chroniques
Ô toi, Conscience universelle des humains…
L’enfant dans son linceul qu’Israël a tenté de faire passer pour une poupée
Texte traduit de l’arabe
A l’instant où tu tends la main pour éteindre la veilleuse sur ta table de nuit
Ou que tu t'apprêtes, sur le seuil, à quitter ta demeure,
Ou que tes pas te guident vers ton labeur quotidien,
Ou dans l'attente sereine d’un bus ou d'un taxi,
Lorsque les allées du marché te réclament sur leur chemin,
Ou lorsque, solitaire, tu prends la route au volant,
Qui te portera vers le cœur de la vie, de l'infini,
Pour rejoindre des instants sertis de rêves,
Te chuchotant que chaque moment est précieux, chaque instant une éternité,
Ou simplement, quand tu succombes aux douces évasions qu'offre la nuit qui descend,
Ou que ton esprit se perd dans les pages d’un livre,
Incrusté dans le silence feutré des bibliothèques enchantées,
Ou assis, tu observes le monde depuis le café d'à côté,
Ou que t’accueille un fauteuil moelleux dans le clair-obscur du cinéma du quartier,
Ou, à travers les écrans, tu éclaires le monde de ta pensée,
Pour convaincre tes détracteurs et toucher cœurs et esprits,
Enoncer des vérités qui résonnent aux oreilles du monde entier,
Quand se pressent contre toi tes propres enfants, angoissés par une piqûre d’insecte,
N'oublie pas la Palestine, mère généreuse d’AlQods, Ghazza, Ramallah, Jenine, Naplouse, Tolkarem et Jéricho,
Garde en mémoire, alors que nous cheminons dans ce début du troisième millénaire,
Les 2.500.000 âmes, palestiniennes, prisonnières d'un ciel sans horizon,
Rappelle-toi que sur ces 41 km2, il y a une terre nommée « Ghazza ».
Imagine ces millions aux rêves brisés par les bombes, les fracas et les poussières fatales,
Plusieurs de sous les décombres ne retrouveront jamais le chemin de l'éveil.
Et le regard de ces femmes cherchant en vain un abri pour leur intimité,
Sans eau pour épancher leur soif,
Sans lumière pour éclairer leur nuit
Sans feu pour le repas des petits, arrachés aux griffes de la mort,
Pour quelques jours encore,
Éparpillés sur l’asphalte des rues, témoins silencieux de la tragédie,
Pense à ces enfants, troquant leurs jeux innocents contre le glacial brulant des éclats d'acier,
S’habituant au souffle des bombes et au souffre de l'air alourdi de fumée,
Portant le poids de leurs maigres biens, le regard perdu,
Errant, sans savoir où aller, sans terre promise que la frayeur des abris et le tonnerre des obus,
As-tu vu leurs dépouilles graciles, étendues dans le silence du néant programmé ?
Marquées de noirceur et baignées de sang
Avec pour linceul une musique d’hululements de sirènes,
Imagine qu'ils vivent, s’ils vivent,
Sans la lueur d'une veilleuse,
Sans table de nuit
Sans sommeil,
Sans un toit,
Sana abri,
Sans école,
Sans biens,
Sans bus,
Sans voiture,
Sans la promesse d'un matin,
Sans le repos d'un soir,
Sans identité, sans papiers,
Sans la richesse des livres,
Sans le refuge des bibliothèques,
Sans le réconfort d'un fauteuil,
Sans la magie d'une salle obscure,
Sans la grâce d'un théâtre,
Sans le répit d'un café.
Imagine l'effort surhumain simplement pour survivre,
La douleur et l'abandon qui les consument,
Avant que la détresse ne se transforme en colère ardente, inextinguible, ô combien légitime
Portant l'écho des souffrances de leurs aînés, en héritage acharné
Et toi, tu sais,
Toi, la conscience universelle éveillée
Tu sais, depuis l'aube de cette tragédie, que les Palestiniens n'ont jamais empiété sur les droits d'autrui,
N'ont jamais dépouillé personne.
Depuis toujours, n'ont défendu que le droit à vivre sur leur terre.
Tu sais qu'ils ont été déportés de leur patrie,
Qu'ils ont été contraints à la résistance armée.
Puis vinrent les tentatives de paix avortées,
Et une nouvelle génération de Palestiniens est née,
Armée de son courage et de ses mains nues,
Une génération qui a défié l'oppression, armée de pneus fumants et de pierres d’argile.
Tu sais que, face à l'adversité, les Palestiniens ont aspiré à la paix, même parsemée de pièges et d'épines,
Ont choisi la coexistence et la paix.
Tu es bien au courant des nombreuses résolutions prises par la communauté internationale,
Résolutions qu’Israël a toujours piétinées avant même que l'encre ne les ait imprégnées,
Avec le soutien de ceux qui ont bercé sa création,
Condamnant les Palestiniens aux orties et la Palestine à l’oubli,
Jusqu’à ce fatidique 7 octobre, qui prit le monde de court et à témoin, de l'offensive en temps réel du Hamas et de la riposte d'Israël,
Souviens- toi,
En attendant que la lumière soit faite sur les événements étalés aux yeux du monde, qu’il est incontestable que rien ne peut justifier l’injustifiable : les actes de cruauté ou de viol ou de profanation ou de mutilation envers quiconque : Israéliens, Palestiniens ou de toute autre nation, N'est-ce pas là le bon sens et l’élémentaire respect des droits des humains ?
Souviens-toi, toi la conscience collective du monde...
Souviens-toi de Yasser Arafat, à la tribune des Nations Unies en ce 13 novembre 1974, brandissant le rameau d'olivier pour une paix juste et durable, invitant Israël à celle des braves…
"Ne laissez pas le rameau d’olivier tomber de ma main !"
Te souviens-tu du moment où Arafat, avec assurance, tendait la main à Rabin sous les regards du monde entier, alors que la paix semblait si proche ?
Te souviens-tu du geste réciproque de Rabin envers Arafat, avant sa mort tragique sous les balles de l’un des siens, ennemis de la paix ?
Pourquoi ce silence strident lorsque Israël a brisé l'espoir et incinéré l’arbre verdoyant de la paix ?
Et pourquoi aujourd’hui tant de bruit et si dur pour toi de hurler la vérité, quand La Palestine, a ouvert ses bras à Israël – pourtant entité toute nouvelle - en dote de la paix… ?
Un jour viendra où l’on pleurera toutes ces occasions perdues
N’as-tu pas senti le monde palper là où bat son cœur ?
N'as-tu pas ressenti son effroi et ses peurs ?
N’as-tu pas encore saisi que la lâcheté de dire la justice est, en soi, l’injustice ?
Toi, la Conscience universelle, aujourd’hui plus qu’hier, ton cri est de partout attendu,
Pour dire haut et fort NON à la descente – programmée - aux enfers,
NON aux tyrans de notre époque et à ceux qui les couvrent,
OUI à une paix juste, équitable, qui perdure,
Ici et maintenant,
Avant qu’on n’ait plus que les yeux pour pleurer,
S’il nous restait encore des larmes,
Une fois le seuil de l’abîme franchi,
Où nous n’aurons plus que la Prière des morts,
La prière de l’absent,
Pour pleurer la paix,
Et regretter l’avenir
Salah El-Ouadie
30 octobre 2023