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SIEL 2025 : Entre hommages, dialogues culturels et enjeux sociétaux

Débat sur les groupes musicaux au Maroc « un demi-siècle de créativité », dans le cadre de la 30ème édition du Salon international du livre et de l'édition (SIEL-2025). 20/04/2025-Rabat
La 30e édition du Salon international de l'édition et du livre (SIEL) à Rabat a offert aux visiteurs un kaléidoscope d'événements où se sont entremêlés hommages littéraires, créations artistiques, réflexions sur les médias et la justice, et dialogues interculturels. Cette édition, riche en symboles et en émotions, a confirmé le rôle central de la culture comme vecteur d'identité, de mémoire et d'avenir. Voici le compte rendu de Hassan Zakariaa sur neuf temps forts de la journée du dimanche 20 avril, une immersion complète dans le cœur battant du SIEL 2025.
Mohamed Benaïssa : L’hommage d’un royaume à un homme de culture et de diplomatie
Figure emblématique du paysage culturel et diplomatique marocain, feu Mohamed Benaïssa a reçu un hommage vibrant dans le cadre du SIEL 2025. Intitulée "Empreintes vers l’éternité", la conférence a mis en lumière une vie vouée au service public, à la diplomatie, à la culture et au développement local, notamment à travers son engagement pour sa ville natale, Assilah.
La cérémonie a été marquée par une allocution du ministre Mohamed Mehdi Bensaid, lue par son secrétaire général par intérim, rappelant la confiance royale dont bénéficiait le défunt. Le Forum d’Assilah, représenté par Hatim Bettioui, disciple et successeur, a salué son rôle de bâtisseur et de passeur de culture. L’écrivain Mohamed Achaari a souligné l’importance du livre dans la pensée de Benaïssa et a proposé la création d’un musée à son nom. Diplomate de carrière, ancien ministre de la Culture et des Affaires étrangères, Benaïssa a laissé une empreinte durable sur les institutions et la scène culturelle marocaine.
Mbarek Rabii : Une œuvre monumentale et un engagement constant
Un hommage tout aussi fort a été rendu à Mbarek Rabii, pilier de la littérature marocaine contemporaine. Avec une bibliographie impressionnante — 18 romans, 7 recueils de nouvelles, 5 essais, 5 ouvrages jeunesse — Rabii a marqué le champ littéraire par sa rigueur, son expérimentation et son inscription dans les dynamiques sociales et esthétiques de son temps.
Les critiques Mohamed Dahi et Abdelmajid Noussi ont évoqué l’évolution stylistique de Rabii, de la narration mythique à la mémoire urbaine, en passant par l’exploration poétique du langage. Sa trilogie "Derb Soltane" a été saluée pour sa cartographie sensible de Casablanca. Rabii, également universitaire, a rappelé le rôle fondamental de l’écrivain comme artisan des valeurs esthétiques, en dialogue permanent avec la critique.
Abdellah Bounfour : L’amazighité comme science, mémoire et ouverture
Le professeur Abdellah Bounfour, grande figure des études amazighes, a été honoré pour son apport exceptionnel à la préservation et à l’analyse du patrimoine culturel amazigh. Sa démarche, combinant rigueur linguistique, approche sémiotique et ancrage dans la poésie populaire, a été saluée par des pairs tels que Salem Chaker, Abdelghani Abou Al Aazm et Mohamed Sghir Janjar.
Les intervenants ont insisté sur la portée transnationale de ses travaux, qui lient recherche, enseignement et militantisme culturel. La pluridisciplinarité de Bounfour et sa fidélité à un socle intellectuel ouvert et critique ont été perçues comme un modèle pour les générations futures. Son engagement constant pour une culture amazighe vivante et réfléchie constitue un legs scientifique d’envergure.
Contes populaires revisités : Quand l’illustration fait pont entre les cultures
L’exposition "Les contes avec une nouvelle vision", co-organisée par des institutions marocaines et émiraties, a proposé une réinterprétation visuelle des contes traditionnels des deux pays. Dix artistes — cinq marocains et cinq émiratis — ont croisé leurs imaginaires pour faire renaître des figures mythiques comme Aicha Kandicha, Bou Soulaa ou le Génie dansant.
