Ce que cherche l'Algérie dans le Rif marocain - Par Bilal Talidi

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Alger se leurre si elle croit retrouver dans le Rif une Kabylie marocaine. Le discours d'Ajdir, qui a posé les bases de la réconciliation linguistique, culturelle et historique, les visites répétées du roi Mohammed VI dans la région, et les projets lancés ont transformé la région, levé son isolement et doté ses habitants d'infrastructures comparables à ceux des autres grandes villes marocaines.  

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Samedi dernier, l'Algérie a organisé ce qu'elle a appelé la "Première édition des Journées du Rif", en invitant ceux qu'elle considère comme des "activistes du Rif", porteurs d'une vision séparatiste prônant la séparation du Rif du Maroc. Ce geste provocateur dévoile une partie des enjeux de l'Algérie contre l'unité et la souveraineté du territoire national marocain.

Beaucoup pensent que cette démarche est une réaction aux défaites diplomatiques répétées de l'Algérie dans le dossier du Sahara, après que le Maroc ait obtenu un changement de position des États-Unis, de l'Espagne et de la France en faveur de la souveraineté nationale sur le Sahara. Ces pays considérant par ailleurs l'initiative marocaine d'autonomie comme une solution réaliste et crédible au conflit.

Alger signe son échec

En réalité, l'Algérie a ressenti depuis au moins quatre ans un déséquilibre des forces dans la question du Sahara, en faveur du Maroc. Elle est désormais perçue par le Conseil de sécurité comme un acteur clé dans ce conflit, tenue de participer aux tables rondes et de cesser d'entraver un accord entre les parties. Au cours des deux dernières années, après la décision de plusieurs grandes puissances d'investir dans les provinces sahariennes, l'Algérie a compris que le dossier évolue vers une résolution dans le cadre de la souveraineté marocaine. Cela l'a poussée à changer de stratégie et à miser sur une autre carte pour renforcer sa pression sur le dossier du Sahara.

De ce fait le recours de l'Algérie à la carte du Rif signe son échec dans le dossier du Sahara et un changement de manœuvre pour activer un autre dossier, principalement basé sur des considérations ethniques et culturelles. Ce pari vise à exploiter des revendications linguistiques, culturelles et politiques que la nouvelle ère avait pourtant apaisées par une réconciliation historique clairement exprimée dans le discours d’Ajdir, et traduite par des projets tels que le programme "Manarat Al Moutawassit" (Phare de la Méditerranée), qui a désenclavé Al Hoceïma et doté la région d'infrastructures modernes et de services éducatifs, sanitaires et sportifs comparables à ceux des grandes villes marocaines.

L’essor d’une région sous Mohammed VI

Mais l'Algérie semble croire que la carte du Rif est facile et influente, capable de produire rapidement des résultats et de provoquer des divisions internes sur des bases linguistiques, historiques et politiques. Cependant, elle se trompe sur au moins quatre points :  

Premièrement, la question du Rif n'a plus sa place sous le règne de Mohammed VI. Depuis le discours d'Ajdir, qui a posé les bases de la réconciliation linguistique, culturelle et historique avec la région du Rif, les discours de division et les velléités séparatistes ont reculé. Les sensibilités ethniques n'ont plus d'impact, même dans les milieux universitaires.  

Deuxièmement, les visites répétées du roi Mohammed VI dans la région du Rif, notamment à Al Hoceïma et Nador, et les grands projets mis en œuvre dans ces villes (projet Marchica et Manarat Al Moutawassit), ont transformé la région, levé son isolement et doté ses habitants d'infrastructures et de services éducatifs, sanitaires et sportifs comparables à ceux des autres grandes villes marocaines.  

Troisièmement, le contexte géopolitique rend les plans algériens dans le Rif difficiles. Contrairement au Sahara, où l'Algérie partage des frontières et profite d’une neutralité mauritanienne ambigüe mauritanien, aucun des deux pays n'a de frontières avec le Rif permettant à l'Algérie d'intervenir directement. De plus, il n'existe aucun litige juridique ou politique entre la région du Rif et l'État central marocain.  

Quatrièmement, la carte du Rif ne bénéficie d'aucun soutien international. Avec le soutien croissant de l'Occident au Maroc et ses relations solides avec l'Espagne et la France, aucun pays, pas même les Pays-Bas ou la Suède, traditionnellement en faveur des ethnies locales, n'oserait soutenir une telle cause au détriment de leurs intérêts stratégiques avec le Maroc.

Une stratégie foireuse

Ces éléments poussent à croire que l'Algérie, en essayant de jouer la carte du Rif, n'exprime pas seulement son échec dans le dossier du Sahara, mais aussi sa crainte que le Maroc ne passe à une étape suivante : revendiquer ses droits légitimes sur le Sahara oriental. Ce dossier, sur lequel le Maroc détient des preuves juridiques et historiques solides, pourrait être renforcé par des documents sensibles détenus par la France, qui a historiquement accordé des droits à l'Algérie au Sahara oriental au détriment de la souveraineté marocaine.

L'Algérie redoute l'évolution des relations maroco-françaises et craint en particulier que Paris ne fournisse au Maroc des documents sensibles renforçant non seulement la souveraineté marocaine sur le Sahara, mais prouvant aussi ses droits sur le Sahara oriental.

En réalité, l'Algérie croit intelligent d’adopter une démarche préventive pour trouver un équilibre au moment où le Maroc clôturera le dossier du Sahara et se tournera vers la question du Sahara oriental. À cette étape, l'Algérie aimerait bien avoir la carte du Rif comme contrepoids.

C’est toutefois une vue de l’esprit tant il facile pour Rabat de neutraliser la stratégie foireuse d’Alger, le Maroc n’ayant qu’à poursuivre son développement dans la région du Rif ; accélérer la mise en œuvre de la reconnaissance officielle de l'amazigh ;  généraliser l'enseignement de l'amazigh à tous les niveaux ;  résoudre la question des détenus du Hirak du Rif et les intégrer dans leur environnement et renforcer le processus démocratique pour réduire l'impact des activistes ayant alimenté les tensions sociales dans la région.

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