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51’mn pour atteindre Rabat ou le spectre effrayant pour les progrès urbains du XXIe siècle
Il faudra ''seulement 51 minutes'' à des vagues de 8 mètres de hauteur pour atteindre Rabat, citant une étude scientifique publiée par Samira Mellas en 2012 intitulée "le risque tsunamique au Maroc", où le temps de trajet et les hauteurs de vagues maximales ont été modélisés suivant le tsunami historique qui a succédé au célèbre séisme de Lisbonne (1755
Rabat - Le réchauffement global est devenu une réalité inexorable, un phénomène sans équivoque qui a un impact considérable sur la construction des villes. En Afrique comme ailleurs dans le monde, canicules, sécheresses, inondations, tempêtes, acidification des océans ont des répercussions désastreuses.
Il s'agit d'"spectre effrayant" dont l’impact risque d’annuler les progrès réalisés des milieux urbains au XXIe siècle. L’année dernière, le monde a été secoué par des catastrophes climatiques dévastatrices dans plusieurs régions du monde comme le cyclone Idai, des vagues de chaleur meurtrières en Inde, au Pakistan et en Europe, et plus récemment les feux de brousse ravageurs en Australie.
"Chacun de ces événements a un impact sur les territoires urbains et implique sans doute des stratégies d’adaptation différentes et dépendantes des caractéristiques des événements et de leurs interrelations, des spécificités du secteur exposé, de sa localisation, et de la gouvernance locale", explique à la MAP, Mohammed Mastere, professeur à l'Institut Scientifique de l'Université Mohammed V de Rabat.
Une preuve de plus que la bataille pour le climat doit être bien préparée dans les villes. Il est évident que la meilleure des projections prévoit un réchauffement climatique accompagné d'un "accroissement de la fréquence et de l’intensité des événements climatiques extrêmes dans le monde et surtout dans les régions les plus vulnérables", fait savoir ce professeur associé à l’Université de Caen Normandie.
Ceci ne signifie pas que le Maroc est loin d'être touché car différents villes marocaines sont menacées par le réchauffement climatique et l'élévation du niveau de la mer qui en découle, à en croire deux séries de cartes réalisées par "Climate Central" et "National Geographic" et présentant tous les scénarios climatiques probables d’ici 2100.
A cet égard, M. Mastere relève que des villes comme Dakhla, Tarfaya et Martil ne demeureront quasiment plus dans la nouvelle carte du monde et d'autres perdront un nombre important de quartiers si les scénarios les plus pessimistes venaient à se réaliser.
De l'avis de plusieurs scientifiques et experts, le changement climatique est à l'origine de nombreuses transformations sur Terre, et pourrait notamment provoquer une hausse du nombre de séismes, et partant, de tsunamis.
Illustrant ces propos par un exemple concret, l’académicien affirme qu’il faudra "seulement 51 minutes" à des vagues de 8 mètres de hauteur pour atteindre Rabat, citant une étude scientifique publiée par Samira Mellas en 2012 intitulée "le risque tsunamique au Maroc", où le temps de trajet et les hauteurs de vagues maximales ont été modélisés suivant le tsunami historique qui a succédé au célèbre séisme de Lisbonne (1755).
Une menace à prendre ainsi au sérieux et à laquelle les villes doivent s'être préalablement préparées. "L’intégration des techniques de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables dans le secteur du bâtiment, un des grands secteurs consommateurs d’énergie au Maroc, sont des leviers qui permettront d’atteindre les objectifs du Royaume en matière de lutte contre le changement climatique", ajoute-t-il.
Selon le ministre de l’Énergie, des Mines et du Développement durable, Aziz Rabbah, qui présentait des statistiques à l'ouverture d'une journée médias initiée par le ministère en 2019, le Maroc est engagé dans une transition énergétique qui se traduit par une marge de réserve électrique très satisfaisante et une réduction de la dépendance énergétique de 98% en 2008 à environ 93% actuellement, en raison essentiellement de la montée en puissance des énergies renouvelables.
Par ailleurs, le projet de stratégie nationale d'efficacité énergétique, élaboré et présenté lors du Conseil du gouvernement en juin 2017, propose des programmes visant à réaliser une économie d'énergie d'environ 20% à l'horizon 2030, en ciblant les secteurs les plus consommateurs d'énergie, comme celui de la construction avec un taux de 33 %.
Revenant sur ce point précis, M. Mastere, également président de l’Organisation nationale d’études et recherche sur les risques (ONERR), montre que la ville verte de Benguérir, conçue comme un laboratoire national du Groupe OCP, s’inscrit comme un nouveau modèle de planification urbain dans le cadre de cette stratégie, mettant en exergue l’exigence de combiner "savoir et nature au cœur de la ville avec des bâtiments fondés sur des matériaux bioclimatiques et de mode de gouvernance des énergies renouvelables".
Les catastrophes climatiques extrêmes touchent tous les pays, riches et pauvres. Mais face à ce "spectre effrayant" qui menace de même l’existence de l’humanité sur terre, il est évident de se mobiliser pour y faire face et de s’adapter continuellement, surtout pour les personnes en situation de pauvreté, plus implacablement impactées par le changement climatique, alors même qu’elles n’en sont pas responsables.
*MAP