Ferme en Italie, modérée à l’étranger : les six mois de Meloni au pouvoir

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Photo prise le 23 octobre 2022 La nouvelle Première ministre italienne, Giorgia Meloni, tient la cloche de ministre qui lui a été remise par le Premier ministre italien sortant lors d'une cérémonie de passation de pouvoirs au Palazzo Chigi à Rome, le 23 octobre 2022. (Photo Andreas SOLARO / AFP) /

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Six mois après son arrivée au pouvoir à la tête du gouvernement le plus extrême droite d'Italie depuis l'après-guerre, Giorgia Meloni s'est montrée ferme sur la scène intérieure, tout en prenant garde de ménager Bruxelles et ses voisins européens.

La victoire de son parti fasciste Fratelli d'Italia aux législatives de septembre avait pourtant provoqué une onde de choc à travers l'Union européenne.

Mme Meloni a pris ses fonctions le 23 octobre à la barre d'une coalition incluant la Ligue antimigrants du tribun populiste Matteo Salvini et le parti conservateur en déclin Forza Italia de Silvio Berlusconi.

En quelques semaines, son gouvernement a introduit des lois pour réduire les arrivées de migrants, tout en s'engageant à défendre des valeurs familiales conservatrices, en empêchant notamment les mairies d'enregistrer les enfants des couples de même sexe.

Sur le terrain économique en revanche, Mme Meloni a fait preuve d'une grande orthodoxie, promettant de réduire la dette publique colossale et le déficit, tout en dépensant des milliards pour aider les Italiens face à l'inflation galopante et en projetant des baisses d'impôts.

Celle qui se décrit comme une "mère chrétienne" a aussi atténué ses propos les plus clivants et cherché à renvoyer une image de stabilité sur la scène internationale, en soutenant fermement l'Ukraine face à l'invasion russe.

Selon les politistes, alors qu'elle a défendu des positions extrémistes pour arriver au pouvoir, elle a besoin d'élargir ses soutiens si elle veut durer.

"Elle s'est déportée vers le centre très très rapidement (...) pour élargir son audience au-delà de l'électorat de la droite radicale", analyse Daniele Albertazzi, professeur de Sciences politiques à l'université britannique du Surrey. Un posture tactique qui ne l’absout nullement de son extrême-droitisme. 

"Pas un monstre" 

Aux Italiens qui ne veulent pas d'un gouvernement de gauche, "elle prétend: « je ne suis pas un monstre’. Je n'ai pas renversé la table+", note ce professeur.

Jusqu'ici, sa popularité n'a pas faibli, bien au contraire: selon le dernier sondage de l'institut YouTrend, Fratelli d'Italia est crédité de 28,6% des intentions de vote, contre 26% aux élections de septembre.

Sur la scène politique intérieure, la coalition a rapidement mis en œuvre ses promesses électorales. Un premier décret sur les migrants a entravé les activités des ONG organisant des opérations de secours en Méditerranée, et Mme Meloni souhaite désormais éliminer un statut de protection spéciale pour les migrants n'ayant pas le statut de réfugiés.

Des mesures qui pourraient, selon ses adversaires, causer des morts et priver des personnes vulnérables de leurs droits essentiels.

Quelque 35.000 personnes ont débarqué en Italie depuis le début de l'année, quatre fois plus qu'en 2021 et 2022 sur la même période. Le ministre de l'Agriculture Francesco Lollobrigida, beau-frère de Mme Meloni, a fait scandale mardi en mettant en garde contre "le remplacement ethnique" des Italiens par les migrants.

Autre cheval de bataille de Giorgia Meloni, la lutte contre "le lobby LGBT". La coalition a déjà interdit aux mairies d'enregistrer les enfants de couples de même sexe en l'absence de réglementation au niveau national.

Une décision qui a plongé des milliers de familles dans un vide juridique, au grand dam de parlementaires européens craignant de nouvelles attaques contre la communauté LGBT+ en Italie.

"Luttes intestines" 

Pour Francesco Galietti, du groupe de réflexion Policy Sonar, de nombreuses mesures sont adoptées pour tenter de maintenir l'unité de la coalition, théâtre de "luttes intestines".

Toujours en embuscade, Matteo Salvini, contraint à jouer les seconds rôles de Giorgia Meloni qui lui a siphonné nombre de ses électeurs, profite de son poste de vice-Premier ministre et ministre des Transports pour sillonner l'Italie lors de déplacements soigneusement mis en scène sur les réseaux sociaux.

Giorgia Meloni construit de son côté son image de femme d'Etat en recevant les dirigeants étrangers et en se rendant aux sommets internationaux tout en évitant les gaffes.

"Elle est de loin la figure politique la plus professionnelle que nous ayons en ce moment", estime M. Galietti.

Fratelli d'Italia a longtemps prôné la sortie de l'euro, mais Mme Meloni a jusqu'ici évité toute rupture avec Bruxelles et ses partenaires européens, mis à part un accroc avec Paris sur l'accueil d'un bateau de migrants.

"Elle a adopté une ligne plutôt modérée sur la scène internationale, en particulier en manifestant clairement son atlantisme et son soutien à l'Ukraine", note Marianna Griffini, spécialiste de l'Europe au King's College de Londres. Certainement pour ne pas se retrouver au ban de la société occidentale.

Une attitude dictée donc par la raison alors que Rome doit recevoir d'ici 2026 presque 200 milliards d'euros dans le cadre du plan européen de relance post-pandémie, en contrepartie de réformes structurelles.

Le dernier versement prévu en mars a été reporté en attendant de nouvelles discussions avec Bruxelles, mais Mme Meloni a affirmé qu'il ne fallait y voir aucun motif d'inquiétude. (AFP)

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