économie
Modèle de développement : Pour un débat fécond
En réponse au discours Royal d’octobre 2018, appelant à un nouveau modèle de développement, l’association Damir a publié une contribution fort intéressante.
Les propositions sont cohérentes et concernent une économie solidaire, avec un renforcement des services publics, mais aussi des positions sur des questions sociétales allant dans le sens de l’égalité, de la promotion de la femme et de l’ouverture.
L’ADN de cette association est bien connu, c’est celui d’une gauche humaniste, attachée aux valeurs universelles et à une idée forte de l’égalité. C’est une sensibilité qui existe dans la société, à qui on doit plusieurs avancées et « Damir » exprime, d’excellente manière, les attentes de cette sensibilité.
Cependant, la société plurielle, décrite par l’opus de Damir, est composée d’autres sensibilités, l’une conservatrice et l’autre libérale. Ni l’une ni l’autre n’ont pour le moment dévoilé leur vision. L’on sait que d’autres associations, Anfass, notamment, ont planché sur le sujet et que la CGEM prépare un mémorandum, mais c’est tout. Ni le courant islamiste, ni les libéraux ne se sont exprimés jusqu’à maintenant, à l’exception du parti de l’Istiqlal qui a délivré succinctement sa Vision.
C’est fortement dommageable, parce qu’un nouveau modèle de développement doit être approprié par l’ensemble des citoyens. C’est un nouveau contrat social qui doit émerger. Cela ne peut se faire qu’à l’issue d’un débat fécond, serein, permettant de dégager des consensus larges sur des questions très diverses, allant du niveau de la protection sociale, à l’acceptabilité de l’impôt, en passant par les libertés individuelles. Sur toutes ces questions des divergences existent et doivent être exprimées, en vue de confronter les idées et d’arriver à des compromis avancés en sauvegardant la cohérence de l’ensemble.
La commission présidée par Chakib Benmoussa ne doit pas être perçue comme un think tank qui rédigera un projet sociétal pour la nation. Pour être performante, elle doit être irriguée par une multitude d’expressions de sensibilités sociales, assurer une forme de synthèse, de manière cohérente. Cela constituerait une difficulté supplémentaire que de la priver de ces expressions.
Un nouveau modèle de développement, ce n’est pas non plus un catalogue de mesures préconisées pour les politiques publiques. Il doit être l’objet d’un large consensus social pour en accélérer la réalisation. La condition première est que le débat s’enclenche, qu’il ne soit pas clivant et manichéen. Un tel projet ne peut se concevoir que s’il prend en compte les attentes de la jeunesse actuelle et future. Les jeunes marocains sont ouverts sur le reste du monde, connectés. Ils sont nécessairement impatients et expriment leurs revendications, parfois violemment. Le nouveau modèle de développement doit s’adresser en premier lieu à cette catégorie, pour répondre de manière évolutive à l’ensemble de ses aspirations.
Que la société civile, des ONG s’y engagent est un bon signe de vitalité sociale. Maintenant c’est à la classe politique de se pencher sur ces questions et le plus tôt sera le mieux.
A l’arrivée, nous devons avoir un corpus de choix forts, qui engagera le pays pour des décennies. Ce n’est pas une mince affaire et nous devons tous être attachés à la réussite de ce chantier national.