Arabe, français ; une ambition en partage

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Par Naïm Kamal -  L’Académie du Royaume du Maroc, en partenariat avec l’ambassade de France à Rabat, a organisé une journée bien particulière, inédite : La célébration des 30 ans de l’OBI (Option International du Baccalauréat) qui s’est naturellement imposée au Maroc en 1989.

Cette année constitue, indique le fascicule publié à cette occasion, « le point d’orgue de la politique d’arabisation et de marocanisation de l’enseignement secondaire avec la première promotion de bacheliers, ayant suivi un cursus totalement arabisé ».

Le spectacle promettait. Devant un parterre bien nanti têtes bien faites et parsemés d’esprits éclairés, Abdejlil Lahjomri, secrétaire perpétuel de l’Académie, par définition spécialiste de la littérature française, a fait son discours en arabe. Jean-François Girault, ambassadeur de France, cela va de soi, en français.

Comme par hasard ça tombait bien. « Arabe, Français ; une ambition en partage », c’est le thème que les organisateurs ont choisi pour porter autour de trois tables rondes cette journée studieuse de célébration.

Dans l’ambiance ambiante, un pléonasme euphémique pour évoquer les crispations actuelles, il faut un vrai sens de l’assumation pour aborder semblable sujet.

Mais l’Académie est parée. Son action converge avec un constat royal : « Même si j'ai étudié dans une école marocaine suivant les programmes et les cursus de l'enseignement public, je n'ai aucun problème avec les langues étrangères.»* Dixit le Roi Mohammed VI qui en a fait la royale démonstration en accueillant le Pape. Quatre langues, pas moins.    

En assurant que l’Académie du Royaume du Maroc « place la réflexion pédagogique au centre de ses préoccupations, tant elle constitue le fondement de la citoyenneté moderne cependant qu’elle se régénère et crée de nouvelles méthodes didactiques dans une perspective qui croit dans les principes du dialogue, de l’interculturalité et la diversification des valeurs », Abdejlil Lahjomri situe également son action dans le sillage de la Constitution, qui a été votée par les Marocains. Elle «appelle à l'apprentissage et la maîtrise des langues étrangères en ce qu'elles sont des moyens de communication, d'insertion dans la société de la connaissance et d'ouverture sur l'esprit du temps. »* 

Mais l’interculturalité que défend l’Académie n’est pas à sens unique et dès le début l’OIB s’est inscrite dans l’échange, peut-être encore asymétrique, en prenant en charge la consolidation chez les élèves de la langue arabe et la préservation de leur identité et de leur histoire. Car il s’agit de leur permettre d’acquérir « les fondamentaux d’une double culture historique et géographique, celle du pays dont ils sont en majorité ressortissants, le Maroc et celle de la France, où ils iront en grande majorité faire leurs études supérieures

Le choix du français n’est donc pas un choix de cœur ou d’intérêt pour certaines catégories sociales, mais aussi, et peut-être surtout, du pragmatisme bien compris.

Les pourfendeurs de ce choix trouveront toujours à redire, et pas forcément à tort : tant qu’à faire, ne serait-il pas plus opportun de passer directement à l’anglais au lieu de s’accrocher à une langue qui donne souvent l’impression d’être elle-même en difficulté ? Sans doute. Encore faudrait-il prendre le temps de la conversion et s’y préparer sérieusement. En attendant, il est urgent de garder à l’esprit l’image du Roi accueillant le Pape et se répéter sans cesse ce truisme fascinant de simplicité : Parler deux langues est préférable à une, en posséder trois, c’est mieux que de n’en maitriser que deux, être polyglotte c’est encore mieux que tout.

*Discours du trône, 2015

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