Les Mexicains n’oublient pas : un carnaval pour régler des comptes avec les Espagnols et les Français

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Un couple de "huehue catrines" tournant en dérision Franaçais et espagnols pose pour une photo dans l'atelier de Ricardo Molina, dans la municipalité de Tlaxcala, dans l'État de Tlaxcala, au Mexique, le 25 février 2023. (Photo de Pedro PARDO / AFP)

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Régler des comptes anciens avec les Espagnols et les Français: le carnaval de Tlaxcala dans le centre du Mexique se distingue de centaines d'autres en ravivant chaque année l'esprit de revanche envers les anciennes puissances extérieures.

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Des habitants portent des costumes typiques de "huehue" alors qu'ils participent au carnaval de "Los huehues madrugadores" (les huehues lève-tôt) dans la municipalité de Totolac, dans l'État de Tlaxcala, au Mexique, le 26 février 2023. (Photo de Pedro PARDO / AFP)

Fin février, les hommes ont dansé et défilé en portant des masques de type "caucasien" (peau claire, yeux bleus, barbe bien taillée) dans les villages et la capitale éponyme du plus petit des 32 états du Mexique (avec Mexico city), à 120 km à l'est de la capitale.

Taillés dans du bois, ces masques ("huehue" ou "Catrin") imitent le style des dandys précieux prêté aux envahisseurs qui ont traversé l'Atlantique.

A leur bras, des femmes habillées à l'Européenne -robes et chapeaux-tournent en dérision le snobisme des Parisiennes ("Quelle élégance, la France" est une sorte de proverbe ironique au Mexique).

"La population de Tlaxcala se moque des envahisseurs. Leurs us et coutumes étaient très efféminés", raconte un guide touristique, Eduardo Cuautle Xochitemotl, sous une fresque murale de 450 m2 retraçant l'histoire locale.

Le renversement de l'ordre social propre au carnaval a visé d'abord les grands propriétaires terriens espagnols du XVIIe siècle, puis le style bourgeois français en vigueur parmi les élites du Mexique indépendant à la fin du XIXe siècle.

"Quand nous avons été conquis, les grandes haciendas organisaient des fêtes grandioses avec de la musique et des danses auxquelles nous autres indigènes n'avions pas accès", raconte un danseur Carlos Gomez Vazquez.

En 1629, Madrid a d'ailleurs voulu "restreindre" les excès du carnaval et "la destruction des propriétés des Espagnols", d'après le guide de Tlaxcala, une cité qui abrite également un musée d'art moderne et un couvent franciscain.

"Au XIXe siècle, le peuple se moque du style français que reprend le gouvernement de (Porfirio) Diaz", ajoute le guide.

Au pouvoir pendant plus de trente ans jusqu'en 1910, Porfirio Diaz a impulsé un premier développement économique du Mexique avec des capitaux étrangers et un minitre des Finances d'origine française, José-Yves Limantour.

Sous le "Porfiriato", Mexico s'est peuplé de maisons voire d'hôtels particuliers de type parisien qui font aujourd'hui le charme des quartiers centraux de Roma-Condesa, et le bonheur des résidents étrangers de plus en plus nombreux.

Avec le temps, les masques et les danses du carnaval de Tlaxcala ont combiné les "deux cultures, la Mexicaine et la Française", explique un sculpteur de masques, Ricardo Molina Sarmiento, qui parle de "syncrétisme".

"Aujourd'hui, la tradition consiste à se moquer des politiciens de notre époque", selon le guide de Tlaxcala.

Les habitants de Tlaxcala sont connus pour avoir soutenu le Conquistador espagnol Hernan Cortes dans sa conquête de Mexico-Tenochtitlan en 1521. (AFP)

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