chroniques
Vaccination-Covid : Une histoire de libre choix
Khaled Aït Taleb, ministre de la Santé : Jamais ministre de la santé n’avait autant occupé les devants de la scène, autant été ausculté…
A l’approche de l’opération de vaccination contre le Covid-19, prévue pour le mois en cours, le ministre de la Santé a voulu dissiper les doutes autour du vaccin et clore un débat qui n’a même pas encore commencé sur son caractère obligatoire ou pas et sur son efficacité et son innocuité. M Khaled Aït Taleb a déclaré que le vaccin se fera sur la base du volontariat, le citoyen étant libre de se faire, ou pas, vacciné.
Néanmoins, cette déclaration, pour claire qu’elle soit, nécessite l’examen d’un peu plus près de sa faisabilité et la vérification de sa conformité avec les politiques qui seront suivies.
C’est un truisme, la question du libre choix puise sa légitimité de la constitution et particulièrement de ses dispositions portant sur les droits fondamentaux. Tant il est vrai que nul, y compris l’Etat, n’a le droit de contraindre quiconque à se laisser inoculer une substance médicale dont le directeur de Pfizer lui-même assure, qu’il s’agisse du vaccin de sa société ou d’autres, n’être pas certain qu’elle empêchera la transmission du virus.
Ce n’est certes pas cette considération qui a amené le ministre de la Santé à mettre l’accent sur le libre-choix, mais un souci communicationnel relatif à la gestion de la campagne de vaccination. Le Maroc, ni aucun pays d’ailleurs, ne pouvant répondre à la demande de vaccination potentielle, en un ou deux mois, a dicté aux responsables la priorisation des franges de la société à vacciner : Les effectifs de première ligne (agents d’autorité et de sécurité, personnel médical, encadrement de l’enseignement), puis les personnes âgées et/ou porteuses de comorbidités qui en font la catégorie la plus exposée aux formes graves de la maladie.
Le libre choix, dans cette logique, signifie l’élimination temporaire d’une frange de la population qui aurait choisi d’elle-même de ne pas intégrer, provisoirement du moins, la campagne de vaccination, contribuant ainsi à l’allègement de la pression de la demande vaccinale. Ce qui n’implique pas forcément que leur libre choix sera garanti par la suite.
C’est que toute politique dans ce domaine est astreinte par la nature de l’épidémie qui n’est pas de celles qui peuvent laisser le libre choix aux individus. Ne serait-ce que parce que la norme internationale exige la vaccination de 70% de la population pour atteindre l’immunité de groupe qui permettra de sortir en toute sécurité de la pandémie. Ce qui fait que le libre choix ne concerne que les 30% restants, hypothétiquement sans conséquences sur l’évolution épidémique.
Cependant, ces normes prophylactiques censées permettre la salubrité de la société ne seront avérées que par l’expérience cumulée dans la phase post-vaccination. Ce qui signifie que la notion de libre choix finira par perdra tout sens, poussant ainsi à la suspension d’autres libertés ou au conditionnement de l’accès à des services par l’obligation de la vaccination exactement de la même manière qu’aujourd’hui l’inscription d’un nouveau-né à l’état-civil est subordonnée au BCG.
Il est probable que dans le cas de la vaccination contre le Covid-19, la liste des libertés conditionnelles et de l’accès aux services de l’Etat soumis à l’exigence du vaccin sera encore plus longue aux fins de préserver la santé publique.
Et d’ici-là, se pose déjà une autre question problématique, celle du libre choix des effectifs de première ligne : Qu’adviendra-t-il si quelques-uns refusent de se soumettre à la vaccination contre le Covid-19 ?
En conclusion, il faut craindre qu’il n’y ait pas de libre choix : Que ce soit au cours de la première phase, par la méthode douce destinée à alléger la pression de la demande, ou, ensuite, par la manière forte qui, en même temps qu’elle contraindra le citoyen à abdiquer un droit, le culpabilisera de son choix.
Si tel est le scénario, il serait plus approprié que le ministre de la Santé s’abstienne de toute déclaration, et plus sage d’agir dans la transparence avec les Marocains pour ne pas les acculer à assumer les conséquences du sentiment de libre choix qui se serait renforcé chez eux suite aux déclarations des responsables gouvernementaux.