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Présidentielle ivoirienne: appel à manifester contre l'éviction de Thiam pour être, ou avoir été, binational

Tidjane Thiam (C), le président du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), danse lors d'une réunion de mobilisation pour l'élection présidentielle d'octobre 2025, à Yopougon, une commune populaire d'Abidjan, le 15 février 2025. (Photo Sia KAMBOU / AFP)
À six mois d’une présidentielle sous tension, l’opposition ivoirienne appelle à descendre dans la rue après l’invalidation surprise de la candidature de Tidjane Thiam. Une décision judiciaire controversée relance les crispations dans un paysage politique déjà marqué par les exclusions et les fractures de l’histoire récente du pays.
Abidjan - Le principal parti d'opposition a appelé à manifester jeudi devant les tribunaux de Côte d'Ivoire, premier appel à la mobilisation après l'éviction par la justice de son candidat Tidjane Thiam, à six mois de l'élection présidentielle.
Mardi, le tribunal d'Abidjan a radié M. Thiam de la liste électorale, estimant qu'il avait perdu sa nationalité ivoirienne lorsqu'il s'est inscrit sur la liste en 2022. La décision n'est susceptible d'aucun recours et ferme donc la porte à sa candidature à la présidentielle du 25 octobre.
D'autres opposants, comme l'ancien président Laurent Gbagbo (2000-2011), sont exclus de la course en raison d'une condamnation judiciaire. Locomotive économique de l'Afrique de l'Ouest francophone, le premier producteur mondial de cacao constitue depuis une dizaine d'années un pôle de stabilité dans une région secouée par les coups d’État et les attaques jihadistes.
"Demain (jeudi), partout sur l'étendue du territoire, chaque Ivoirien là où il se trouve va marcher devant le palais de justice de sa région, de sa ville", a déclaré Simon Doho, chef des députés du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), à la permanence du parti du quartier du Plateau, une commune d'Abidjan.
En face de Simon Doho, une centaine de militants ont entonné l'hymne national et crié "Titi président", surnom de leur candidat.
A Abidjan, la marche est prévue jeudi à 09H00 (locale et GMT), de la permanence du parti du Plateau jusqu'au tribunal de la même commune.
En Côte d'Ivoire, les manifestations peuvent avoir lieu avec une autorisation de la police, mais sont presque systématiquement refusées.
"Le désordre ne sera pas toléré, ce n’est pas une menace, on peut considérer que c’est un conseil", a souligné le porte-parole du gouvernement, Amadou Coulibaly, à l'issue du conseil des ministres.
"Nous ne commentons pas les décisions de justice, nous les respectons" et "nous aurons des élections démocratiques et apaisées", a-t-il assuré.
"C'est moi ou personne, nous ne présenterons pas d'autre candidat", avait dit quelques heures plus tôt M. Thiam, actuellement en France, dans un entretien téléphonique à l'AFP.
Il a également annoncé qu'il comptait saisir la Cour de justice de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cedeao). "Et on va continuer à se battre sur le terrain et montrer au pouvoir que c'est une décision qui est mauvaise pour la Côte d'Ivoire", a-t-il assuré.
D'autres opposants sont aussi pour l'heure radiés
La justice a utilisé l'article 48 du code de nationalité, datant des années 1960, qui stipule que l'acquisition d'une autre nationalité entraîne la perte de la nationalité ivoirienne.
Né en Côte d'Ivoire, M. Thiam avait obtenu la nationalité française en 1987 et y a renoncé en mars afin de se présenter à la présidentielle, un scrutin pour lequel un candidat ne peut pas être binational.
"Je maintiens que cette loi n'a pas été appliquée en 64 ans. Tous les jours, il y a des Ivoiriens qui prennent une autre nationalité", a dénoncé M. Thiam.
Si ses partisans ont dénoncé une décision "politique" visant à écarter leur candidat, le parti au pouvoir répond ne pas être impliqué dans cette affaire.
Les déboires judiciaires de M. Thiam ne sont pas terminés : jeudi également, une audience du tribunal d'Abidjan doit avoir lieu concernant une procédure qui pourrait le démettre de ses fonctions de président du parti. Une militante du PDCI conteste en effet sa légitimité, toujours en raison de sa binationalité.
D'autres opposants sont aussi pour l'heure radiés de la liste électorale: l'ex-président Laurent Gbagbo, son ancien bras droit Charles Blé Goudé et l'ancien Premier ministre et ex-chef rebelle Guillaume Soro, en exil, pour des condamnations judiciaires.
Par ailleurs, les députés du PDCI et du parti de Laurent Gbagbo, le Parti des peuples africains - Côte d'Ivoire (PPA-CI), ont quitté l'Assemblée nationale mercredi pour protester contre l'exclusion de M. Thiam.
Le parti au pouvoir n'a pas encore désigné son candidat. Il organisera en juin un congrès au cours duquel Alassane Ouattara, 83 ans, au pouvoir depuis 2011, pourrait se prononcer.
Trois autres opposants sont en course: l'ancienne Première dame Simone Gbagbo, l'ex-ministre du Commerce Jean-Louis Billon et l'ancien Premier ministre Pascal Affi N'Guessan. (Quid avec AFP)