Le peule élu : 2/3 - Au nom de la Shoah – Par Naïm Kamal

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De retour de Yalta, Roosevelt reçoit différents chefs d'Etats à bord du croiseur USS Quincy. Le premier à monter à bord est le roi Farouk d'Egypte, entretien informel entre les deux hommes. Arrivée d'Haïlé Sélassié, empereur d'Ethiopie. La dernière visite est celle d'Ibn Saoud, fondateur du royaume d'Arabie saoudite. Au cours de cette rencontre est scellée le Pacte de Quincy le 14 février 1945 qui garantit au roi saoudien et à ses successeurs une protection militaire en échange d'un accès aux gi

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Par Naïm Kamal

Dans le précédent article, Naïm Kamal est revenu sur comment la propagande israélienne et occidentale tentent de dater le conflit israélo-palestinien du 7 octobre, et ce que l’idée du peuple élu et le concept d’un peuple sans terre pour une terre sans peuple comportent d’intentions génocidaires toujours à l’œuvre. Dans le présent article, il explique pourquoi et comment le soutien occidental à Israël n’est mu par aucune mauvaise conscience à l’égard de ce que l’Occident a fait subir aux juifs européens, mais obéit à un sens très terre à terre de l’intérêt.  

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Souvent on attribue le soutien des capitales occidentales à Israël à un sentiment de culpabilité à l’égard des juifs d’Europe, victimes tout au long de leur histoire d’antisémitisme et lâchement livrés pendant la deuxième guerre mondiale à l’ogre nazi. En leur octroyant en partie le territoire palestinien pour y construire un foyer national, les puissances mondiales sur lesquelles, à la sortie de la guerre, commençaient à trôner les Etats Unis d’Amérique, auraient procédé à une réparation d’un grand tort historique. Ce qui revient à prêter à la Puissance, dans son sens absolu et pas seulement celle qui exerce actuellement son pouvoir sur le monde, de nobles sentiments dont elle n’a pas l’habitude de s’embarrasser.  

Lorsque la caducité frappe Sykes-Picot 

Seulement, le sionisme fondé sur l’idée ancestrale du ‘’retour’’ et de « la terre promise », ainsi que la Déclaration de Balfour qui date de 1917, sont antérieures à la deuxième guerre mondiale, ce qui « absout » la création de l’Etat hébreu d’une quelconque mauvaise conscience des empires coloniaux ou d’intentions compensatoires. 

La création d’Israël, en gestation donc depuis de nombreuses décennies, a coïncidé avec la naissance d’un nouvel ordre mondial consigné en février 1945 par les accords de Yalta qui prennent acte de l’avènement des USA et de l’URSS.  Les deux puissances qui décidaient jusque-là de la marche du monde, le Royaume Uni et la France, en voie de « retraite », étaient, au même moment, confrontées aux mouvements « d’émancipation » de leurs colonies et protectorats, encouragés, encore discrètement, aussi bien par Washington que par Moscou. Les accords Sykes-Picot en vertu desquels elles s’étaient partagées en 1916 le Moyen Orient Ottoman, s’avéraient pratiquement caducs, même si Londres et Paris n’étaient encore disposés à tout céder aux nouveaux maitres du monde.

Dans ce contexte, la création de l’Etat d’Israël obéissait à plusieurs motivations. La plus importante est que le contrôle de la Palestine était stratégiquement capital pour le Royaume-Uni afin de protéger le Canal de Suez et ‘’ "keep secure" la route vers l'Inde, qui était alors la colonie la plus précieuse de l'Empire britannique, et une voie majeure du commerce maritime mondial. Soutenir l'établissement d'un foyer national juif, de souche européenne, en Palestine était pour l’empire britannique le meilleur outil pour sécuriser toute cette sphère après la guerre. Ce contexte étant, il ne faut nullement s’étonner que c’est la même ambition que récupère à son profit Washington en la reprenant à son compte.

L’USS Quincy coulisses de la bascule

L’agression tripartite de 1956 (Royaume Uni, France et Israël) contre l’Egypte de Nasser, alors que l’essor pétrolier au Moyen Orient prenait son envol et devenait le véritable nerf de l’économie mondiale, est une étape charnière qui a permis en quelque sorte la passation des pouvoirs sur la région entre l’ancien et le nouveau.   

En mettant le holà à l’agression qu’a suscitée la nationalisation du Canal de Suez, Washington avait pris une option sérieuse sur la prise en charge directe des affaires de la région. Cette entreprise de substitution a secrètement commencé, à peine trois jours après la conclusion des accords de Yalta. Le 14 février 1945, le président américain Franklin d. Roosevelt et le roi Abdelaziz Ibn Saoud d'Arabie Saoudite se retrouvaient à bord du USS Quincy, un croiseur de la marine américaine dans le canal de Suez. Ce qui s’est conclu au cours de cette rencontre, dont Riyad peine à se débraser, c’est ce qui articule encore les rapports des Etats Unis avec les pays de la région.   

