''L’Algérie nouvelle'' est ''en train de s’effondrer'', affirme un ancien ambassadeur de France à Alger

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Le président algérien Abdelmadjid Tebboune

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Paris - S'il fallait résumer brièvement et brutalement la situation, il y a lieu de dire que '’l’Algérie nouvelle’’, selon la formule en vogue à Alger, est en train de s’effondrer sous nos yeux, affirme Xavier Driencourt, l’ancien ambassadeur de France à Alger, dans une tribune publiée dans le quotidien "Le Figaro".

"La réalité algérienne n’est en effet pas celle qu’on nous décrit", souligne l’ancien directeur général de l’administration du Quai d’Orsay et chef de l’Inspection générale des affaires étrangères.

"(…) L’Algérie issue du +Hirak béni+ serait, nous dit-on, progrès, stabilité et démocratie. Or tous les observateurs objectifs constatent que depuis 2020, après peut-être quelques semaines d’espoir, le régime a montré son vrai visage : celui d’un système militaire brutal, tapi dans l’ombre d’un pouvoir civil, sans doute autant affairiste que celui qu’il a chassé, obsédé par le maintien de ses privilèges et de sa rente, indifférent aux difficultés du peuple algérien", relève-t-il.

"Sont aujourd'hui dans les prisons algériennes non seulement les politiques, fonctionnaires et militaires liés à l’ancien régime - et auxquels l’Armée nationale populaire doit son statut actuel -, mais aussi les journalistes qui ont eu le tort d’écrire des articles hostiles ou réservés sur le régime, et ceux qui, naïvement, ont posté sur les réseaux sociaux un jugement ou une opinion dissidente", soutient l’auteur de "L’Énigme algérienne. Chroniques d’une ambassade à Alger" (Éditions de l’Observatoire, 2022), livre dans lequel il retrace son expérience.

L’ambassadeur de France à Alger entre 2008 et 2012, puis entre 2017 et 2020, ajoute que le Covid, dès mars 2020, avait permis à l’armée de commencer "le nettoyage politique; les circonstances internationales, la guerre en Ukraine lui ont permis de mettre définitivement le pays au pas".

Et de poursuivre qu’aujourd’hui, la presse est "muselée, les journalistes arrêtés ou privés de leur passeport, les journaux comme Liberté fermés, El Watan mis sous tutelle et, fin décembre, alors que les chancelleries occidentales réveillonnaient, c’est le dernier carré, Radio M. et le site Maghreb émergent qui sont interdits, tandis que leur directeur, Ihsane elKadi, était arrêté dans la nuit. Samedi 7 janvier, c’était au tour du site AlgériePart d’être accusé de recevoir des fonds de l’étranger pour diffuser des fake news afin de ‘déstabiliser le pays’".

Des associations comme Caritas, fondé par l’Église catholique avant 1962, sont dissoutes, d’autres accusées de recevoir des fonds de l’étranger, a-t-il rappelé.

"L’Algérie va mal, beaucoup plus mal que les observateurs ou les rares journalistes autorisés le pensent ; 45 millions d’Algériens n’ont qu’une obsession : partir et fuir", remarque-t-on, ajoutant qu’"on ne compte plus aujourd'hui ceux qui demandent un visa dans le seul but de ne faire qu’un aller simple, c’est-à-dire de rester d’une façon ou d’une autre en France avec l’espoir d’être un jour régularisé".

"Les choix désastreux de 1962, la crise économique, la corruption née de la rente pétrolière, le découragement non seulement des élites des grandes villes du Nord, mais aussi du peuple des campagnes et de l’Algérie profonde (...), font qu’à ce rythme-là peu de gens resteront en Algérie", note le diplomate.

 

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