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Non, une étude nordique ne prouve pas que la vaccination Covid cause 5 fois plus de myocardites que le virus lui-même
Ce qui est certain aujourd'hui, c’est que les vaccins à ARN messager (Pfizer et Moderna) donnent des myocardites, Moderna plus que Pfizer ". Mais cela reste très rare, puisque le sur-risque est estimé à 17 myocardites pour 100.000 doses chez les hommes de 18 à 24 ans (la population la plus à risque) pour le vaccin de Moderna et 5 cas pour 100.000 doses pour celui de Pfizer
Selon une étude récente, les myocardites - une rare pathologie cardiaque - qui ont pu survenir après une vaccination anti-Covid ont eu une issue bien moins graves que celles apparues après une infection au virus lui-même.
Mais des publications sur les réseaux sociaux ont tiré une autre conclusion de cette étude, à savoir qu'elle montrerait que le risque de myocardites est cinq fois plus important après une vaccination qu'après une infection au Covid. Mais c'est inexact, a expliqué à l'AFP l'un des auteurs de l'étude, indiquant que l'on ne peut conclure cela de ce travail, qui examine la nature des myocardites et non leur fréquence. D'autre part, de précédentes études ont démontré que dans la population générale, le risque de myocardite est plus important après une infection au Covid-19 qu'après une vaccination anticovid.
" Attention: une nouvelle étude publiée dans le BMJ montre que le vaccin Covid provoque cinq fois plus de myocardites que le Covid lui -même (vaccin: 530 versus covid: 109). Pour les jeunes le risque est de 10 fois plus (vaccin: 202 versus Covid: 19) ". Ce tweet en anglais, publié le 5 février, a été partagé plus de 6.000 fois deux jours plus tard, le 7 février. Il s'accompagne d'une capture d'écran d'un tableau de l'étude citée, où sont encadrées en rouge les statistiques mentionnées.
Il a notamment été repris, ainsi que d'autres tweets anglophones de même teneur, par des usagers français des réseaux, sur Facebook notamment. Sur Twitter, la plupart se contentent de traduire le tweet anglophone.
Les myocardites, des inflammations du muscle cardiaque qui provoquent des douleurs à la poitrine, sont aujourd'hui reconnues comme un effet secondaire possible des vaccins à ARN messager, comme l'expliquait le 1er février le Pr Mahmoud Zureik, directeur d'Epi-phare, l'agence qui surveille l'ensemble des produits de santé en France: "Ce qui est certain aujourd'hui, c’est que les vaccins à ARN messager (Pfizer et Moderna) donnent des myocardites, Moderna plus que Pfizer ".
Mais cela reste très rare, puisque le sur risque est estimé à 17 myocardites pour 100.000 doses chez les hommes de 18 à 24 ans (la population la plus à risque) pour le vaccin de Moderna et 5 cas pour 100.000 doses pour celui de Pfizer.
Depuis le début de la vaccination Covid, les myocardites sont au cœur d'allégations trompeuses.
Que dit l'étude nordique?
Précisément, l'étude citée n'a pas été publiée par le British Medical Journal , mais par une revue scientifique en accès libre éditée par le BMJ, BMJ Médicine, lancée en 2021.
BMJ Medicine se définit comme " une nouvelle revue internationale multidisciplinaire qui cherche à promouvoir la collaboration en encourageant le débat scientifique et l'échange de nouvelles connaissances et idées afin d'améliorer la santé ". " En étroite collaboration avec The BMJ, BMJ Medicine donne la priorité aux études à large impact, aux revues de spécialistes et aux études qui ont le potentiel d'améliorer la pratique clinique, la réglementation et la science médicale".
L' étude citée par les publications trompeuses s'intitule " Résultats cliniques des myocardites après une injection de vaccin Sars-CoV-2 à ARNm dans quatre pays nordiques: une étude de cohorte ", et a été publiée le 14 décembre 2022.
La recherche a été menée à partir des registres nationaux des myocardites enregistrées au Danemark, en Finlande, en Suède et en Norvège entre le 1er janvier 2018 et la fin 2022.
Elle a inclus 7.292 patients, des personnes âgées de plus de 12 ans qui se sont vues diagnostiquer une myocardite sur cette période, sur une population de 23 millions de personnes.
Parmi ces 7.292 patients, les chercheurs ont cherché à savoir lesquels avaient, dans une période de 90 jours après leur hospitalisation liée à un épisode de myocardite, souffert d'une nouvelle myocardite, d'une insuffisance cardiaque, ou même combien été décédés, et ce, en fonction de leur situation avant la myocardite (vaccination Covid, infection au Covid, ou myocardite classique).
Le résultat: selon eux, " la myocardite survenue après une vaccination Covid est associée à un plus faible risque d'insuffisance cardiaque 90 jours après l'admission à l'hôpital par rapport à la myocardite liée au Covid-19 et à la myocardite classique ".