De tête de pont du Royaume Uni, accessoirement de la France, Israël passe au statut de base avancée de la nouvelle puissance impériale. C’est ce que découvrira quarante ans après l’actuel hôte de la Maison Blanche, Joe Biden, et c’est ce qui en fera l’un des plus fervents supports du sionisme. En 1986, M. Biden, déjà sénateur depuis 13 ans, défendant un consistant soutien à Tel-Aviv, a réaffirmé un principe fondamental largement partagé par l’establishment américain, en déclarant : "c'est le meilleur investissement de 3 milliards de dollars que nous ayons jamais fait. S'il n'y avait pas Israël, les Etats Un Etat devraient inventer un Israël pour protéger ses intérêts"

Ce rôle dévolu à Israël, Washington a commencé à le prendre en charge quasi entièrement après la guerre des six jours en juin 1967. Jusque-là, le principal fournisseur de l’Etat hébreu a été la France et dans une moindre mesure, à cause de tensions intermittentes, le Royaume Uni. La guerre de Ramadan/Kippour en octobre 1973 représente dans la relation américano-israélienne, au plan militaire, un point d’inflexion majeur. Un certain Henry Kissinger est alors secrétaire d’Etat américain depuis moins d’un mois mais déjà conseiller à la sécurité nationale depuis quatre ans. Le pont aérien qu’organisent à ce moment précis les armées américaines pour inverser la tendance des combats suite à l’attaque égyptienne pour reprendre le Sinaï occupé en 1967, installe définitivement les liens entre les deux pays dans ce que l’on appelle aujourd’hui, selon la formule chère à Joe Biden, une ‘’alliance indéfectible’’. 

Israël devient ainsi le plus grand bénéficiaire cumulé de l'aide militaire américaine depuis la seconde Guerre mondiale. Tel-Aviv reçoit 3 milliards de dollars par an en soutien militaire, notamment depuis 1986, date à laquelle a eu la fameuse déclaration de l’actuel président américain sur l’importance stratégique de ce pays. En 2016, les États-Unis et Israël ont signé un nouveau mémorandum d'entente prévoyant 38 milliards de dollars d'aide militaire sur une période de dix ans (2019 -2028). Depuis le lancement de ‘’l’opération Plomb durci’’ il y a sept mois, les armées américaines, outre les livraisons en flux tendu des armements, sont présentes sur tous les fronts : logistique, terre, air, mer, encadrement, stratégie, renseignement humains et électroniques, sans parler de la diplomatie dévolue au département d’Etat. 

Le propre de l’homme

L’ampleur à peine imaginable de cet engagement américain aux côtés d’Israël, ne peut être ramenée à la seule ou simple « mauvaise conscience » occidentale face au sort réservé aux juifs d’Europe ou sur l’idée de l‘affinité judéo-chrétienne construite aux forceps après des siècles d’animosité, pour ne pas dire de haine religieuse envers une religion longtemps qualifiée de « déicide ». Elle est aussi incompatible avec l’exercice de la Puissance et de l’idée que se fait la nouvelle Rome, royaume du Roi dollars, de ses intérêts.  

Si Israël s’arroge, au nom de la shoah, voulue argument de dissuasion massive, le droit de chasser de leurs terres et de tuer les Palestiniens, en piétinant impunément le droit international que ses alliés ont érigé en règles de vie et qu’ils appliquent à leur convenance, c’est parce que tous les Netanyahu israéliens en sont conscients. Mais ce n’est certainement pas au nom de la shoah que l’Occident, aujourd’hui les Etats Unis en particulier, soutiennent indéfectiblement l’Etat hébreu. 

Qu’en déduire sinon que quand les Palestiniens, et auparavant les Etats arabes, combattent Israël, ils combattent en fait l’Occident et quand ils perdent face à Israël c’est face à ce même Occident qu’ils rendent les armes. Il ne s’agit pas de minimiser la force juive ni l’efficacité et la force de sa diaspora et son apport à la Culture dans son sens entier englobant l’ensemble des sciences et tous les arts. Il ne s’agit pas non plus de prétendre que la violence inouïe dont use Israël contre les Palestiniens est le propre d’Israël. La violence est le propre de l’homme. Elle a joué un rôle central, souvent tragique tout au long de l'histoire humaine, ainsi que l’émergence et la disparition des civilisations. Mais cela c’est un autre article. 

Demain : 3/3 L’appel au meurtre dans les cinq livres de la Torah

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