IRES, le rapport stratégique 2024-25 : ''QUELLE GOUVERNANCE POUR UN MONDE EN MUTATION ?'' -Par Mustapha SEHIMI 

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Pour le directeur général de l'IRES, Mohammed Tawfik Mouline (photo) - qui a dirigé cet ouvrage - ces mutations complexes ont des conséquences structurelles : elles" interrogent les fondements de nos sociétés, ébranlent les pratiques traditionnelles de gouvernance et imposent de nouveaux modes de gouvernance plus adaptés aux défis actuels et futurs"

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Dans un monde aux équilibres brisés, où gouvernance, climat, technologie et conflits redessinent l’avenir, le rapport stratégique de l’Institut Royal des Etudes Stratégiques sonne l’alerte. Mustapha Sehimi l’a lu et nous dit comment ce rapport questionne nos modèles, défie nos certitudes et appelle à une refondation profonde. De la montée des risques à l'émergence d’un nouvel ordre mondial, il explore les voies d’une gouvernance adaptée aux défis d’un XXIe siècle tourmenté.

Voilà un rapport qui ne s'attache pas à la conjoncture mais qui se préoccupe de problématiques de fond pesant sur le monde. Il y a tant de mutations dans tous les domaines ! Difficile de s'y retrouver, de les suivre au plus près, et de tenter à en donner des lectures intelligibles. Un phénomène qui s'accélère d'ailleurs avec la nouvelle administration Trump depuis trois mois... Dans le domaine géopolitique, le bouleversement est frappant : après un certain ordre dans les décennies qui ont suivi la Seconde guerre mondiale, le monde peine à se réarticuler autour d'un "nouvel ordre". Avec la Chine visant la première place en 2049, la Russie de Poutine ravivant l'empire historique et le Sud global en voie d'affirmation, la tâche est immense. Pratiquement hors de portée. Ce n'est pas le grand désordre international, mais autre chose : une altérité tutoyant diverses formes de conflictualité. L'économie est aussi au cœur de cette situation peu maîtrisable ; le changement climatique aussi, sans oublier l'économie numérique qui va de plus en plus reconfigurer les structures des sociétés. 

Défis actuels et futurs

Pour le directeur général de l'IRES, Mohammed Tawfik Mouline - qui a dirigé cet ouvrage - ces mutations complexes ont des conséquences structurelles : elles" interrogent les fondements de nos sociétés, ébranlent les pratiques traditionnelles de gouvernance et imposent de nouveaux modes de gouvernance plus adaptés aux défis actuels et futurs". Cet ouvrage s'articule autour de trois parties. La première regarde la mise à plat de la notion même de gouvernance : un processus couvrant de nombreux domaines (une entreprise comme une institution étatique) ; des exigences de changement aussi ; des difficultés à surmonter enfin tant en interne qu'à 1'international - la problématique d'un système mondial à ordonner met bien en relief les obstacles qui se présentent à cet égard. La deuxième partie traite, elle, des perspectives 2030-2050 : il s'agit d'anticiper. Le monde d'aujourd'hui est celui des crises avec son lot d'incertitudes et d'hypothèques. Le monde qui vient sera celui de la société du risque avec des "mégatendances en cours" (démographie, environnement naturel en souffrance, un capitalisme ultralibéral en difficulté et une amplification de la substitution homme-machine avec la robotisation et l'intelligence artificielle). Sont ainsi favorisées des émergences qui présentent des émergences communes (division des sociétés, échec des systèmes éducatifs, transition démographique, migration, changements technologiques radicaux facteur de division plus que d'union). De quoi pousser à "1'ancrage à la société du risque " avec ses multiples déclinaisons. La société n'est plus celle de la production des richesses : tant s'en faut ; elle relève désormais d'un autre paradigme. 

L'ouvrage présente des risques planétaires en identifiant une dizaine de limites planétaires (changement climatique, érosion de la biodiversité, altération du cycle biogéochimique, déforestation, gestion du cycle de l'eau douce ; acidification des océans, appauvrissement de la couche d'ozone, augmentation de la présence d'aérosols, ...). Franchir ces limites, n'est-ce pas conduire à "un effondrement civilisationnel"? La gouvernance sera-t-elle à la hauteur de ces défis? Trois domaines clés se distinguent : urgence climatique, épuisement des ressources, sécurité énergétique. Il est également fait référence à " la gouvernance du virtuel" qui pose le problème de la protection des droits humains. Les problèmes de la planète sont complexes, inextricables même par de nombreux aspects. La mondialité imbrique le local et le global, les attentes s'accentuent avec une exigence de changement. Un leadership adéquat s'impose à l'évidence alors qu'il est aujourd'hui déficitaire ; il ne se décrète pas - il doit s'appuyer sur des capacités. 

La dernière partie porte sur les piliers de la bonne gouvernance : utilisation de l'intelligence collective, rationalisation des ressources et des usages, principe de subsidiarité, recours à la science et aux faits. Dans cette ligne, le couplage avec deux grands principes : la prévalence de la justice et de l'éthique, la flexibilité et l’adaptation aux besoins des services publics. Comment définir et conforter une identité planétaire ? Il importe de prioriser la résolution des problèmes sur la base d'une gouvernance planétarisée. Ce qui requiert un nouvel état d'esprit (Mindset), une gouvernance anticipative et adaptative ainsi qu'un processus fondamentalement multiniveaux. Une nouvelle gouvernance mondiale donc ? La planification stratégique connaît aujourd'hui un certain regain parce qu'il faut maîtriser un développement s'appuyant sur des analyses prospectives et systémiques (technologie et innovation, sécurité sanitaire mondiale, planification urbaine et démographique, sécurité et défense, politiques économiques). 

Le Maroc, modèle singulier

Et le Maroc face à toutes ces contraintes ? La gouvernance publique s'inscrit dans "une dynamique réformatrice dans le cadre d'un modèle singulier". Il plaide à l'international pour "une gouvernance mondiale plus équitable et inclusive ". Ce modèle se base sur plusieurs principes : le nouveau concept d'autorité, la régionalisation avancée, la réforme constitutionnelle de 2011, le secteur des entreprises publiques, l'édification de l'Etat social, la charte des services publics., L'on a affaire au dehors assurément à "une doctrine affirmée de la gouvernance mondiale " pour la construction d’"un monde plus humain, plus juste, plus stable et plus prospère" (engagement en faveur de la paix et de la solidarité internationale, dialogue entre les civilisations, lutte contre le terrorisme et le crime organisé, maîtrise du champ religieux et lutte contre l'obscurantisme, politique migratoire à visage humain). 

La mise en œuvre d'un modèle de gouvernance avant-gardiste commande la priorisation des axes suivants : transparence de la gouvernance dans la pratique des acteurs publics : transparence, participation et intelligence collective, une gouvernance anticipative et adaptative, une administration citoyenne moderne, une adaptation de la gouvernance des finances publiques, une émergence d’une nouvelle génération éduquée au futur. 

Un rapport stratégique décapant. Interpellatif aussi. Bien utile alors que la nature et la dimension d'un nouveau modèle de développement sont toujours à l'ordre du jour... 

Voici une proposition d’accroche et des tags pour accompagner ce texte :

Dans un monde aux équilibres brisés, où gouvernance, climat, technologie et conflits redessinent l’avenir, ce rapport stratégique sonne l’alerte. Il questionne nos modèles, défie nos certitudes et appelle à une refondation profonde. De la montée des risques à l'émergence d’un nouvel ordre mondial, il explore les voies d’une gouvernance adaptée aux défis d’un XXIe siècle tourmenté.

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