Zaida El Hajji : Un parcours d'embûches et la rage d'une Marocaine envoûtée par le Cap-Vert

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Praia - En quittant son Fès natal un certain mois de juin de 2008, Zaïda, au départ Saida El Hajji ne savait nullement que l’aventure qu’elle s’apprêtait à entamer en direction du Sénégal allait la conduire, quelques mois plus tard, au Cap-Vert, archipel qu’elle ne pouvait même pas situer sur une carte avant.

D’une famille modeste de la cité spirituelle du Royaume, Saida, née en 1989, n’a pas pu, pour des raisons familiales, poursuivre ses études au-delà de la 9ème année de l’enseignement secondaire. Une situation qui l’a contrainte à chercher, très tôt, à se trouver une occupation professionnelle dans un environnement à faible offres d’emplois et exigeant en qualifications.

Dépourvue de diplômes mais dotée d’une extraordinaire maîtrise des secrets des mets du riche patrimoine culinaire national, la jeune fassie ne tardera pas à se faire remarquer, en 2008, par une famille voisine, établie au Sénégal, qui lui a proposé de l’accompagner à Dakar, en tant qu’aide en tâches ménagères et de cuisine.

Miroitée en tant qu’opportunité intéressante de travail à l’étranger et devant l’absence d’autres alternatives, Saida acceptera sans trop hésiter l’offre et prendra, quelques jours plus tard, la route vers le Sénégal.

Fès-Dakar, le début de l’aventure…

"C’était pour moi le début de l’aventure, de la grande aventure", dira Saida, qui découvre, pour la première fois, les provinces du Sud et les frontières mauritaniennes et sénégalaises, à travers un trip de quatre jours qui l’a menée, le 12 juin 2008, à Dakar.

Ses impressions de cette importante mutation survenue dans sa paisible vie, la jeune marocaine sont faites de l’enthousiasme de découvrir des lieux qu’elle n’imaginait jamais visiter, et de l’angoisse pressenti face à l’inconnu que représentait pour elle le séjour, loin des siens, et la vie au Sénégal et à Dakar qu’elle redoutait d’instinct.

Les craintes de Saida n’ont pas tardé à se confirmer quand elle a découvert, une fois à Dakar, un comportement hostile de la part de la famille d’accueil et des conditions ainsi qu’un traitement insupportable ne répondant nullement aux promesses avancées à Fès.

Armée de son savoir-faire culinaire, notre jeune fassie ne tardera pas à se faire embaucher, quelques mois après, par un restaurant marocain de la capitale sénégalaise.

Comme un malheur n’arrive jamais seul, Saida s’est trouvée confrontée à une nouvelle situation insupportable. "La propriétaire du restaurant qui me surexploitait, contre le gîte et couvert et sans versement d’émoluments, a même tenté de me retenir contre mon gré", s’est-elle souvenue avec amertume.

Sortie de cette dure expérience, Saida dont la réputation culinaire avait commencé à faire de l’écho dans la capitale sénégalaise, a aussitôt intégré l’équipe de restauration d’un important palace de Dakar, fonction qu’elle a occupée jusqu’à son départ pour le Cap-Vert.

Touchée par le paludisme, la jeune fassie qui a perdu son travail à cause de l’arrêt d’activité causée par la maladie, a galéré quelque peu avant de croiser un diplomate qui lui a proposé une offre de travail dans une chancellerie arabe à Praia, au Cap-Vert. Faisant confiance à son instinct, elle plie bagage et pris la destination d’un archipel dont elle n’avait jamais entendu parler.

"C’est à quelques 500 kilomètres au large de Dakar, en plein océan Atlantique, m’a-t-on répondu quand je demandais ou se trouvait ce pays", se souvenait Saida qui se rappelle, enthousiaste, du coup de cœur qu’elle a eu à son arrivée dans la capitale cap-verdienne Praia.

Praia, le coup de cœur…

Arrivée à Praia le 22 octobre 2009, elle a exercé jusqu’à 2014 au sein de l’ambassade arabe où elle assurait l’interprétation arabe-français, sans pour autant couper avec la cuisine marocaine qu’elle faisait découvrir au personnel de la chancellerie ainsi que lors de fêtes et de manifestations culinaires organisées au Cap-Vert.

"Après cette expérience enrichissante, j’ai décidé de monter mon propre business", souligne celle qui a, entre temps, appris et maitrisé le portugais, langue officielle du Cap-Vert, ainsi que le créole, dialecte courant de la population locale.

Une boucherie halal, était le premier projet monté par la jeune marocaine qui a réussi, en un laps temps, à fidéliser une importante clientèle, pas seulement musulmane, qui appréciait la qualité des viandes et les préparations de mets épicés à la marocaine et prêts à être mijotés, concoctés par la maîtresse des lieux.

Ce projet a malheureusement fait long feu, enchaîne amèrement Saida, expliquant que suite à un différend avec le propriétaire des locaux et au cambriolage de la boucherie, "je me suis retrouvée, après six mois d’activités, à la case départ, sans fonds ni travail".

Mais c’était sans compter sur la volonté et la persévérance de la jeune fassie, ainsi que sur son carnet d’adresse et le réseau de connaissance qu’elle a réussi à tisser à Praia et dans tout le Cap-Vert grâce à son dynamisme, l’ouverture sur les gens et le don de contact facile.

Célibataire endurcie, elle se plaisait tellement au Cap-Vert qu’elle s’est fait appeler Zaida, en remplacement de son prénom "Saida" qui signifie sortie en portugais. "Je ne supporte pas l’idée de sortir de ce beau pays", dit-elle.

Véritable icône locale, elle est appréciée par tout le monde, et a réussi à gagner le cœur des Cap-verdiens qui l’ont parfaitement adoptée et qu’elle considère désormais comme les siens.

"On peut dire que je suis la seule Marocaine établie d’une manière permanente à Santiago, île comprenant la capitale Praia", tient-elle à préciser, notant qu’en dehors de quelques rares concitoyens non-résidents et du chef d’escale de la Royal Air Maroc, "je ne connais qu’un seul Marocain installée à Sall", une autre île de l’archipel cap-verdien.

Saida ou Zaida qui a pu rapidement renaitre de ses cendres, a lancé un business d’agent immobilier. "Ça a commencé par un rôle d’intermédiaire entre des Cap-verdiens amis de la diaspora, propriétaires de biens immobiliers dans le pays, et des clients-touristes en quête de logements à louer", explique-t-elle.

Aujourd’hui, ce e-projet géré à domicile, via le net, continue son bonhomme de chemin avec, comme activité supplémentaire, la location de voitures.

En parallèle à cette activité qui ne cesse de se développer, Saida a été contactée par une marque américaine de cosmétiques qui lui a proposé de la représenter au Cap-Vert.

"Sur proposition des clients de la marque qui me connaissent et m’estiment, je suis devenue la représentante attitrée des produits de la firme", a expliqué celle qui a monté une dynamique structure marketing pour mener à bien sa nouvelle mission.

Joviale, bonne vivante et débordante de dynamisme et de volonté, a Saida a la rage de réussir, une rage qui ne fait que payer en dépit d’un parcours semé d’embûches mais surmontée par une Marocaine envoûtée par le Cap-Vert.

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