Le régime des retraite risque l’épuisement des réserves, l’AMO en situation de survie

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Rabat - Le régime de la retraite exige une intervention décisive afin d'accélérer le rythme de la réforme, a affirmé mardi à Rabat le premier président de la Cour des comptes Driss Jettou, tandi que l’AMO accuse des délais très longs pour la concrétisation de l’ensemble de ses composantes, outre un ensemble de dysfonctionnements relatifs à la gouvernance.

"J'insiste à nouveau sur l’urgence qui s’attache à une intervention décisive pour accélérer le rythme de la réforme en vue d’éviter l’épuisement des réserves et son impact négatif sur la pérennité des régimes de retraite, l’épargne et le financement de l’économie nationale", a souligné M. Jettou dans un exposé présenté lors d’une séance commune des deux Chambres du Parlement sur les activités des juridictions financières pour 2018.

Dans ce sens, le premier président a mis en exergue ses précédentes interventions devant les deux chambres sur la situation de ces caisses et les risques importants que représentent les indicateurs du déficit pour les équilibres des finances publiques. Cependant, a-t-il noté, "à ce jour les étapes suivantes de la réforme n’ont pas été enclenchées, notamment en vue de la création d’un pôle unique du secteur public répondant aux conditions d’équilibre, de pérennité et aux règles de bonne gouvernance".

M. Jettou a précisé que le déficit technique du régime des pensions civiles de la Caisse marocaine des Retraites (CMR) a atteint à fin 2019 un total de 5,24 milliards de DH après 6 milliards en 2018 et 5,6 milliards de DH l'année précédente, soulignant que ses réserves ont diminué à 75,9 milliards de DH.

Pour sa part, la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) connaît une situation semblable bien que moins aiguë, alors que le Régime Collectif d’Allocation de Retraites (RCAR) enregistre un léger excédent technique ne dépassant pas 1 million de DH, du fait de l’accroissement de ses recettes en relation avec l’augmentation des effectifs des adhérents, a-t-il relevé, ajoutant que les équilibres des trois caisses de retraites affrontent des risques croissants.

Par ailleurs, concernant les comptes extérieurs, M. Jettou a fait observer que malgré les résultats positifs enregistrés durant les dernières années à travers la progression des exportations dans de nombreux secteurs tels que les phosphates et ses dérivés, les produits liés aux métiers mondiaux du Maroc et les produits agricoles, le déficit de la balance commerciale s’aggrave de plus en plus du fait de la hausse des importations notamment en raison de l’augmentation de la facture énergétique et des achats en biens d’équipements.

A ce sujet, la Cour préconise d’élaborer un programme d’ensemble, en partenariat avec les acteurs économiques et sociaux, pour aménager les conditions destinées à diversifier et améliorer la qualité de l’offre exportable, à même de soutenir le tissu entrepreneurial pour une plus grande intégration dans les chaînes de valeur de l’exportation, l’ouverture vers de nouveaux marchés, l’augmentation des taux d’intégration industrielle et la hausse de la valeur ajoutée locale des exportations.

Il a dans ce contexte affirmé que les réformes actuelles relatives à la régionalisation avancée et aux centres régionaux d’investissement ainsi que celles qui les accompagnent en matière de déconcentration, constituent des chantiers prometteurs qu’il convient d’exploiter pour atteindre ces objectifs, conformément aux recommandations du premier colloque national sur la régionalisation avancée qui s’est tenu en décembre dernier.

La gestion de l'AMO pâtit de dysfonctionnements relatifs à la gouvernance et à la couverture des dépenses de soins

La gestion du régime de l’Assurance maladie Obligatoire (AMO) pâtit d’un ensemble de dysfonctionnements relatifs à la gouvernance et à la couverture des dépenses de soins, a affirmé mardi à Rabat, le premier président de la Cour des comptes, Driss Jettou.

Dans un exposé devant les deux Chambres du Parlement sur les activités des juridictions financières au titre de l’année 2018, M. Jettou a expliqué que les deux missions menées par la Cour au niveau des deux Caisses qui assurent la gestion de l’AMO ont relevé que ce régime "a accusé des délais très longs pour la concrétisation de l’ensemble de ses composantes, outre un ensemble de dysfonctionnements relatifs à la gouvernance, à la couverture des dépenses de soins et à l’équilibre financier du régime".

