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Afrique du Sud : Une volte-face surprenante sur le retrait de la CPI - Par Hamid AQERROUT
Après avoir annoncé qu’il est prudent que l'Afrique du Sud se retire de la CPI en grande partie à cause de la manière dont le tribunal a traité certaines questions, Prétoria fait volte-face
Par Hamid AQERROUT (Bureau de la MAP à Johannesburg)
Johannesburg - Après avoir provoqué un tollé en annonçant que l'Afrique du Sud va se retirer de la Cour pénale internationale (CPI), le Président Cyril Ramaphosa et son parti au pouvoir, le Congrès National Africain (ANC), ont fait volte-face, en invoquant une «erreur de communication». Et quelle erreur !
Invité à clarifier la position de son pays sur la CPI lors d'une conférence de presse conjointe, tenue avec le Président finlandais, Sauli Ninisto, en visite à Prétoria, Ramaphosa a lancé une bombe en annonçant que son gouvernement avait décidé de se retirer du tribunal international de La Haye, arguant que la décision a été prise en raison d'un "traitement injuste" par le tribunal.
«Il est prudent que l'Afrique du Sud se retire de la CPI en grande partie à cause de la manière dont le tribunal a traité certaines questions", a-t-il notamment déclaré, arguant que ce point de vue avait également été adopté par Amnesty International.
La décision semble avoir été prise pour ouvrir la voie à la participation du Président russe, Vladimir Poutine, au Sommet des BRICS prévu en août prochain en Afrique du Sud. En mars dernier, la CPI a émis un mandat d'arrêt contre Poutine pour «complicité présumée dans le crime d'enlèvement d'enfants ukrainiens et de leur expulsion vers la Russie». En tant que membre de la CPI, l'Afrique du Sud aurait été obligée d'agir.
Or, il s'est avéré après qu’il est légalement impossible pour l'Afrique du Sud de se retirer de la Cour pénale internationale avant la conférence des BRICS en août. En effet, les règles de la CPI stipulent qu'un pays reste membre pendant 12 mois après la notification du retrait. De surcroit, le retrait nécessiterait un long processus parlementaire.
La référence de Ramaphosa au «parti au pouvoir» ayant décidé de se retirer de la CPI a donné l'impression que l'ANC avait pris la décision lors de la récente réunion de son Comité exécutif national (NEC).
Le Comité exécutif national du parti au pouvoir avait, en fait, réitéré dans un communiqué sa volonté d'annuler sa décision de 2017 de se retirer du tribunal de La Haye.
Il avait également réfléchi au retrait potentiel de la CPI comme une option qui se présenterait comme une mesure de dernier recours en l'absence d'options juridiques qui se traduirait par l'équité et la cohérence dans l'administration du droit international».
Lors de sa réunion, le Comité exécutif de l'ANC a examiné des options pour amender la législation sud-africaine qui intègre le Statut de Rome de la CPI. En effet, cela signifierait que ladite cours ne serait pas en mesure d'exiger que l'Afrique du Sud arrête et livre Poutine en tant que chef d'État en exercice. Ce n'est que si ces efforts pour modifier la législation échouaient qu'il envisagerait un retrait, a déclaré le NEC.
Faut-il rappeler à ce propos que ce n'est pas la première fois que la CPI fait pression sur l'Afrique du Sud pour arrêter un chef d'Etat. En 2015, Pretoria n'a pas respecté le mandat d'arrêt du tribunal contre l’ancien Président soudanais Omar El-Béchir.
Suite aux vives réactions provoquées par les déclarations du chef de l’Etat et plusieurs heures plus tard, son porte-parole, Vincent Magwenya, a publié une déclaration de la Présidence, affirmant que «l'Afrique du Sud reste signataire du Statut de Rome et continuera à faire campagne pour une application égale et cohérente du droit international».
Il s’agit là immanquablement d’une volteface étonnant, un changement de cap à 360 degrés en l’espace de seulement quelques heures du chef de l’Etat et de son parti au pouvoir depuis près de 30 ans. Une chose est pourtant sûre : la décision de retrait, s’elle était prise, est susceptible d'avoir des répercussions majeures sur les relations de l'Afrique du Sud avec les pays occidentaux.
Pour de nombreux observateurs, ce nouveau camouflet révèle des symptômes du style de leadership dans un pays où les crises en tous genres et les affaires policico-judiciaires pullulent.