Dans un court essai incisif, La corruption expliquée aux jeunes, Mohsin Berrada interpelle la jeunesse sur l’un des fléaux majeurs de nos sociétés : la corruption. Entre pédagogie, réflexion éthique et appel à l’engagement, l’auteur propose une démarche éducative forte, ancrée dans une philosophie de responsabilité individuelle et collective. Une lecture essentielle pour semer les graines du changement. Une lecture de Samir Belahsen.

« La perversion de la cité commence par la fraude des mots. »

Platon

« …la corruption représente en elle-même un changement d’identité, une rupture avec les liens qui nous unissent, tels que l’amour de la patrie. »

Mohsin Berrada

Dans une précédente chronique sur ces colonnes, j’avais abordé le thème de la corruption en choisissant comme lecture « alibi » l’ouvrage de Françoise Dreyfus, sociologue Française.

 Lire aussi : Corruption, entre science et fiction : une plongée sociologique et littéraire avec Françoise Dreyfus - Par Samir Belahsen

Mohsin Berrada, lui, est un praticien marocain de la lutte contre la corruption, il est titulaire d’un Doctorate in Business Administration et il a une expertise de la prévention et de la détection de la fraude en milieu professionnel.

Le Livre 

"La corruption expliquée aux jeunes" de Mohsin Berrada est un court essai publié à ce jour en trois langues (Arabe, Français et Espagnol), une œuvre concise destinée à sensibiliser les jeunes « dépositaires de la société de demain » à la corruption.

Le livre est conçu comme un outil d'explication et de compréhension de ce phénomène complexe, abordant ses causes, ses conséquences et ses différentes manifestations. Il vise à informer, à convaincre et à éduquer la jeunesse sur un sujet d'actualité et de préoccupation sociale importante.

Devant le développement de ce cancer qui gangrène le climat social de nombreux pays à travers le monde, l’auteur pose deux questions :

« Est-il annonciateur d’une mort lente des sociétés, résultant de l’inertie des organes de contrôle et de l’incapacité des acteurs à intégrer la lutte contre la corruption comme stratégie de développement ? Y a-t-il des rivalités occultes qui favorisent l’expansion de la corruption et entravent toute promotion d’une délicatesse morale ? »

La pléonexie : une agressivité destructrice

La pléonexie est un concept exploré par Dany-Robert Dufour pour décrire le « Vouloir posséder plus », cet appétit démesuré pour l’argent par tout moyen et le plus rapidement, caractérise nos sociétés selon l’auteur qui introduit un autre concept : la « mangeocratie ».

La « mangeocratie »

Il définit la mangeocratie comme l’acte égotiste par lequel l’acteur infracteur applique la politique du ventre, se remplissant les poches sans se soucier de l’intérêt commun.

Il explique : « Certains acteurs administratifs et politiques élus ou nommés, accordent des passe-droits à eux-mêmes se montrant réticents à promouvoir la transparence de leurs activités. Ils se sont constitués en une élite vorace, obsédée par l’argent, et sont devenus, en toute impunité des milliardaires… ». Ils finissent par développer l’hybris, le culte du moi, un orgueil démesuré dévastateur…

Pour une culture éthique :

Dans ces préconisations pour une culture éthique, l’auteur appelle à l’introduction de l’enseignement de l’éthique dans les programmes scolaires et universitaires. L’éthique est l’essence de l’Homme.

Il appelle à un retour aux valeurs fondatrices de la relation entre les individus, les institutions et la société : fiabilité, honnêteté, intégrité, transparence, respect des droits, reddition des comptes, citoyenneté…

Le leadership éthique :

Pour Mohsin Berrada, le leadership éthique est une exigence fondamentale pour la pérennité des institutions.

Son message aux jeunes est un appel à l’action :

• Ne sois pas indifférent : tu es concerné dans cette lutte.
• Bannis le vote vénal : ne te disculpe pas !
• Ne t’aliène pas ! Ne te soumets pas à des règles extérieures ! trouve-les en toi-même !
• Régule ton agir ! Sois éthique !
• Ne te laisse pas aveugler par la réalité !
• Aie le courage de tes certitudes, ne détourne pas le regard
• Ne reporte pas ta réaction !

 Sartre le devoir d’engagement :

Pour Jean-Paul Sartre, le devoir d'engagement est une condition inévitable et fondamentale de l'existence humaine, liée à sa liberté ontologique. « Nous sommes condamnés à l’engagement de la même façon que nous sommes condamnés à être libres ». L'homme est toujours déjà engagé, qu'il le veuille ou non. Refuser de choisir est en soi un choix et donc un engagement.

L’individu doit assumer sa responsabilité face à ses choix dans ce contexte donné. Ce qui exclut la neutralité : personne ne peut prétendre être en dehors du monde ou neutre face aux enjeux humains et sociaux.

Pour Sartre, l’engagement est une éthique pratique, qui lie pensée et action dans la transformation du monde.

Stéphane Hessel publiait en 2010 « Indignez-vous ! ». Cet opuscule était d’abord un appel à l'engagement des citoyens à faire de ce monde un endroit meilleur. Il proclamait que l'indignation est le ferment de l’« esprit de résistance ».

Mohsin Berrada n’appelle pas seulement « Indignez-vous contre la corruption ! », il appelle à lutter contre, en commençant par soi-même.