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Conférence élective de l'ANC, Ramaphosa sauve sa tête, des enjeux élevés pour l'auto-préservation des politiciens
Ramaphosa à la tribune d’une Conférence élective de l'ANC à couteaux tirés pour le maintien de ce qui est en fait un parti unique au pouvoir
Par Hamid AQERROUT (Bureau de la MAP à Johannesburg)
Johannesburg - En Afrique du Sud, la fin de l'année approche à grands pas et avec elle, les surprises de la conférence élective nationale du parti au pouvoir, le Congrès National Africain (ANC), qui se tient à Nasrec, dans la banlieue de Johannesburg.
Tous les regards sont alors tournés vers la bataille titanesque qui oppose le chef de l'État et président sortant du parti, Cyril Ramaphosa et l’ancien ministre de la Santé, Zweli Mkhize, tous deux candidats en lice pour la présidence de l’ANC.
Au quatrième jour de la conférence qui se déroule du 16 au 20 décembre, les lobbyistes des deux candidats revendiquent chacun la victoire et la course s’avère de plus en plus serrée, et ce contre toute attente.
Mais à la fin, le Président sud-africain, Cyril Ramaphosa, a décroché lundi un deuxième mandat à la tête du Congrès national africain (ANC au pouvoir), mais son pouvoir est de plus en plus affaibli en raison de l’opposition acharnée de ses détracteurs au sein du parti.
Faisant de la lutte contre la corruption son cheval de bataille, Ramaphosa est tombé dans la disgrâce après qu’une Commission parlementaire indépendante a publié un rapport confirmant des accusations criminelles portées contre lui en juin dernier, concernant la dissimulation du vol en 2020 d’importantes sommes en dollars dans l’une de ses fermes à gibier.
A quelques jours de la Conférence élective nationale de l’ANC, qui s’est tenue à Nasrec, dans la banlieue de Johannesburg, Ramaphosa a échappé de justesse à une procédure de destitution empêchée par les députés de son parti majoritaire au Parlement.
Mabuza Décline la vice-présidence
Le vice-président David Mabuza a décliné la candidature au poste de vice-président du parti. Le ministre de la justice Ronald Lamola, le trésorier général sortant de l'ANC, Paul Mashatile et le premier ministre du Cap-Oriental, Oscar Mabuyane s'affronteront pour le poste.
Alors que ce conclave n’a pas encore révélé tous ses secrets, la ruée vers l'auto-préservation et la lutte intestine entre les factions et dirigeants du parti pour s’assurer une place dans le top sept du Comité exécutif national, haute instance décisionnelle de l’ANC, ont atteint leur paroxysme.
La course effrénée de nombreux dirigeants du parti au pouvoir pour engranger des postes de responsabilité lors de ce rendez-vous électoral renseigne du désir de certains d’asseoir leur position au sein du parti et de la volonté d’autres de réaliser un retour en force, alors que pour d’autres encore, cette grande messe électorale offre une opportunité d’échapper à la justice.
Alors que l'ex-président Jacob Zuma se bat toujours pour ne pas aller en prison, suite à son procès en cours pour corruption, l’actuel chef de l’Etat court un risque d’être destitué de ses fonctions pour son implication dans le scandale de «Farmagate». Une affaire politico-judiciaire qui a sérieusement terni l’image de l’ANC et jeté le discrédit sur le parti de Nelson Mandela. Elle a même accentué les divisions au sein du parti.
Mais selon toute vraisemblance, de nombreux ministres auront du mal à obtenir des nominations au Comité Exécutif National (CEN), le plus important organe décisionnel du parti constitué des sept premiers responsables. Et si cela s’avère une réalité, ils deviendront alors des non-entités politiques et n’auront aucune influence, ce qui constituera certes une sérieuse menace pour leur richesse financière accumulée pendant tant d’années de vache grasse.
