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Tunisie: Kais Saied, l'énigmatique président seul aux commandes
Photo prise le 21 juillet 2022 - un panneau d'affichage dans la capitale Tunis, encourageant les Tunisiens à voter lors du prochain référendum constitutionnel prévu le 25 juillet. Les Tunisiens voteront sur une constitution qui donnerait au président Kais Saied des pouvoirs presque illimités, un moment clé dans son plan de refonte du système politique. Ses opposants ont appelé au boycott, mais si les observateurs ont prédit que la plupart des Tunisiens bouderaient le scrutin, peu d'entre eux dou
Par Aymen JAMLI (AFP)
Personnage insondable et complexe, promoteur du référendum lundi sur une nouvelle Constitution qui va renforcer nettement son rôle à la tête de la Tunisie, le président Kais Saied exerce le pouvoir de manière de plus en plus solitaire depuis son coup de force il y a un an.
Crâne dégarni, silhouette longiligne, cet ancien professeur assistant de droit constitutionnel élu en 2019 sous le slogan "Le peuple veut" compte sur sa popularité encore solide pour faire passer le texte.
Agé de 64 ans, M. Saied considère sa refonte de la Constitution comme le prolongement de la "correction de cap" engagée le 25 juillet 2021 quand, arguant de blocages politico-économiques, il a limogé son Premier ministre et gelé le Parlement (dissous en mars dernier).
La nouvelle Loi fondamentale accorde au président de larges pouvoirs, rétablissant un système ultra-présidentiel similaire aux règnes de Bourguiba (1957-1987) et Ben Ali (1987-2011), en affaiblissant le rôle du Parlement.
S'inspirant du général De Gaulle, du panarabisme des années 1960 d'un Nasser ou Kadhafi, du régime iranien ou encore de Sissi, Erdogan ou Poutine, son projet reste flou, selon des experts.
Président au rôle limité à la diplomatie et la défense, il a changé d'envergure il y a un an, devenant le seul détenteur des rênes du pays. Au fil des mois, son isolement s'est accru avec le départ de nombreux conseillers parmi lesquels sa cheffe de cabinet Nadia Akacha.
Décrit pendant la campagne de 2019 comme un homme affable, prenant des nouvelles de la famille du serveur de son café préféré, il a paru s'enfermer dans la tour d'ivoire du Palais présidentiel de Carthage.
L'anthropologue Youssef Seddik, qui l'a rencontré avant son élection, dit avoir été à l'époque "frappé par sa gentillesse et son sens de l'écoute" qui "contrastent aujourd'hui avec sa raideur, la rigidité de son discours en arabe classique" que beaucoup de Tunisiens ne maîtrisent pas.
"Indécis"
Selon M. Seddik, le président a tendance à choisir des collaborateurs "dans l'empressement ou l'improvisation". Et quand ils le déçoivent ou trahissent, il laisse leur poste vacant ou nomme "une personnalité effacée et sans consistance".
"Comme tous les indécis, il tourne autour du pot avant de décider brutalement, sans jamais se raviser", même en cas d'erreur, analyse M. Seddik.
Il prend des accents patriotiques pour fustiger toute "ingérence étrangère" et n'hésite pas à tancer les institutions internationales ou les ONG quand elles déplorent l'élimination des contre-pouvoirs.
Dans ses discours au ton monocorde avec des pointes colériques, il se revendique du "peuple", surfant sur la rage des Tunisiens envers les partis politiques, en premier lieu la formation d'inspiration islamiste, Ennahdha, sa cible favorite qu'il ne nomme toutefois jamais.
Pour le politologue Hamadi Redissi, c'est "un populiste: beaucoup de jeunes, de marginaux, d'exclus sont de son côté".
Sa réputation d'"homme intègre" en a fait une "bouée de sauvetage" face à la corruption généralisée depuis la Révolution de 2011, à la détérioration du pouvoir d'achat et à la montée du chômage.
Conservateur sur les mœurs (notamment l'homosexualité), il se veut révolutionnaire en politique et défend une "démocratie de la base", censée aider au développement des zones reculées du pays.
Kais Saied s'est fait connaître à partir de 2011 quand il est apparu dans des émissions TV et s'est adressé à la foule devant la Casbah, siège du gouvernement, pour décrypter les fondamentaux du droit constitutionnel.
Il a d'ailleurs enseigné cette matière jusqu'à sa retraite en 2018. Mais son élection triomphale l'année suivante a surpris alors qu'il faisait figure d'outsider.
Aujourd'hui, son étoile a pâli en raison de la crise économique. Même si en face, ses opposants mobilisent au maximum quelques dizaines de milliers de personnes.
Il gouverne avec une équipe restreinte de conseillers méconnus.
Le chef de l'Etat n'a pas de compte sur les réseaux sociaux mais est soutenu par une vingtaine de sites ou pages internet où ses partisans "aiment" tous ses faits et gestes comme un gourou.
Il n'a donné aucune véritable interview depuis un an. La communication de la présidence se limite à diffuser des vidéos où, en strict costume-cravate, il est le seul à s'exprimer.
Issu de la classe moyenne, M. Saied est marié à la magistrate Ichraf Chbil et père de deux filles et d'un garçon.
Il aime la musique arabe classique et la calligraphie et rédige les décrets et messages importants à l'encre et la plume.