système nerveux périphérique, en offrant une alternative aux greffes classiques.

Par Maria Mouatadid – Bureau de MAP à Paris avec Quid

Un champ électrique pour relancer les nerfs endommagés

 Paris – Aux confins de la science et de la médecine régénérative, le chercheur marocain Ahmed Hamraoui signe une avancée décisive dans la réparation du système nerveux périphérique. Son innovation ? Un implant électroactif inédit, qui génère un champ électrique localisé capable de stimuler la repousse des fibres nerveuses sectionnées.

« Certaines blessures nerveuses, notamment quand l’interruption du nerf dépasse 3 cm, ne peuvent pas se réparer naturellement », explique le chercheur dans une interview à la MAP. Aujourd’hui, la médecine tente de combler cette lacune soit par greffe d’un nerf d’une autre partie du corps, soit à l’aide de tubes synthétiques. Mais ces deux méthodes ont leurs limites : la première sacrifie un tissu sain, la seconde, si elle n’est pas fonctionnalisée, est peu efficace sur les longues distances.

C’est pour contourner ces contraintes que le physicien formé à l’Université Mohammed Premier d’Oujda, et aujourd’hui maître de conférences à l’Université Paris Cité, a imaginé un implant actif. « Notre dispositif stimule et guide la repousse des nerfs, sans contact direct avec les tissus, grâce à un champ électrique localisé dans un tube isolant », explique-t-il.

Le fonctionnement du dispositif repose sur plusieurs éléments-clés : un tube isolant rempli d’un gel biocompatible, des électrodes intégrées à sa surface pour produire le champ électrique, et un manchon protecteur composé de matériaux biodégradables comme le PGLA, le PLLA ou le PCL. Résultat : un canal de repousse nerveuse activement guidé, pour une réparation plus rapide et mieux orientée.

Une décennie de recherches pour une idée simple mais révolutionnaire

Ce projet s’inscrit dans une longue trajectoire scientifique. Dès 2010, Ahmed Hamraoui encadre une thèse sur la croissance des axones – les prolongements des neurones – et leur interaction avec des environnements artificiels. « Nous avons constaté qu’il n’est pas nécessaire de recourir à des molécules chimiques pour déclencher la repousse », précise-t-il. Ce sont les propriétés physiques, notamment l’hétérogénéité des contacts entre le neurone et son environnement, qui suffisent à initier la croissance.

Cette intuition physique a débouché, au fil des ans, sur la conception d’un implant capable de reproduire ce phénomène de manière contrôlée. « En combinant des matériaux biocompatibles à des champs électriques, nous créons un environnement propice à la régénération nerveuse », souligne-t-il.

Et les résultats sont prometteurs. Des expérimentations sur des modèles animaux, notamment des souris, ont permis d’observer une repousse nerveuse plus rapide et mieux dirigée. Le dispositif est bien toléré, et les premiers indicateurs biologiques sont encourageants.

À la croisée de plusieurs disciplines – biologie, neurophysiologie, ingénierie et physique – ce projet s’appuie sur un travail d’équipe coordonné au sein du laboratoire de M. Hamraoui. Il bénéficie du soutien du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), de la *SATT Lutech, et de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), preuve que l’État français croit au potentiel transformateur de cette innovation.

Bientôt une application humaine ?

Le potentiel médical de cet implant est immense. « Nous ciblons en priorité la réparation des nerfs périphériques endommagés, suite à des accidents ou à des chirurgies lourdes », explique le chercheur. Ces lésions entraînent souvent une perte de motricité, de sensibilité, voire des douleurs chroniques.

Les applications cliniques envisagées vont de la reconstruction nerveuse dans les membres à des chirurgies réparatrices complexes, jusqu’à des pathologies plus rares du système nerveux périphérique. À terme, cette technologie pourrait même ouvrir des pistes dans la prise en charge de lésions nerveuses actuellement sans solution.

Pour passer des modèles animaux à l’application humaine, l’équipe d’Ahmed Hamraoui a d’ores et déjà noué des partenariats avec des centres de neurochirurgie et des plateformes de recherche clinique. Elle est également en discussion avec des investisseurs, dans le but de financer les étapes réglementaires nécessaires à l’homologation médicale.

« Notre objectif est de faire entrer cette technologie en clinique dans les prochaines années », affirme Hamraoui. Ce physicien à l’allure discrète, aujourd’hui détenteur d’une habilitation à diriger des recherches (HDR), croit profondément en l’avenir de la médecine du vivant, où la physique et l’ingénierie viendront au secours de la biologie.

Ce projet n’est pas seulement une prouesse technique : il incarne une nouvelle approche thérapeutique, plus douce, moins invasive, et surtout plus respectueuse des capacités naturelles du corps humain à se réparer.

Une fierté marocaine dans la science de demain

Au-delà de la performance scientifique, l’histoire d’Ahmed Hamraoui est celle d’un parcours marocain qui rayonne à l’international. Diplômé d’Oujda, formé en France, il symbolise une génération de chercheurs du Sud capables de rivaliser dans les domaines les plus pointus de la recherche mondiale.

Son travail s’inscrit dans une dynamique d’innovation à fort potentiel médical et économique. En misant sur des approches interdisciplinaires, ce scientifique ouvre la voie à une nouvelle manière de concevoir les implants et les dispositifs médicaux, plus intelligents, plus actifs et mieux adaptés aux besoins des patients.

À l’heure où les pathologies nerveuses sont en forte augmentation, notamment avec le vieillissement des populations, cette avancée technologique pourrait représenter un tournant majeur dans la prise en charge de millions de cas à travers le monde.

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