Culture
Entre mémoire et dialogue : quand l’art célèbre les ponts culturels et patrimoniaux

Natif de Tétouan et résident en France, Chadli offre un regard sensible et profondément ancré sur des villes comme Chefchaouen, Ouezzane, Tétouan ou Assilah
Du cœur d’Azemmour aux ruelles de Tanger, le Maroc met à l’honneur ses liens historiques et artistiques. Deux événements — le festival "Sept Soleils, Sept Lunes" et l’exposition photographique de Simohamed Chadli — révèlent la richesse d’un héritage partagé avec le Portugal et l’engagement d’artistes à documenter un pays en perpétuelle mutation.
Azemmour : une fresque des relations maroco-portugaises
La 33e édition du festival "Sept Soleils, Sept Lunes", lancée à Azemmour, a été l’occasion de revisiter les liens anciens entre le Maroc et le Portugal à travers l’art. Organisé en partenariat avec l’Association provinciale des affaires culturelles d’El Jadida, l’événement s’est ouvert dans la maison patrimoniale Dar Sanaa, dans le quartier portugais, avec un spectacle mêlant musique, performances visuelles et créations artistiques croisées.
Ce festival, qui célèbre aussi le 250e anniversaire du traité de paix entre les deux pays, a vu la participation de vingt artistes plasticiens marocains et portugais. Ensemble, ils ont conçu une grande fresque murale illustrant la richesse du dialogue interculturel et la vitalité d’une coopération artistique continue.
Marco Abandans, directeur du festival, a rappelé l’importance de faire vivre la musique populaire méditerranéenne et lusophone, tandis qu’Abdellatif Baidouri a mis l’accent sur la diversité du programme : concerts, ateliers de gastronomie portugaise, animations scolaires… Une édition qui reflète la mission première du festival : bâtir des ponts par l’art et rapprocher les cultures.
Tanger : Simohamed Chadli et l’hommage visuel au patrimoine du Nord
À Tanger, une autre forme de dialogue s’est instaurée, cette fois avec la mémoire des lieux et des paysages du Nord marocain. À la galerie Mohamed Drissi, le photographe Simohamed Chadli a inauguré son exposition "Mon Maroc à moi – Épisode 1", composée de 87 clichés capturés entre 2000 et 2024, retraçant un quart de siècle de transformations patrimoniales, sociales et environnementales.
Natif de Tétouan et résident en France, Chadli offre un regard sensible et profondément ancré sur des villes comme Chefchaouen, Ouezzane, Tétouan ou Assilah. En abandonnant le noir et blanc pour une immersion dans la couleur, il parvient à restituer l’énergie des lieux et la vivacité des ambiances. Loin d’un simple exercice esthétique, sa démarche photographique s’apparente à une quête de mémoire vivante.
Pour Zhor Amhaouch, directrice régionale de la Culture, cette exposition consacre la photographie comme un art à part entière, capable de rivaliser avec les arts plastiques classiques. La galerie Mohamed Drissi devient ainsi, jusqu’au 25 mai, un espace d’exploration sensorielle et émotionnelle du patrimoine marocain du Nord.
Entre patrimoine partagé et regard intérieur : deux démarches, une même quête
Si les contextes diffèrent, les objectifs se rejoignent. Le festival "Sept Soleils, Sept Lunes" et l’exposition de Simohamed Chadli placent tous deux le patrimoine au cœur du dialogue artistique et citoyen. Le premier réaffirme l’importance de la coopération culturelle entre le Maroc et le Portugal, tandis que le second documente avec justesse l’évolution silencieuse des paysages marocains et leur charge symbolique.
Ces événements montrent que l’art, loin d’être une célébration figée, est un médium de transmission et de réflexion, un outil pour affirmer des identités plurielles, entre tradition et modernité. À Azemmour comme à Tanger, artistes et institutions posent une même question : comment continuer à raconter notre histoire, sans la figer, mais en la renouvelant à chaque regard, chaque note, chaque cliché ?