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Tunisie : Solidarité, inquiétudes et longues veillées ramadanesques
Ramadan coïncide cette année avec une période difficile que vivent les Tunisiens dont le moral n’est pas au beau fixe
Tunis - L'avènement du mois sacré de Ramadan transforme d’habitude radicalement le rythme de vie et bouscule les habitudes des Tunisiens. On se rappelle aux valeurs ancestrales de solidarité, d’entraide et de tolérance qui sont le trait distinctif de nos sociétés arabo-musulmanes.
La journée de tout un chacun devient rythmée, avec une grande place consacrée aux prières, Dikr et récitation du Coran, mais aussi aux inévitables courses et, enfin, une part aux veillées qu’elles soient familiales, culturelles ou récréatives.
Au cours de ce mois, la solidarité reprend ses pleins droits et tout son sens. Ramadan est une occasion propice pour faire preuve d’empathie et d'entraide. Des initiatives personnelles se multiplient, de nombreuses associations et organisations s’activent pour collecter des aides et les redistribuer aux plus démunis. Les Couffins de Ramadan, les repas ou table de l’Iftar se multiplient partout surtout dans les quartiers populaires.
Cette année, pour ce mois propice à la surconsommation et à tous les excès, les citoyens, plutôt préoccupés par la baisse de leur pouvoir d’achat et les pénuries qui touchent de plus en plus de produits, n’ont d’autre choix que de serrer un peu plus leurs ceintures.
L’accalmie, qui caractérise le marché de l’offre et la demande des produits alimentaires, cède la place subitement à une sorte de fièvre acheteuse qui gagne les Tunisiens prompts à rafler tous les produits et à faire, quoi qu’il en coûte, leurs emplettes.
Cette année l’avènement de Ramadan coïncide avec une période difficile que vivent les Tunisiens dont le moral n’est pas au beau fixe. En cause, les difficultés économiques, le renchérissement du coût de la vie et les pénuries cycliques de nombreux produits de grande consommation.
Pour parer à toute éventualité, le gouvernement a pris de nombreuses mesures pour assurer l’approvisionnement du pays en produites de base, a multiplié les aides destinées aux familles nécessiteuses, crée plus de 20 points de vente du producteur au consommateur dans les régions et mobilisé les équipes de contrôle économique pour lutter contre la spéculation.
Des importations massives de produits alimentaires ont été opérées pour parer à toute rupture d’approvisionnement. L’Office du commerce de Tunisie (OCT) a importé de grandes quantités du sucre, du café, du riz et du thé pour mettre un terme à une pénurie qui n’a que trop duré.
Les dirigeants de l’Union Tunisienne de l'agriculture et de la pêche (UTAP) affichent un optimisme mesuré soutenant que l’approvisionnement en œufs et viandes de volaille ne poserait aucun problème.
Toutefois, ils ne cessent de souligner le grand déficit en lait avec l’épuisement des stocks régulateurs ainsi qu’un manque possible de certains légumes comme la pomme de terre et les oignons, en raison de la sécheresse qui sévit dans le pays.
Il faut dire que durant le mois du Ramadan, les ménages tunisiens gaspillent beaucoup, quel que soit leur statut social. Une étude publiée par l'Institut de la consommation, relevant du ministère tunisien du Commerce révèle qu’ils jettent 66% des aliments.
Les aliments jetés sont essentiellement le pain (46%), les fruits (30%), les pâtisseries (20%), les viandes (19%), le lait et dérivés (18%), les légumes (14%), les boissons (13,4%) et les œufs (5%).
La consommation pendant cette période enregistre des pics parfois atteignant pour les dattes 111%. La consommation d’œufs passe de 17 œufs par personne par mois à environ 26 œufs par personne pendant le Ramadan, et environ 900.000 "pains" sont jetés quotidiennement dans les poubelles.
La culture retrouve ses droits et exerce un attrait spécial. A Tunis, le festival de la Médina, dans sa 39ème édition a programmé pas moins de 23 spectacles essentiellement tunisiens.
Comme toujours, le festival se déploie sur plusieurs espaces allant de la Cité de la culture au Théâtre municipal en passant par des demeures historiques de la médina. La musique sera comme toujours à l'honneur pour répondre aux attentes du public et maintenir l'esprit du festival qui a fait des émules à travers plusieurs villes tunisiennes.
Dans le foisonnement des productions télévisuelles qui accompagne ce mois, une polémique a été déclenchée par la transmission par la chaîne de télévision "El Hiwar" du feuilleton "Fallujah", violemment critiqué par le ministre de l’Education et de nombreux avocats et défendu par la haute autorité indépendante de l’audiovisuel. Une polémique qui n’a pu être tranchée que par le Tribunal de première instance de Tunis qui a maintenu la poursuite de la diffusion de ce feuilleton.