La leçon de la contestation à Fnideq

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Les manifestations de Fnideq

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Les manifestations de Fnideq ne pouvaient qu’être prévisibles si l’on garde à l’esprit l’arrêt, depuis une année et demie, de la contrebande de subsistance avec Sebta. La situation sociale dans la ville a connu un surcroît de détérioration lorsque même ceux qui, détenteurs de contrats de travail en bonne et due forme à Sebta, résidant à Fnideq et se rendant quotidiennement dans la ville occupée, n’y avaient plus accès. 

L’autorité est la première à devoir prévoir pareille secousse sociale. Pour la simple raison que c’est d’abord son rôle et qu’ensuite elle est en possession de toutes les données sur la précarité de la situation matérielle de la population.

Certes, la politique de l’Etat, auquel il incombe de préserver l’intérêt supérieur, a été habile et éclairée dans sa façon de juguler la contrebande de survivance préjudiciable à l’économie nationale. Il a ainsi, en prenant le temps qu’il faut, atteint cet objectif sans aucune friction avec l’Espagne de nature à troubler les relations entre le deux pays.  

Mais le travail sur ce volet et de cette manière n’a pas été assorti de la mise en place d’une alternative économique à même d’absorber l’important volume des personnes qui ont souffert de l’arrêt du flux contrebandier qui ne touche pas seulement  Fnideq, mais s’étend à Tétouan, Nador et Al Hoceima, voire à Oujda, Bni Drar, Ahfir et Saaidaia.

Personne ne veut que se reproduise ici la spirale contestataire qu’a connue le Rif : Une contestation revendicative que l’on traite autoritairement, à laquelle on repère des meneurs derrière lesquels on cherche des parties étrangères, réelles ou imaginaires et ainsi de suite. Ce procédé ne fait que procurer à une action revendicative une dimension politique qu’elle n’a pas forcément au départ et dont le plafond des doléances finit par transcender le social pour s’attacher à d’autres desseins. 

L’autorité est fondée de chercher la part de responsabilité d’organisations précises dans le déclenchement de la contestation. Cela fait partie de ses compétences et relève de ses missions sécuritaires. Mais relier les manifestations à ces organisations de manière à suggérer que sans ces dernières la contestation n’aurait pas eu lieu est un procédé erroné. De même que l’arrestation de membres de ces organisations est une erreur. 

L’alternative appropriée à ces démarches consiste à prendre pour axiome que les conditions nécessaires à la stabilité sociale à Fnideq ne sont plus réunies. La stabilité actuelle ne s’explique que par l’endurance et la patience des familles et leur ardent souhait de voir l’autorité saisir le message et entamer la mise en œuvre d’une réponse socio-économique à leur situation. 

La prise en compte de ce postulat signifie l’arrêt des pressions sur les élites politiques et les composantes de la société civile de la ville. Elle appelle aussi l’ouverture d’un dialogue sérieux avec les représentants sans exclusif de la population en vue de les convaincre de la nécessité d’un travail en commun pour la recherche de solutions économiques, fussent-elles transitoires, à cette région. Cette voie est le seul moyen, non pas d’absoudre, mais de neutraliser les composantes et les organisations qui n’ont pas intérêt à ce que des remèdes soient trouvés. Elle est aussi le meilleur moyen d’anticiper et de garrotter d’éventuelles interférences étrangères. 

La région de Fnideq est géographiquement et politiquement sensible. Elle l’est d’autant plus que dans le contexte actuel l’Espagne est à la quête de moyens de pression sur le Maroc et de perturbation de sa stratégie de consolidation économique et de renforcement de ses positions dans le conflit du Sahara. 

L’attitude la plus appropriée, la plus productive aussi en ce moment est de laisser de coté le choix de l’escalade, y compris l’inculpation de membres d’organisations que l’autorité considère comme responsables de la contestation. Car Il est urgent de ne pas reproduire à Fnideq une autre Al Hoceima. 

Sans doute, la structure sociologique de la ville et le tempérament politique de ses habitants sont totalement différents du chef-lieu du Rif. A Fnideq, c’est le conservatisme, dans ses dimensions politique et religieuse, qui prédomine. Mais quand c’est la survivance qui est en jeu, tout peut changer et prêter le flanc à toute sorte de manipulations. Les menaces ne se feront alors que plus pressantes, notamment si l’on prend en considération la position frontalière de la ville et la prépondérance de la jeunesse dans sa population .