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Ces sociétés françaises, passeurs ''légaux'', qui organisent la fuite des cerveaux au Maroc…
« Zakaria, 28 ans, est ingénieur informatique. Il travaillait à Capgemini à Casablanca, est parti pour Paris et une banque française. « Salarié au Maroc, je payais 40 % d’impôt pour toucher 7 000 dirhams net mensuels [665 euros]. En France, je suis payé 44 000 euros par an ».
Soit 480 mille dhs par an ce qui donne autour de 40 mille dhs par mois. Le journal Le Monde* qui rapporte son histoire omet de préciser si c’est net ou brut, le système fiscal français qui a beaucoup inspiré le marocain n’étant pas particulièrement connu pour sa douceur. De la même manière qu’il ne relativise pas ce salaire par le coût de la vie en France. Mais est-ce important du moment que Zakaria assure que son « pouvoir d’achat a nettement augmenté pour assurer le même travail » qu’au pays ?
« Depuis son arrivée en France, ajoute Le Monde, il a déjà été augmenté deux fois, a bénéficié de formations internes payées par son entreprise afin de devenir référent sur un logiciel spécifique. « Je n’aurai jamais eu accès à tout cela au Maroc », résume le jeune homme, dont les deux tiers de ses anciens collaborateurs sont aussi arrivés en France.
Zakaria ajoute, selon Le Monde, que « Le contexte actuel, avec les peines d’emprisonnement pour avoir exprimé son opinion sur les réseaux sociaux, ne donne pas envie de revenir. Tout comme la corruption ou le fait qu’au Maroc, il faut venir du bon milieu pour avoir des postes intéressants. L’ascension sociale n’existe pas ».
Après ça, la France, qui comme bien d’autres pays a dressé un mur infranchissable de visas pour éviter la migration économique, peut capter les cerveaux marocains en toute bonne conscience.
Ce qui n’empêche pas que lors « d’une visite à Rabat, le vendredi 31 janvier, le ministre français de l’économie, Bruno Le Maire, certainement sollicité par la partie marocaine, a annoncé « une nouvelle coopération franco-marocaine dans les nouvelles technologies pour « éviter la fuite des cerveaux ». L’annonce a été faite avec ses homologues marocains, précise Le journal, alors que 600 ingénieurs quittent le royaume chaque année pour travailler à l’étranger. Beaucoup sont développeurs mobile, architectes système ou consultant en big data et partent principalement vers la France. On verra ce que donnera cette coopération sur le terrain.
L’annonce amène Saloua Karkri-Belkeziz, présidente de la Fédération marocaine des technologies de l’information et des télécommunications (Apebi), qui lutte depuis 2017 pour garder les talents au Maroc à se réjouir : « Notre voix a enfin été entendue », déclare-t-elle. Pourtant, ajoute Le Monde, elle reste inquiète que « la fuite continue » et rappelle que « plusieurs entreprises ont annoncé un taux de rotation salariale de 30 % en 2019. Un chiffre qui a doublé en cinq ou six ans ».
En fait, les ingénieurs marocains sont directement recrutés à Casablanca lors de campagnes organisées dans les salles de conférence des grands hôtels de la capitale économique. Ce samedi, assis sur des chaises molletonnées, une vingtaine de jeunes femmes et hommes sont concentrés sur un test de français. La première épreuve d’une longue journée d’examens et d’entretiens. A la clé, un potentiel CDI dans une société de services et d’ingénierie en informatique en France.
Comme d’autres [de ses consœurs], la société Sintegra, une entreprise française spécialisée dans le recrutement organise, au vu et au su de tous, cette « fuite des cerveaux » presque toutes les semaines au Maroc, mais aussi en Tunisie. Sa promesse, indique le quotidien français : « Permettre à tous les ingénieurs maghrébins talentueux de pouvoir acquérir [sic] une expérience professionnelle solide en France [re-sic]. » Mais ce genre de passeurs au col blanc n’est jamais inquiété.
Le Monde.fr – 17 février