chroniques
Trump à la dérive
Sa chance, c’est qu’en face d’elle, Trump a démontré qu’il n’avait ni les compétences, ni les qualités humaines pour être le Président de la première puissance mondiale
La campagne présidentielle américaine a connu un tournant décisif ces derniers jours. Ce ne sont pas les débats électoraux qui ont été déterminants, mais la personnalité même de Donald Trump. L’exhumation de ses déclarations sur les femmes, son attaque contre Bill Clinton, sa tentative d’imposer la politique-poubelle, l’ont fortement desservi. L’establishment républicain qui l’avait accepté, contraint et forcé, s’en détache. Paul Ryan, le président de la chambre des représentants, le sénateur McCain, deux fois candidat malheureux aux présidentielles, et plusieurs gouverneurs ont annoncé qu’ils retiraient leur soutien au milliardaire sulfureux.
Dans ces conditions, Hillary Clinton, qui dispose d’une large avance dans les sondages, devrait être élue en novembre. Le risque pour les Républicains, c’est que la campagne-désastre de leur candidat impacte les législatives et permettent à l’ex-First Lady, d’avoir toutes les manettes, Maison Blanche et Congrès.
Le phénomène Trump est pourtant un appel à la réflexion. Ses soutiens ne sont ni aussi outranciers, ni aussi sulfureux que lui. Il s’agit de larges franges de la population réfractaires au système et à un establishment perçu comme de plus en plus éloigné du peuple, de ses préoccupations. C’est dans les bassins industriels, souvent en butte à de grosses difficultés économiques, qu’il a le plus d’audience. Ces franges de la population se sont même mobilisées dans le camp démocrate en faveur du challenger d’Hillary Clinton : Sanders. Celui-ci a fait une campagne plus consistante en offres, mais dont la trame n’était autre que le ras-le-bol antisystème.
La victoire probable de Clinton ne rayera pas ce sentiment de divorce avec le système. Elle est même perçue comme un pur produit de l’establishment, ayant accompagné son mari dans toute sa carrière avant de devenir sénatrice, candidate, puis à la tête du département d’État. Sa chance, c’est qu’en face d’elle, Trump a démontré qu’il n’avait ni les compétences, ni les qualités humaines pour être le Président de la première puissance mondiale. Clinton, elle, a les compétences requises pour le job. Au-delà des grands défis que pose la situation internationale, le nouvel affrontement avec la Russie, les désordres en Amérique Latine, l’impasse au Moyen-Orient, le challenge le plus important sera celui de réconcilier les Américains avec la classe politique, et la reprise de l’économie US. Cela ne sera pas facile, parce qu’en plus de mesures fortes en faveur des couches défavorisées, il faudra faire preuve d’une grande proximité avec le peuple. Le populisme n’est qu’un symptôme, un virus dont il faut combattre le terreau. Le terreau, c’est ce sentiment diffus que ceux qui dirigent ne prennent pas en considération les intérêts ou les attentes des gens ordinaires et qu’ils ne représentent que les lobbys.
Hillary Clinton a démontré sa connaissance de la fonction, sa maîtrise des dossiers économiques, sa fermeté à l’international. Elle connaît les rouages de l’administration, de l’armée, des hautes sphères médiatiques. Tout cela lui sera très utile pour réussir son mandat. Mais si elle veut rester dans l’Histoire, il lui faudra vaincre le populisme autrement qu’électoralement, et donc socialement. Ceci ne peut se réaliser que par une action continue, pédagogique où politiques publiques et communication servent un discours cohérent, en vue d’une véritable adhésion. Nul doute que ses conseillers l’ont compris.