Chez les plus jeunes sans comorbidités, affirment-ils, " la myocardite liée au Covid-19 est associée à un risque significativement plus important d'insuffisance cardiaque ou de mort 90 jours après l'admission à l'hôpital par rapport avec la myocardite liée à la vaccination ".
Dans le détail, une insuffisance cardiaque a été diagnostiquée chez 4,5% des patients du groupe "vaccination", contre 11% du groupe "Covid", et 7,5% du groupe "myocardite classique".
De manière surprenante, l'étude montre que trois mois après leur myocardite, le risque relatif de ré-admission à l'hôpital pour les patients ayant subi une myocardite post-vaccinale était de 0,79 (par rapport à une myocardite classique) contre 0,55 pour les patients ayant subi une myocardite post-Covid.
Un résultat qui peut refléter, selon les auteurs, " un intérêt clinique accru pour les patients avec une myocardite post-vaccinale ", tandis qu'au contraire, le taux de réadmission à l'hôpital pour le groupe "Covid" peut être diminué par " le risque plus élevé de mort " dans ce dernier.
Pas plus de myocardites après la vaccination
Les publications erronées assurent que l'étude montre une large prédominance des myocardites post-vaccinales sur les myocardites post-Covid.
Ils s'appuient sur les chiffres des différents groupes de l'étude, qui a comptabilisé, dans le groupe "vaccination", 530 personnes, contre 109 seulement dans le groupe "Covid" (et 6.653 dans le groupe "myocardite classique").
" C'est faux ", a répondu Anders Husby, un des auteurs de l'étude, le 6 février. Cet épidémiologiste du Statens Serum institut de Copenhague assure que " c'est une manière incorrecte d'utiliser notre étude ".
"Notre publication ne permet pas de calculer le 'risque de myocardite' selon les différents types d'exposition, comme le suggèrent certains tweets", ajoute-t-il. " Cette étude enquête sur les résultats cliniques des myocardites, pas le risque de myocardites, ce qui aurait impliqué qu'on analyse aussi les personnes qui n'ont pas fait de myocardites ", insiste le Dr Husby.
Pour comparer l'exposition au risque de myocardites dans les différents groupes, rappelle le Dr Husby, " il aurait fallu un modèle de cohorte qui inclut aussi les personnes sans diagnostic de myocardite ", comme pour cette étude menée par la même équipe sur cette problématique de l'incidence de la myocardite après la vaccination.
Sur la comparaison du risque entre vaccination et Covid, plusieurs études ont déjà démontré un plus grand risque de myocardite après une infection au coronavirus qu'après la vaccination anticovid , sauf dans un groupe particulier, celui des hommes jeunes.
Mais pour la population générale, cette méta-analyse qui a passé en revue 22 études conclut que le risque de myocardites est sept fois plus important pour les personnes infectées par le Covid-19 que pour les personnes venant de se faire vacciner.
Moins de risque de décès
Certains internautes ont choisi de mettre en exergue un autre aspect de l'étude, qui a également évalué les décès liés aux myocardites, insistant sur une dangerosité supposée des vaccins anticovid: " Sur 530 myocardites post vaccinales au sein d’une base de pays nordiques, 6 décès d’une inflammation cardiaque dans les 90 jours (...) ", écrit cet internaute le 5 février.
Cette affirmation est déjà partiellement fausse: six patients du groupe "vaccination" sont bien décédés dans les 90 jours suivant leur admission à l'hôpital pour une myocardite, mais rien dans l'étude n'indique qu'ils sont morts " d'une inflammation cardiaque ", il est spécifié " morts de toute cause ".
D'autre part, donner ce chiffre de six décès sans plus de contexte ne rend pas compte de la comparaison avec le groupe "covid" de l'étude, dans lequel six décès aussi ont été relevés. Le même nombre donc, mais pas le même ratio dans chaque groupe puisque les deux groupes sont de taille très différentes : chez les patients avec une myocardite "post-vaccination" le risque de décès s'établit à 1,1%, contre 5,5% pour les myocardites post-Covid.
" Aux regards des risques, le bénéfice de la vaccination ne se pose pas pour les femmes et les hommes de plus de 30 ans, et les données sur les myocardites publiées depuis l’été 2021 ne veulent certainement pas dire qu’il faut mettre fin à la vaccination des jeunes hommes de moins de 20 ou 30 ans, qui gardent un bénéfice sur la diminution des événements graves liés à la COVID", analyse Florian Zores sur son blog "Insuffisant cardiologue".
" On doit cependant chercher à réduire le risque des myocardites", conclut-il.
" Les recherches sur les résultats cliniques des myocardites associées à la vaccination par notre équipe et les autres sont rassurantes, et devraient être prises en compte quand il s'agit de peser les bénéfices et les risques potentiels des vaccins à ARN messager contre le virus Sars-Cov-2 au niveau individuel et collectif ", conclut pour sa part l'étude du Dr Husby. (AFP)