Télétravail, revenu minimum universel, droits humains, trois enseignements à retenir

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La crise sanitaire que nous vivons et qui nous a imposé un confinement quasi-général ne passera pas inaperçue. Elle laissera des traces profondes de par les bouleversements qu’elle a introduits dans notre mode de vie, notre rapport au temps, nos relations avec les autres. La crise, c’est connu, est un moment d’interrogations sur soi, sur l’autre, sur le présent et sur l’avenir. Un moment de remise en cause de certitudes  et d’idées reçues.

Nous avons appris au cours de cette période beaucoup de choses en si peu de temps. Nous avons pu prendre en quelques semaines des mesures qu’on avait du mal auparavant à envisager.  Et nous avons réalisé combien la vie est importante, combien la liberté humaine compte énormément et combien l’égoïsme et le chacun pour soi sont nuisibles. Ce sont là trois enseignements majeurs que l’on tirera de cette épreuve qui laissera des traces indélébiles.

Le premier enseignement porte sur le « télétravail » ou le travail à domicile. Cette pratique courante dans les pays développés, a pris un élan sans précédent pendant la période de confinement. A chaque fois que c’est possible, les gens se sont mis à travailler à partir de chez eux, en utilisant les instruments numériques.  On estime, en effet, que le travail à distance, concerne dans ces pays le tiers de la population active.  Tout indique qu’à l’avenir, sous l’impulsion du « capitalisme numérique »,   ce type de travail va se développer davantage pour concerner plusieurs domaines d’activité.  Si cette évolution constitue un progrès indéniable pour la société, elle pourrait également  être source d’une digression sociale   inquiétante.  Les progrès résident dans la réduction des coûts de production (estimés à 30%), la  réduction de la circulation et donc de l’émission du CO2, le décongestionnement  des  grandes agglomérations urbaines, le gain  du temps. Mais  comme tout phénomène social est contradictoire et toute médaille a son revers,  le travail à domicile, peut être vécu, notamment par les salariés, comme une double aliénation : celle  de voir le résultat de son travail lui échapper ; celle de se  retrouver dans l’isolement face à lui-même dans un espace qui est en même temps lieu de domicile et lieu de  travail. La vie privée se dissout dans la vie professionnelle. L’intime relève progressivement du public et l’inviolabilité du domicile n’aurait plus de sens.  Ce « capitalisme de plateforme »  n’est autre qu’un  retour à un nomadisme de type nouveau. L’emploi salarié est  ainsi remis en cause non pas pour le dépasser dans un sens progressiste, mais pour lui substituer  cette nouvelle forme d’exploitation basée sur la flexibilité et  la précarité.

Certes, personne ne peut être contre le « progrès technique », à condition que la technique soit effectivement au service de l’homme.  Par exemple, il serait utile pour notre pays, de maintenir à l’avenir l’enseignement à distance,  dans des cas définis de commun accord avec les différents intervenants : corps enseignant,  parents d’élèves et  représentants des étudiants. Cet enseignement à distance n’interviendrait que dans des situations précises et des matières  bien déterminées. A titre d’exemple, rien n’empêche de dispenser à distance les cours magistraux dans les  facultés  des sciences humaines et juridiques et de limiter la présence physique aux séances des travaux dirigés. Par ailleurs, comme l’expérience l’a montré,  des activités  administratives, ou  à caractère politique et associatif,  pourraient bien se poursuivre à l’avenir à distance.    On y gagnera en termes de temps et d’efficacité. Plusieurs autres secteurs pourraient faire appel au télétravail. Pour cela, on doit absolument réduire la fracture numérique, dont on  mesure actuellement la gravité, à travers un investissement massif dans le numérique.   Mais en aucune manière, le monde virtuel ne doit effacer le monde réel !

Le deuxième enseignement porte sur l’instauration de ce qu’il convient d’appeler le « revenu minimum universel » ou le  « revenu minimum de dignité ».  Pour encourager la population au respect du  confinement,  la majorité des Etats ont eu recours à l’usage de cette « monnaie hélicoptère » consistant à verser des chèques aux populations démunies. Le Maroc s’est inscrit dans la même voie en accordant des aides aux ménages sans ressources variant entre  800 à 1200  DH selon la taille du ménage concerné. Force est de constater, qu’il est difficilement envisageable de voir l’Etat arrêter subitement le robinet, au risque de provoquer une révolte sociale. Désormais, les populations bénéficiaires de ces transferts savent que l’argent existe bel et bien quelque part et ne seront pas prêtes à y renoncer. Par conséquent, nous n’avons d’autre choix que d’institutionnaliser au plus vite ce mécanisme par la mise en œuvre de ce fameux registre social unique. Bien sûr, le pays ne doit en aucune manière se « plaire » dans une situation statique qui ferait d’une bonne partie de Marocains des assistés perpétuels. Il faut absolument que des solutions de rechange  plus attractives  soient mises en œuvre. Ce qui passe immanquablement par la multiplication des activités génératrices de revenus  et la mise au travail des populations en âge d’activité.

Le troisième enseignement et non des moindres est relatif à certaines valeurs fortes qui constituent le socle des droits humains et l’essence de l’espèce humaine. Le confinement auquel nous sommes soumis a constitué pour chacun d’entre nous un véritable électrochoc en « déconfinant »  davantage nos esprits et en  redécouvrant l’utilité de ces « petites  choses » de la vie qui contribuent à notre bonheur.  Après le déconfinement, nous deviendrons plus attachés à notre liberté au sens large du terme englobant la liberté de penser, la liberté de s’exprimer, la liberté d’agir et d’entreprendre. Nous y tiendrons comme on tient à la pupille de nos yeux et nous ne pourrons jamais accepter  qu’une quelconque  autorité nous impose des limitations. Sauf lorsqu’il s’agit de  notre sécurité  et  de celle de  la collectivité. Au contraire, nous militerons pour les élargir au maximum y compris vers  certains domaines jugés, à tort ou à raison,  tabous et sensibles.  Cependant, la liberté est indissociable des droits et devoirs que chacun d’entre nous est tenu d’observer. Le vivre ensemble nous dicte le devoir d’être solidaires et  de servir la nation, comme il nous donne le droit de choisir librement, et sans ingérence aucune,  notre système d’organisation et notre mode de gouvernance. C’est pour ces considérations que nous pensons, en toute logique, que la démocratie sortira renforcée de cette épreuve. En tout état de cause, qui pourrait  nous proposer mieux ?

 

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