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''Lbachkira'', une technique ancestrale de pêche en lutte pour sa survie
"Lbachkira" représente un mur de pierres en forme de cercle, qui permettent l'écoulement et le retrait des eaux en cas de marée haute ou basse, de sorte que les poissons restent encerclés à l'intérieur
El Jadida - Longtemps considérée parmi les techniques ancestrales de pêche des plus utilisées le long du littoral rocheux d'El Jadida, qui s'étend de Haouzia à Moulay Abdellah Amghar, "Lbachkira" lutte désormais pour sa survie.
Cette pratique est en voie de disparition en raison notamment du décès de plusieurs "maâlems" (maîtres) qui s'adonnaient à cette méthode, sans oublier la chute des quantités de poisson le long de la côté atlantique et l'éclosion de nouveaux moyens modernes dédiés à la pêche côtière.
Dérivée du mot portugais "Peixeira", "Lbachkira" représente un mur de pierres en forme de cercle, construit d'une manière spéciale par le biais de pierres marines qui permettent l'écoulement et le retrait des eaux en cas de marée haute ou basse, de sorte que les poissons de tous genres et de toutes formes restent encerclés à l'intérieur, ce qui facilite leur collecte par les propriétaires de ces "bachkirates" ou les marins chargés de leur surveillance.
Ces "bachkirates" permettaient à leurs propriétaires de collecter des quantités abondantes de poissons, ce qui les aidait à s'assurer les moyens de subvenir aux besoins de la vie quotidienne et de prendre en charge les frais de scolarité de leurs enfants. Ces mêmes propriétaires vendaient ces poissons et en distribuaient de grandes quantités à leurs connaissances, à leurs voisins et aux personnes démunies.
A ce propos, Aboulkacem Chebri, archéologue et directeur du centre d'études et de recherches sur le patrimoine maroco-lusitanien (CERPML) au ministère de la culture, a affirmé dans une déclaration à "M24", la chaîne d'information en continu de la MAP, que "Lbachkira" dérivée de la langue portugaise, ou "El Setara" tirée du dialecte de Doukkala, est une technique de pêche propre à la région.
M. Chebri a expliqué que la technique de construction de ce genre de murs nécessite beaucoup de temps, car elle repose seulement sur l'utilisation des pierres afin de permettre le remplissage facile de ces endroits en eau en cas de marée haute et son écoulement en cas de marée basse, le mur étant de près de 1,5 M d'épaisseur.
Il a toutefois noté que la plupart de ces "bachkirates" ont disparu en raison de leur inexploitation et du décès d'un grand nombre de "maâlems" qui s'adonnaient à cette pratique ancestrale, relevant que certaines d'entre elles portent encore le nom de leurs propriétaires.
Dans une déclaration similaire, Mohammed Harroum, un habitant de la ville, a indiqué qu'il avait l'habitude de participer à la construction de ces murs pour la modeste somme d'un ou deux dirhams, voire même à leur entretien en cas d'effondrement à cause de la marée haute.
Il a ajouté que la zone s'étendant du quartier portugais à Sidi Bouzid comptait autrefois de nombreuses "bachkirates", dont les propriétaires étaient très actifs pendant cette période de l’année appelée "Lyali" (nuits froides) d’une durée de 40 jours, où ils réussissaient à collecter de grande quantité de poissons.
Il a par ailleurs déploré la disparition de cette technique due essentiellement à la baisse du stock de poissons en raison de la pollution résultant des eaux usées et de la prolifération des embarcations de pêche, dont le nombre avoisine actuellement les 2000, alors qu'El Jadida ne comptait auparavant que deux embarcations seulement.
Dans le même sens, Abderrahim Mehdad, un autre habitant de la ville, a déclaré qu'il avait côtoyé nombre de ces maîtres spécialisés dans la construction des "bachkirates", rappelant que le littoral d'El Jadida était connu pour son abondance en poissons.