Pandémie
La ''botte secrète'' du vaccin de Johnson & Johnson expliquée par son directeur scientifique
Paul Stoffels, le directeur scientifique de Johnson & Johnson, sur une photo transmise par l'entreprise pharmaceutique
Après l'autorisation du vaccin unidose de Johnson & Johnson contre le Covid-19 dans l'Union européenne jeudi, le directeur scientifique de l'entreprise américaine, Paul Stoffels, détaille auprès de l'AFP "la botte secrète" qui rend selon lui ce vaccin très efficace.
- Question: pourquoi ce vaccin est-il un outil important dans la lutte contre la pandémie?
Paul Stoffels: "Le vaccin que les autorités européennes viennent d'approuver est le premier vaccin qui a été étudié à très grande échelle (environ 40.000 personnes) y compris sur les variants.
De plus, c'est un vaccin à dose unique qui reste stable en étant transporté à une température d'entre 2 et 8 degrés Celsius, une température de réfrigération standard, qui aidera à faciliter une mise en œuvre à grande échelle dans le monde."
- Q: Quelle est votre réponse aux critiques qui affirment que le vaccin de J&J ne protège pas aussi bien que ceux de Pfizer et Moderna?
Paul Stoffels: "Nous avons conduit notre étude au niveau mondial, sur trois continents: les Etats-Unis, l'Amérique du Sud, et l'Afrique du Sud, dans des circonstances très difficiles de pic épidémique.
Nous connaissons maintenant l'efficacité du vaccin sur les variants, et nous pouvons montrer qu'indépendamment de la région, du variant ou de l'âge, vous êtes protégé contre les formes graves de la maladie, les hospitalisations et la mort.
Cette protection est de 85% pour les formes graves, et même de 100% contre l'hospitalisation et la mort, jusqu'ici nous n'en avons pas vu (chez les personnes vaccinées). C'est le défi le plus important dans cette pandémie."
- Q: Le vaccin de J&J est un vaccin à vecteur viral, qui utilise un autre virus comme "véhicule". Quel est l'avantage de cette approche ?
Paul Stoffels: "Nous avons une réponse très convenable en termes d'anticorps, mais l'immunité cellulaire est celle qui rend (la protection) durable, et lui donne aussi une large capacité d'action.
La botte secrète de ce vaccin est la combinaison des deux."
- Q: Pouvez-vous expliquer en termes simples ce qu'est l'immunité cellulaire?
Paul Stoffels: "Lorsque vous êtes vacciné quand vous êtes enfant, les vaccins vous protègent pour la vie. Donc votre corps mémorise le pathogène, l'agent qui cause la maladie.
Même si pour beaucoup d'entre eux, vous ne mesurerez plus de présence d'anticorps avec le temps, votre corps peut toujours réagir car il se dit tout de suite: "C'est un pathogène que j'ai déjà vu avant". Et c'est là que l'immunité cellulaire est très importante, à la fois pour l'efficacité immédiate mais aussi pour s'en rappeler pendant longtemps."
- Q: Où en sont vos essais sur les enfants et les femmes enceintes?
Paul Stoffels: "Pour le moment, nous étudions le vaccin sur les adolescents de 12 à 17 ans, c'est en cours. Les phases 2 et 3 (quand l'étude de l'efficacité commence, ndlr) pour les enfants de moins de 12 ans commenceront en avril. Les essais sur les femmes enceintes vont commencer maintenant."
- Q: Allez-vous faire un vaccin spécifique contre les variants?
Paul Stoffels: "Par mesure de précaution, nous avons déjà commencé à faire un vaccin à partir du variant sud-africain. Nous ne savons pas si nous en aurons besoin, mais si c'est le cas, c'est en cours."
- Q: Certains scientifiques s'inquiètent du fait que le corps puisse reconnaître le virus "véhicule" peu virulent s'il était injecté une seconde fois, et donc l'éliminer avant qu'il puisse déclencher une réaction immunitaire. Est-ce un problème pour un éventuel rappel par exemple?
Paul Stoffels: "Dans notre travail sur le VIH, nous exposons des personnes au virus vecteur quatre fois sur un an. Même si nous avons observons de petits changements, nous n'avons pas constaté l'impossibilité de l'utiliser pour une seconde dose.
Ad26 (Adenovirus 26) comme vecteur, celui que nous utilisons, a été sélectionné pour sa faible immunogénicité (capacité à déclencher une réaction immunitaire, ndlr), ainsi que sa faible présence chez les humains. Nous sommes raisonnablement à l'aise avec l'idée d'en faire un rappel sans problème.
- Q: Autre chose que nous devrions savoir?
Paul Stoffels: "Nous avons un réseau très complet (de production) internationalement, afin de nous assurer que nous pouvons servir le monde entier, ainsi qu'une collaboration avec Covax (dispositif destiné aux pays défavorisés, ndlr).
Nous espérons que très rapidement, après ce que nous faisons aux Etats-Unis et en Europe, nous pourrons avancer pour vacciner le monde entier. Et nous avons un gros engagement chez J&J à le faire à prix coûtant (sans profit)."