L’ordre des hommes n’est pas l’ordre du créateur.
Quel est le sens, ou la vertu, d’une politique pénale ? Insérer les délinquants ou les criminels dans une société à laquelle ils contreviennent ou les éradiquer par un moyen drastique qui peut aller jusqu’à l’élimination physique ?
Les pays se positionnent dans le champ, fertile et fécond, de l’humanité agissante par le choix de l’une ou de l’autre politique pénale.
Des nations qui accompagnent l’intégration de leurs délinquants en vue de réintégrer dans la société : elles y mettent le temps, les moyens, la compassion, l’intelligence et l’expertise.
Et des nations qui choisissent une sorte de vengeance sociale originelle — œil pour œil, dent pour dent — qui peut s’exprimer, se voulant une parfaite dissuasion, de la manière la plus radicale au point de retirer la vie au condamné.
On en est là. Dans notre pays, il y a de fait, depuis plusieurs années, un moratoire sur la peine de mort. Nous nous en réjouissons en cela que cette décision heureuse place la civilisation marocaine à très haut degré d’humanité.
En même temps, nous avons la Fondation Mohammed VI pour la réinsertion des détenus qui fait un travail dur, de longue haleine et exceptionnel pour réintroduire massivement de l’espoir dans le milieu carcéral. Cela veut dire quoi ?
Cela veut dire qu’il y a au plus haut niveau de l’Etat deux soucis : Le souci résolu de faire de la privation de liberté un moment utile de reconstruction et de réintégration sociale. Et le souci de mettre à niveau l’ensemble de l’administration pénitentiaire — à la tête de laquelle se trouve un intellectuel d’origine, c’est dire — pour qu’elle exerce son métier de manière moderne, performante et aux normes universellement admises.
Manifestement, l’Etat marocain ne forme pas pour projet pénal de se venger des condamnés ou de les éliminer physiquement notamment par la loi. La réalité exprime bien l’inverse car elle montre que les voies de la rédemption sont largement ouvertes tant qu’il y a de la vie et tant que la justice est juste.
On ne se hasardera pas sur le plan religieux pour défendre la thèse abolitionniste. Toutes les religions consacrent la vie d’une manière sacrée et solennelle. On ne se perdra pas non plus dans les méandres des hadiths, parfois apocryphes, ou des pratiques crypto-religieuses, des fois radicalisées, pour justifier le fait qu’enlever la vie c’est se conformer à la volonté de Dieu qui est, lui, à l’origine de la vie. L’ordre des hommes n’est pas l’ordre du créateur.
*Magazine Bab n°33