Ces œuvres, fruits d’un travail de recherche narratif et graphique, mêlent tradition et modernité à travers des supports allant du dessin numérique à l’affiche illustrative. Le projet, itinérant à l’international, illustre la puissance des récits oraux pour construire des ponts entre les cultures et sensibiliser les jeunes générations à leur patrimoine narratif.
Architecture patrimoniale : Convergences entre Maroc et Émirats
Le panel sur l’architecture patrimoniale a mis en évidence les similarités esthétiques et fonctionnelles entre les architectures marocaines et émiraties. Animée par Sheikha Al Mutairi, la discussion a réuni Zhour Karam et Hamad bin Seray qui ont montré comment les deux traditions architecturales traduisent les conditions environnementales et les valeurs sociétales.
Du zellige marocain aux ombrières et toits plats émiratis, les expressions architecturales deviennent le miroir d’une identité collective. Le dialogue a également porté sur la transmission de ce patrimoine, à la croisée de l’artisanat, de la spiritualité et de l’innovation.
Groupes musicaux marocains : Une révolution artistique dans la rue et sur scène
Les groupes musicaux comme Nass El Ghiwane, Jil Jilala ou Izenzaren ont été au centre d’une conférence retraçant leur rôle crucial dans la mutation musicale et sociale du Maroc des années 70 à nos jours. Le chercheur Hassan Bahraoui a rappelé leur ancrage dans le théâtre populaire et leur capacité à exprimer les préoccupations du peuple dans un langage artistique novateur.
Mubarak Hanoun a souligné la dimension politique et existentielle des chansons ghiwanesques, tandis que Hassan Habibi a insisté sur la rupture opérée par ces groupes avec les normes musicales dominantes. Ces formations ont marqué l’émergence d’un art collectif et engagé, donnant voix aux sans-voix dans une époque bouillonnante.
Edmond Amran El Maleh : L’écriture comme conscience et transmission
Une rencontre dédiée à Edmond Amran El Maleh a permis de revenir sur l’itinéraire intellectuel d’un écrivain majeur, défenseur de l’authenticité marocaine et des causes justes. Simone Bitton a évoqué son compagnonnage avec l’auteur, saluant son équilibre entre poétique et politique, et sa fidélité à l’identité judéo-marocaine.
L’écrivain Abdelkrim Jouiti a mis en lumière l’usage du bilinguisme et de la darija dans ses romans comme instruments de résistance et de dialogue. La projection du film "Les mille et un jours d’El Haj Edmond" a prolongé l’hommage, illustrant l’ampleur humaniste et esthétique de son œuvre.
Médias et Mondial 2030 : L’urgence d’un récit stratégique et inclusif
Dans son ouvrage présenté au Salon, Jamal El Mohafide analyse les défis médiatiques liés à la co-organisation par le Maroc du Mondial 2030. Il appelle à un repositionnement du discours médiatique national pour qu’il devienne un levier de développement, d’image internationale et de valorisation des valeurs marocaines.
Said Mountassib, modérateur de la rencontre, a insisté sur la transversalité des enjeux soulevés : formation, coordination tripartite, stratégie éditoriale, modernisation technologique. L’auteur plaide pour une mobilisation structurée des médias marocains, appelés à jouer un rôle bien au-delà de la simple couverture sportive.
Efficience judiciaire : Objectif transparence et délais maîtrisés
Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) a profité du SIEL pour organiser une conférence sur l’efficience judiciaire. Younes Ezzahri y a présenté le chantier des délais indicatifs comme clé d’un procès équitable. La coopération interinstitutionnelle entre le CSPJ, le ministère de la Justice et la Présidence du ministère public a été mise en avant comme levier de transformation.
Abderrahim Miad a rappelé les efforts de modernisation et de numérisation, tandis que Houssein Zayani et Abdelaziz Fougni ont défendu respectivement le rôle central des avocats et des commissaires judiciaires dans l’application rapide et juste des décisions. Une justice plus rapide, plus accessible et mieux organisée est l’objectif affiché.