Mais au-delà de l'accumulation de richesse personnelle, certains ont de sérieux problèmes comme éviter une éventuelle peine de prison. C’est le cas de Jacob Zuma, qui a affuté les armes, lançant sa propre campagne et faisant campagne contre le président sortant Ramaphosa.
Les dirigeants de l'ANC s'entre-déchirent pour des postes
Zuma fait face actuellement à 16 chefs de fraude, de corruption et de racket, liés à un marché d'armes conclu en 1999 avec la société française d'armement Thales. Pour lui, le seul moyen d'éviter la prison est d'empêcher Ramaphosa, qu’il a qualifié de «traître» et d’homme d'affaires «corrompu», de sortir vainqueur lors de cette Conférence élective.
Convaincu qu’il ne fera pas partie du top six du parti, son meilleur pari est donc d'avoir des responsables qui lui sont sympathiques. C’est dans cette optique d’ailleurs qu’il a apporté son soutien à la candidature de son ex-femme Nkosazana Dlamini-Zuma pour la présidence du parti. Mais Dlamini a tout simplement été écartée de la liste des candidats par les dirigeants de l’ANC, car, arguent-ils, elle fait cavalier seul.
Ensuite, il y a Ace Magashule, le Secrétaire général suspendu du parti au pouvoir. Il a été limogé l’année dernière après avoir refusé de se retirer, suite à des accusations de corruption portées contre lui du temps où il était Premier ministre de l’Etat libre.
Même s’il ne jouera probablement aucun rôle lors de cette conférence élective, il n'est donc pas surprenant qu'il fasse partie de ceux qui complotent clandestinement pour parrainer les participants à la conférence, afin de proposer une motion visant à annuler la règle de retrait qui l'a mis dans la brousse politique. Ce faisant, Magashule tente effectivement d'augmenter ses chances de faire un retour en force dans le cercle restreint de l'ANC si la règle de retrait est vaincue.
Mais au-delà de Zuma et Magashule, le cercle restreint de Ramaphosa comprenant des personnalités telles que le ministre de l'Énergie, Gwede Mantashe, son homologue des Entreprises publiques, Pravin Gordhan, le ministre des Finances, Enoch Godongwana et celui à la Présidence, Mondli Gungubele, risquait eux aussi d’être écarté lors de cette conférence.
Et pour cause. Ces personnalités politiques font l’objet de critiques acerbes de la part des membres du parti qui leur reprochent, notamment, un faible bilan au cours du mandat 2017-2022, ainsi que leur proximité et leur influence sur le Président Ramaphosa.
Mais alors que les dirigeants de l'ANC s'entre-déchirent pour des postes de pouvoir et l’enrichissement personnel, le grand public sud-africain, lui, doit encore continuer à végéter et à faire face à tous les problèmes socio-économiques auxquels il est confronté depuis des décennies déjà. C’est que les problèmes dont s’engouffre l’Afrique du Sud sont innombrables et il est douteux que les dirigeants de l'ANC émergeant de la conférence élective puissent s'en sortir.
Dès lors, les Sud-africains qui souffrent d'un taux de chômage record de 35 pour cent (plus de 60 pc pour les jeunes), le plus élevé du monde, n'ont donc que peu à espérer de cette messe électorale de l'ANC pour les faire sortir de leur misère.
La classe moyenne, qui suffoque sous la pression d'une hausse du coût de la vie, ne peut pas placer ses espoirs sur des dirigeants égoïstes de l'ANC qui briguent divers postes à la conférence et dont beaucoup sont corrompus et certains encore sont traduits devant la justice.
En termes simples, les citoyens lambda, qui ne font pas partie des 4.500 délégués-votants à la conférence de l'ANC, sont laissés pour compte, car même si les politiciens du parti feront des compromis lors de la conférence, cela ne servira que leurs propres intérêts électoraux en 2024. Ils feront donc tout pour «la survie du parti au pouvoir, l'ANC" et, partant, s’assurer d’une longévité politique et économique.