Responsabilité médicale au Maroc : l’urgence d’une réforme vitale – Par Dr Anwar Cherkaoui

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La présidente de l’Association des Gynécologues Obstétriciens Privés de Rabat (AGOPR), Dr Nozha Saadi

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Entre attentes sociétales croissantes, insécurité juridique et manque de protection, les gynécologues-obstétriciens marocains tirent la sonnette d’alarme. Dr Anwar Cherkaoui, en collaboration avec la présidente de l’AGOPR, Dr Nozha Saadi, résume les préoccupations d’une journée d’étude organisée à Rabat par l’AGOPR mettant en lumière les failles d’un système à bout de souffle et appelle à une réforme en profondeur de la responsabilité médicale.

La pression permanente du bloc obstétrical

Chaque accouchement est un défi médical à double enjeu : préserver la vie de la mère et celle de l’enfant. En gynécologie-obstétrique, la moindre erreur, un retard dans la prise en charge d’une hémorragie ou d’une souffrance fœtale, peut virer au drame. Pour le praticien, la pression est constante, et l’attente de perfection devient étouffante.

Fin avril 2025, l’Association des Gynécologues Obstétriciens Privés de Rabat (AGOPR) a réuni médecins, juristes et experts pour une journée d’étude consacrée à la responsabilité médicale. L’objectif : briser le silence, alerter les autorités et formuler des pistes concrètes pour protéger les professionnels de santé.

Une responsabilité souvent mal comprise

La journée a révélé une méconnaissance inquiétante des obligations juridiques par une partie du corps médical. La confusion est fréquente entre responsabilité civile, généralement couverte par une assurance, et responsabilité pénale, aux conséquences bien plus graves : sanctions, radiation, voire prison. 

La présidente de l’AGOPR, Dr Nozha Saadi, souligne l’importance de clarifier ces notions dès la formation initiale. Une culture juridique insuffisante laisse trop souvent les praticiens démunis face aux plaintes et aux procédures.

Le maillon faible de l’expertise

Autre point critique : l’expertise médicale. En cas de litige, l’avis de l’expert fait basculer le sort du médecin. Pourtant, les critères de désignation sont flous, la formation spécifique rare, et les garanties d’impartialité limitées.

L’AGOPR recommande une sélection rigoureuse des experts : formation obligatoire, expérience reconnue et absence de contentieux judiciaire. Deux formations émergent à Casablanca et Rabat, mais restent encore marginales. Une réforme systémique est indispensable.

Un cadre juridique obsolète

Plusieurs avocats présents à l’événement ont dénoncé l’inadéquation du droit actuel avec la réalité médicale. Le Maroc ne dispose pas d’un code spécifique de responsabilité médicale, capable d’articuler les impératifs techniques, éthiques et juridiques de la profession. 

La création d’un tel texte, en concertation avec les professionnels de santé, est jugée prioritaire pour éviter les dérives judiciaires et restaurer la confiance.

Vers une assurance collective protectrice

Parmi les propositions phares : la mise en place d’une assurance collective pour les médecins, à l’image de celle des avocats. Elle serait pilotée par le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) et permettrait aux praticiens de faire face aux imprévus juridiques avec davantage de sérénité.

Une réforme urgente pour protéger les soignants et les patients

La journée organisée par l’AGOPR a levé le voile sur un système vulnérable. L’insécurité juridique des soignants est devenue un facteur de démotivation et d’angoisse dans une profession déjà sous tension.

Il est temps que les pouvoirs publics s’engagent clairement : réforme du droit, formation des experts, généralisation de l’assurance. Pour garantir à la fois la sécurité des patients et la dignité des médecins.

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