International
Terroriste, c’est le nom commun de toute l’humanité… Par Samir Belahsen
Craig Mokhiber, directeur démissionnaire du bureau new-yorkais du Haut-commissariat aux droits de l’homme
« Une fois de plus, un génocide se déploie sous nos yeux et l’organisation que nous servons est incapable de l’arrêter »
Craig Mokhiber - (ex-directeur du bureau new-yorkais du
Haut-commissariat aux droits de l’homme)
“La honte a mauvaise mémoire.”
Gabriel Garcia Marquez / La Mala Hora
Si je devais trouver un titre à la lettre de démission du haut-commissariat aux droits de l’homme, Craig Mokhiber, j’aurais mis : J’accuse…
C’est le titre de l’article rédigé par Émile Zola au cours de l'affaire Dreyfus et publié dans le journal L'Aurore du 13 janvier 1898 sous la forme d'une lettre ouverte au président de la République française, Félix Faure pour dénoncer la machination contre Alfred Dreyfus...
Même si Zola a été condamné pour cet article, il reste que son engagement sans faille et avec art a contribué à faire éclater la vérité. Ce texte a une valeur de symbole du pouvoir de la presse au service des hommes et de la vérité.
Graig Mokhiber, lui, qualifie dans sa lettre de démission les puissances occidentales non seulement de complices, mais d’architectes du « projet ethno-nationaliste » et du « colonialisme d’occupation » imposés à la Palestine depuis1948.
Il explique : « Non seulement ces gouvernements ne remplissent pas leur obligation d’assurer le respect des principes des Conventions de Genève, mais ils arment activement l’assaut en cours en offrant un soutien économique et stratégique et en accordant une caution diplomatique et politique aux atrocités perpétrées par Israël».
Ça lui a valu un torrent de critiques, d’insultes et d’accusation d’antisémitisme sur les réseaux sociaux.
Il y a plus de 3600 enfants palestiniens tués depuis le 7 octobre, selon le ministère de la Santé de Gaza.
Gaza est devenue « tombeau pour les enfants et un enfer pour tous les autres », selon l’UNICEF.
On le savait avant, maintenant on le sait plus, les alliés occidentaux d’Israël cautionnent sans aucune limite.
L’impérialisme occidental mène au génocide et à la honte durable. Sans états d’âme, sans remords. Plus tard, bien plus tard, ils consentiront, peut-être, à une repentance déteinte. Comme celle du Roi du Royaume Uni en visite il y a quelques jours au Kenya pour le massacre des Mau Mau il y a trois quarts de siècles. Ou celle, tout aussi récente, du Chancelier allemand Olaf Sc
holz en Tanzanie. Mais si l’on s’amuse rien qu’à citer les génocides menés par l’Occident, cet article n’y suffira pas.
Restons en Palestine et dans l’actualité brûlante.
Beaucoup d’occidentaux reprennent l’argument répété à longueur de journée par leurs médias et leurs responsables, du droit « d’Israël de se défendre ».
Henry Laurens note que pour l’Occident, il est impensable que les Palestiniens puissent eux aussi avoir le droit de se défendre.
Pour lui il s’agit d’un aveu d’échec de plus du projet sioniste, dans la mesure où l’État d’Israël a été fondé pour assurer la sécurité des Juifs après l’Holocauste.
« Nous revivons d’abord 1948, l’année même où Israël a conquis cette région qui a concentré les massacres du 7 octobre dernier, cette zone où, il y a 75 ans, la totalité des habitants ont été expulsés vers ce qui est alors devenu la bande de Gaza. Cela n’excuse pas les atrocités, mais il faut avoir conscience que ceux qui ont attaqué sont des descendants des expulsés de 1948. C’est aussi un effet retour de 1967. »
Il rappelle qu’après l’occupation de 1967 « les combattants de la bande de Gaza n’étaient pas des islamistes. Ils étaient menés par la gauche, des marxistes-léninistes. Et la répression était déjà très dure avec beaucoup de destructions, en particulier sous Ariel Sharon. Les islamistes ne sont venus que bien plus tard, en 1987, lors de la première intifada ».
J’ajouterais que ce n’est pas « l’islamisme » du Hamas qui lui permet d’avoir l’adhésion des populations, c’est son choix de la résistance en l’absence de tout horizon pour la paix. Pour bien comprendre que la tentative de diabolisation du Hamas par daeshisation est vouée à l’échec dans le monde Arabe. Hamas c’est d’abord le choix de la résistance à l’occupation. Faut-il le rappeler aussi : le qualificatif de terroriste ne convainc que ceux qui sont déjà convaincus d’avoir tous les droits. Terroriste, c’est le nom commun de toute l’humanité, chacun(e) à un moment ou un autre de l’histoire l’a porté. On est toujours le terroriste de quelqu’un. Ce quelqu’un est généralement l’injusticier.