S'agissant de la gouvernance du régime, la Cour observe que son cadre juridique reste incomplet, dans la mesure où un ensemble de textes réglementaires nécessaires à la mise en œuvre des dispositions de la loi n° 65.00 portant code de couverture médicale de base n’ont pas été publiés après plus de 14 ans de la promulgation de cette loi, a souligné M. Jettou, relevant que cette situation a impacté négativement la gestion du régime et n’a pas permis une saine application de ses dispositions.

Au niveau de la régulation du régime, poursuit le responsable, le législateur visait à travers la création de l’Agence nationale d’Assurance maladie et son placement sous la tutelle de l’Etat, l’amélioration de ses prérogatives et la préservation de son indépendance.

"Cependant, son positionnement institutionnel, sous la tutelle du ministère de la Santé, ne lui permet pas d’assumer pleinement son rôle en matière d’arbitrage, de régulation et de sanction, le cas échéant, à l’égard de l’ensemble des acteurs du système de couverture sanitaire de base", a-t-il expliqué.

Dans le même contexte, M. Jettou relève que "la tarification nationale de référence, bien qu’elle soit considérée comme l’un des principaux instruments qui fixent les rapports entre les institutions chargées de la couverture et les professionnels, n’a fait l’objet d’aucune révision depuis le lancement en 2006 du régime de l’AMO".

En outre, la Cour observe au sujet de la couverture des dépenses médicales que l’AMO, dans sa situation actuelle, ne permet pas le remboursement des frais relatifs à des prestations et dispositifs récents issus des innovations médicales du fait du déphasage avec le développement continu des sciences médicales et de l’absence d’une actualisation régulière de la nomenclature des actes médicaux.

Concernant l’équilibre financier du régime, la Cour des comptes a constaté que le régime d’assurance bénéficiant aux salariés du secteur privé a maintenu son équilibre sur la période 2006-2018, mais cette situation peut changer durant les prochaines années, sous l’effet de la hausse de la consommation des soins et prestations médicales ainsi que de l’augmentation prévisible des niveaux de la tarification nationale de référence.

A l’inverse, a poursuivi M. Jettou, le régime des fonctionnaires du secteur public enregistre une dégradation continue au cours de la période 2006-2018, dans la mesure où l’année 2016 a vu l’apparition du premier déficit technique, qui a atteint près de 273 millions DH en 2018.

Cette situation est due principalement, selon lui, à la faiblesse des recettes ainsi qu’à l’absence de révision des taux de cotisations depuis plus de 14 ans, au plafonnement du montant de la cotisation, à concurrence de 400 DH par mois quel que soit le niveau du salaire, à la dégradation du ratio démographique de couverture des adhérents actifs comparativement aux retraités, qui a régressé en passant de 3,8 actifs pour un retraité en 2006 à 1,7 en 2018.

Compte tenu de l’ensemble de ces données, "le régime de l’AMO pour les fonctionnaires du secteur public ne pourra retrouver ses équilibres sans un relèvement progressif des taux de cotisation, prenant en considération les impacts financiers actuels et prévisibles des divers éléments de charges que supporte le régime, sur le court et moyen terme", a noté M. Jettou.

Pour ce qui est des bénéficiaires des financements que permet de générer le régime de l’AMO, la Cour relève la faible part qui est captée par les unités hospitalières publiques et qui ne dépasse pas, à titre indicatif, les 6 % de l’ensemble des dépenses de soins de la CNOPS. Cette part est encore plus réduite pour le régime qui est géré par la CNSS, soit 2 %.

La Cour des comptes considère que l’équilibre et la pérennité du régime supposent que ses réserves soient sauvegardées et améliorées, ce qui ne peut se concrétiser qu’à travers la mise en place des instruments nécessaires de régulation, dont la maîtrise des dépenses de soins médicaux, l’accroissement du niveau des ressources et leur diversification, sachant que ces actions relèvent des missions de l’Agence nationale d’Assurance maladie.

En relation avec le système de santé publique, a souligné M Jettou, la Cour recommande de développer le système de santé préventive, en vue de réduire les atteintes par les affections de longue durée et affections longues et coûteuses, d'élargir l’offre de santé publique et de renforcer son attractivité par l’amélioration de la qualité des prestations.

 

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