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Le rapport annuel de Bank al Maghrib pour 2020 et les défis futurs du Maroc - Par Abdeslam Seddiki
Le Roi Mohammed VI recevant au Palais Royal de Fès, le 31 juillet 2021, Abdellatif Jouahri, Wali Bank Al-Maghrib
Le rapport annuel de Bank al Maghrib pour 2020 vient d’être présenté le samedi 31 juillet devant SM Le Roi. Comme les rapports précédents, il traite de la situation économique, monétaire et financière du pays en abordant l’environnement international, et de l’activité annuelle de la Banque.
C’est l’un des rapports les plus importants publiés annuellement eu égard à l’autorité morale de l’institution qui le produit, à la rigueur scientifique qui le caractérise, à la régularité de sa publication et aux perspectives qu’il ouvre pour l’avenir. Il constitue, par conséquent, une source d’information privilégiée pour les différents intervenants et une référence bibliographique incontournable pour les chercheurs et les milieux académiques.
Comme on pouvait s’y attendre, la crise sanitaire oblige, le rapport a consacré de larges développements aux conséquences de la covid-19 et aux réponses apportées par les pouvoirs publics pour en atténuer l’ampleur. Le rapport a toutefois, évité de verser dans le pessimisme ambiant en faisant valoir les atouts dont dispose le pays pour traverser la crise actuelle avec le minimum de dégâts. Pour ce faire, il faut réunir les conditions de « transformer la crise en une véritable opportunité en vue de réamorcer un départ sur des bases plus saines et plus solides qui lui permettront d’enclencher un nouvel élan et de placer l’économie nationale sur un sentier de croissance forte, durable et inclusive ».
Ce qui veut dire que notre pays doit poursuivre et accélérer un certain nombre de réformes structurelles en cours et enclencher de nouvelles réformes. Ainsi, le rapport déplore le retard enregistré dans la mise en œuvre de la loi-cadre sur l’éducation puisque les décrets d’application tardent à voir le jour. Il en est de même du chantier de la régionalisation avancée qui trébuche en raison notamment du manque de ressources humaines de qualité. La réforme globale du secteur public, qui vient d’être entamée suite à l’adoption d’une loi cadre, doit être menée à son terme en améliorant notamment le mode de gestion et en étant plus exigeant en matière de reddition des comptes. La fragilité du tissu productif national a retenu l’attention du rapport : « Le renforcement de ce tissu requiert cependant la lutte contre un certain nombre de pratiques entravant le processus sain de destruction créatrice, avec des effets négatifs sur la compétitivité de l’économie nationale. Il s’agit principalement de la concurrence déloyale, de l’évasion fiscale, du manque de transparence et des subventions économiquement et socialement non rentables souvent transformées en véritables niches de rente », en insistant sur la lutte contre la corruption à travers la déclinaison des objectifs de la Stratégie Nationale en la matière. En outre, le rapport insiste sur l’adoption de la nouvelle charte d’investissement, la réforme du code du travail et l’adoption de la loi organique sur l’exercice du droit de grève.
Le dernier chantier sur lequel le rapport s’est longuement appesanti est relatif à la généralisation de la protection sociale lancé par le Souverain. « De par sa portée et ses effets prévus notamment sur les niveaux de vie, la cohésion sociale et l’intégration des activités informelles, il permettra au Maroc de réaliser un saut qualitatif en matière de développement humain mais également en termes de compétitivité et de croissance ».
Toutefois, son aboutissement reste, pour les autorités publiques et pour toutes les parties prenantes, un grand défi à relever, notamment au regard des moyens colossaux que sa mise en œuvre requiert. D’ailleurs, le rapport n’a pas manqué de soulever la problématique de financement compte tenu de l’état des finances publiques et du niveau préoccupant de l’endettement public.
Il s’agit donc de mobiliser des ressources supplémentaires pour financer ces projets sans recourir à la solution de facilité via l’endettement pour ne pas hypothéquer les intérêts des générations à venir. Ainsi, rien que pour l’année 2022, les besoins additionnels de financement qu’il convient de mobiliser sont estimés par le Ministre de l’Economie et des Finances à 21 MM DH ventilés comme suit : 8,4 MM pour la généralisation de l’AMO ; 6,5 MM dépenses du personnel ; 3,5 MM dépenses de compensation ; 1,8 MM en faveur de l’éducation et de la santé et 800 Millions pour le parachèvement de certains projets d’infrastructure en cours. Pour mobiliser ces sommes additionnelles, le Ministre propose quatre pistes : la rationalisation des dépenses y compris la réduction du train de vie de l’administration ; la mise à contribution du Fonds Mohamed VI pour l’Investissement ; l’instauration de nouvelles mesures fiscales affectées au financement de la généralisation de la protection sociale (à l’instar de ce qui a été fait pour l’année en cours) ; le recours aux financements innovants. (Cf l’exposé du Ministre devant les deux commissions parlementaires le 28 juillet portant sur l’exécution du budget 2021, la préparation du PLF pour 2022 et la présentation du cadre macro-économique pour la période 2022-2024). Pour revenir à la généralisation de la protection sociale, l’effort financier demandé pour les trois prochaines années est évalué à 50 MM DH !
Il va sans dire que les réformes structurelles sont nécessaires pour le pays. Certaines sont prévues depuis longtemps, mais elles n’arrivent pas à aboutir en raison des crispations qu’elles suscitent et des craintes qu’elles provoquent. Tel est le cas, entre autres, des réformes portant sur le régime des retraites, de la caisse de compensation, du code du travail. Ce sont des problématiques sensibles qui nécessitent des approches participatives et des concertations sociales à grande échelle afin de parvenir, pourquoi pas, à des consensus. C‘est dire l’enjeu des prochaines élections et l’importance du futur gouvernement qui en sera issu. C’est à juste titre que le Gouverneur de la Banque Centrale souligne la nécessité de « l’émergence d’une élite capable de mener de façon simultanée autant de projets d’envergure et qui doit être dotée du leadership indispensable pour assurer la cohérence et la coordination des chantiers à l’œuvre ». Le Maroc a besoin plus que jamais d’un gouvernement homogène, composé de compétences dévouées aux intérêts de la patrie et capable de mettre en œuvre les orientations stratégiques du Roi en tant que Chef de l’Etat.