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Cette police que nous aimons tant…
C’est la deuxième fois seulement que la Direction Générale de la Sureté Nationale (DGSN) fait son bilan annuel et décline les ambitions pour 2020 de cette police que nous aimons tant… quand on en a besoin... Le premier bilan, c’était l’année dernière. La démarche qui s’installe ainsi est assez nouvelle pour ne pas être soulignée. Coté Direction Générale de la Surveillance du Territoire (DGST), c’est le BCIJ et son patron Abdelhak El Khayam qui s’en chargent quand il s’agit d’actions antiterroristes ou d’opération contre le grand banditisme. Pour le reste de leurs activités, ils s’inscrivent dans le registre de la confidentialité absolue de ces services qui portent bien leur nom, secrets.
La DGSN qui est en voie d’une sérieuse transformation a pris, elle, le parti de la communication tout azimut. Son champ d’action, couvrant la sécurité publique, l’espace judicaire dans sa dimension droit commun et la quiétude des citoyens dans leur quotidien, l’y autorise. Il ne se passe donc pas une semaine sans qu’on ait droit à trois ou quatre communiqués relatant les différentes interventions de la police à travers le territoire du Royaume. Le dernier en date fait état de dix morts et 1.802 blessées, dont 57 grièvement, pour 1.373 accidents de la circulation survenus en périmètre urbain au cours de la semaine allant du 16 au 22 décembre.
La déclinaison exhaustive des statistiques de la DGSN, au-delà des chercheurs et des observateurs spécialisés, donne à tous les citoyens une idée sur l’état des lieux de la sureté au Maroc. Le panorama reste toutefois partiel tant que la Gendarmerie Royale, compétente en rase campagne et plus généralement en milieu rural, ne livre pas régulièrement les siennes.
L’espace de cette chronique étant limité, le lecteur qui voudra entrer dans le détail des réalisations de la DGSN le trouvera dans ce lien Le Bilan 2019. Je me contenterai ici de deux chiffres suffisamment éloquents pour se faire une idée de l’action de la police : Le nombre des appels a atteint 2.098.139 « au secours » donnant lieu à 745.283 interventions de sécurité réussies sur la voie publique. Pour autant, et de la même manière qu’il n’y a pas de risque zéro, il n’y a pas, c’est une évidence, de sécurité à 100%. Ce n’est qu’un exemple, mais l’incapacité des forces de l’ordre à contenir le désordre que provoquent les Ultras à chaque grande rencontre de football en fait la démonstration. Ce qui induit une conclusion tout aussi évidente : La sureté, la sécurité, la protection des personnes et de biens n’est pas seulement une affaire de police. Tous les intrants qui composent, recomposent ou décomposent une société vivante y participent de près et de loin.
De ce fait, il ne faut pas s’étonner de retrouver dans le corps de la police les qualités aussi bien que les travers de la société dont il émane. Et c’est donc en connaissance de cause que ce bilan comporte tout un passage sur la « moralisation de la fonction policière et l’exécution de la disposition constitutionnelle instaurant la reddition des comptes. » Ce sont là des conditions sine qua non pour que la police par définition respectable, soit respectée. La force répressive de l’agent de police et la peur du policier qu’elle génère ne peuvent suffire pour en faire une véritable arme de dissuasion contre la violation de la loi, du délit mineur au crime majeur, si par ailleurs l’auteur d’un acte délictueux trouve ouvertes les voies de contournement. Là aussi des chiffres sont donnés : sur 708 enquêtes administratives, 26 ont abouti à la constatation d’actes contraires à la loi pénale. Les enquêtes menées ont concerné 1.321 fonctionnaires de police, en très légère baisse par rapport à l’année écoulée. L’évaluation du comportement des policiers avec les citoyens dans tous les compartiments du travail policier n’est pas en reste.
Dans beaucoup d’aspects de l’exercice de ses fonctions, même si c’est de façon inégale selon les villes ou les quartiers de la même cité, la police nationale a changé, s’est nettement améliorée. On est à mille lieues des années 70, 80, 90, et même des années 10 du premier siècle de ce troisième millénaire. La police marocaine a évolué. Dans ses comportements aussi bien que dans ses méthodes. Elle s’est policée et a entamé sa révolution technique, technologique et scientifique. Mais la suspicion, dans les deux sens, entre citoyens et policiers, n’est pas encore levée, pour autant qu’elle le soit entièrement quelque part dans le monde. Les mauvaises habitudes ont la peau dure et il ne faut pas croire que prémunir matériellement les éléments de la sureté nationale de l’exposition à la tentation suffirait. C’est en fait tout un travail d’éducation et de rééducation qui commence au berceau de la société.