Des Ages et des hommages - Par Seddik MAANINOU

5437685854_d630fceaff_b-

Au centre, Ratiba sekkat, première femme notaire au Maroc, à sa droite Asmae Khaoulani Hassani, présidente de Conseil régional des notaires de Fès, Sefrou et Taza et sa gauche Seddik Mâaninou

1
Partager :

 

Décisions douloureuses – Par Seddik Maâninou

En l’espace d’une semaine, j’ai assisté à trois cérémonies d’hommage à des femmes et des hommes de divers horizons. L’émoi, fidèle compagnon de ces circonstances, était présent, fait de gratitude pour les précieux services rendus par les personnes honorées, chacune dans son domaine. Lors de ces cérémonies enchantées par la musique, on leur a remis des écussons, des trophées, des bouquets de fleurs et produit à leur égard des témoignages de reconnaissance.

Hommages

Ces initiatives qui rendent hommage au lieu de prononcer des oraisons funèbre, sèment la joie et la gaieté au lieu de la tristesse, m’ont ravi. La reconnaissance des qualités et des efforts d’une personne honorée est un témoignage de respect et d’estime et une récompense morale pour ceux qui ont donné et se sont donnés sans compter.

De ces hommages, celui rendu à Casablanca à l’immense artiste Abdelwahhab Doukkali. J’en ai déjà rendu compte. J’ai également assisté à un hommage à plusieurs femmes dans une grande salle de Rabat à l’initiative de l’artiste Abdelali El Ghaoui et de l’association «Club des artistes marocains». Lors de cette soirée, j’ai été désigné, à sa demande, pour remettre un écusson à la petite-fille du dirigeant sahraoui Khatri Ould Said Joumani, lauréate de l’une des plus prestigieuses écoles françaises. Je ne fus pas insensible à cette demande-honneur, et mon émotion était visible au moment de lui remettre ce trophée en raison de ma relation privilégiée avec son défunt grand-père.

Sur invitation de Leila Bennis, présidente de l’Association Bouabate (Portails) Fès, j’ai assisté à une belle cérémonie en l’honneur de femmes qui se sont distinguées dans les domaines des affaires, de l’action caritative et de la recherche scientifique. La deuxième journée a été ponctuée par une performance spirituelle de la troupe Aissawa de Fès, dans le cadre d’une rencontre marquée par la préparation de «l’eau de rose» dans la pure tradition ancestrale et de confiseries et autres friandises particulièrement prisées pendant le mois de Ramadan.

Première notaire

Le hasard a voulu que je remette le trophée «Fes Gate» à Ratiba Sekkat, première femme notaire au Maroc. A l’époque, «l’accès à cette profession s’il était difficile aussi bien pour les femmes que pour les hommes, il était impossible pour nous», m’a-t-elle confié. Elle a expliqué que malgré ses multiples tentatives, elle était loin d’atteindre ses ambitions au vu des difficultés juridiques, administratives et religieuses, souvent abusives. Mis au courant, Hassan II a immédiatement tranché l’affaire via un Dahir portant nomination de Mme Skalli notaire. Ceci a ouvert une autoroute aux femmes désireuses d’exercer un métier dont le rapport avec celui des «adouls» a encore besoin d’être clarifié et suivi.

«Il existe, aujourd’hui au Maroc, plus de deux mille notaires femmes et hommes et l’accès à ce domaine est devenu moins pénible que par le passé», a-t-elle ajouté, précisant que sur cet effectif «près de 50% sont des femmes, soit plus de 900 femmes notaires».

Femmes et hommes

Il est toujours gratifiant de rendre hommage à des femmes et des hommes qui ont marqué leur profession et atteint le sommet par l’effort, leurs joies, leurs larmes et leur sueur. Mais il y a un âge pour tout, un âge pour le labeur et un âge pour le répit. Il y a aussi l’heure fatidique de céder la place à d’autres pour reprendre le flambeau.

Faudrait-il le dire ? De nos jours, des hommages sont rendus à des jeunes en début de parcours. Un louable geste qui comporte toutefois le grand risque de ne pas les inciter à la persévérance. Les honorer à peine se sont-ils mis debout pourrait refroidir précocement leurs ardeurs, étouffer dans l’œuf leur penchant vers l’excellence et nourrir en eux le démon insidieux de la vanité. Sans doute serait-il plus judicieux de gratifier de semblables honneurs ceux et celles qui, après avoir passé une vie à s’investir dans leurs missions, négocient le virage de l’ultime voyage. Penser aussi à toutes les catégories, sans que l’hommage soit l’exclusif d’une élite savante, satisfaite et comblée !  

L’âge le plus vil

Plus d’une quarantaine de fois et dans différentes villes du Royaume, on a organisé en mon honneur des cérémonies et des témoignages qui ont fait bien mieux que me réjouir. Ils m’ont signifié que ma vie n’a pas été inutile. Ils m’ont rappelé un passé pas toujours nécessairement radieux ni perpétuellement étincelant. Mais qui est là, intense et riche de ses évènements et de ses souvenirs qui me permettent de poursuivre mon petit bonhomme de chemin dans une mémoire forcément nostalgique, mais que je ne peux ni regretter ni en rougir. Les témoignages, les sourires, les mots de ceux qui m’ont ainsi honoré ne m’ont pas seulement mis du baume au cœur, mais ont été autant de miroirs qui m’ont renvoyé une image, du moins je le crois, dont mes enfants et mes petits enfants pourront être fiers. 

Ceci étant, je ne peux m’empêcher de songer à d’autres collègues, des milieux de la création et des médias, qui nous quittent sur la pointe des pieds dans le silence des ténèbres sans que personne ne leur prête attention, sans qu’aucun ne prenne le temps de leur dire combien il apprécie à sa juste valeur leur immense contribution. Certains, au plus vil des âges, sont passés à l’Ailleurs sans trouver de quoi se nourrir ou de quoi alléger les souffrances de la maladie. Je ne citerai pas de noms. Les fils de ces «tribus non-solidaires» les connaissaient bien de leur vivant pour n’accourir qu’à leur départ pour verser quelques larmes sans objet et pérorer des oraisons emphatiques à l’honneur d’une mémoire qui, là où elle est désormais, n’en n’a aucun besoin. Une indifférence à soigner. 

lire aussi