25 Novembre: flambée des violences envers les femmes à l'ombre du coronavirus

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Une Brésilienne manifeste contre les violences sexuelles envers les femmes, le 13 décembre 2019 à Brasilia

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Du Nigeria au Brésil, de la France à l'Inde, aucun pays n'échappe à l'épidémie de coronavirus. Aucun n'échappe non plus à l'explosion collatérale des agressions subies par les femmes, donnant cette année une résonance particulière à la Journée internationale pour l'élimination des violences, mercredi.

Flambée des viols au Nigeria ou en Afrique du Sud, hausse des disparitions de femmes au Pérou, augmentation des féminicides au Brésil ou au Mexique, associations débordées en Europe: la crise sanitaire mondiale a mis partout en lumière le fléau des violences sexistes et sexuelles.

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Des étudiantes manifestent à Bombay le 2 octobre 2020, après le viol en réunion d'une jeune femme de 19 ans par quatre hommes dans un village de l'Uttar Pradesh.

Selon des données de l'ONU Femmes publiées fin septembre, le confinement a fait augmenter les plaintes ou appels aux autorités pour des violences domestiques de 30% à Chypre, 33% à Singapour, 30% en France ou 25% en Argentine.

Dans tous les pays, contraints à prendre des mesures de restriction de déplacements pour enrayer la propagation du virus, des femmes et des enfants se sont retrouvés à huis clos. 

"La maison est le lieu le plus dangereux pour les femmes", rappelaient en avril une trentaine d'associations marocaines, demandant aux autorités "une réponse d'urgence".

Heena, une cuisinière de 33 ans vivant à Bombay, dit s'être sentie "piégée dans sa propre maison" avec un mari sans emploi, consommateur de drogues et violent.

"Pendant le confinement, il passait sa journée soit accroché à son téléphone à jouer, soit à me battre et à me maltraiter", témoigne-t-elle à l'AFP.

"Mesures insuffisantes" 

Le 15 août, il la bat plus fort que d'habitude, devant leur fils, et la chasse du domicile. "Je ne savais pas où aller, j'avais mal dans tout mon corps", poursuit cette femme qui n'a pas osé aller voir la police de peur d'être mal reçue.

Aujourd'hui, elle se bat pour revoir son fils mais "les tribunaux ne fonctionnent pas à plein régime en raison du Covid", se lamente cette mère qui n'a pas vu le visage de son enfant depuis quatre mois. 

Partout, le fonctionnement au ralenti de certaines institutions, les fermetures d'entreprises, des lieux d'activités culturelles et sportives et des écoles ne permettent plus d'échappatoires aux victimes, déjà affaiblies par l'insécurité économique et sociale engendrée par le virus.

"On assiste à une dangereuse détérioration de la situation socio-économique des familles à la suite du confinement, avec davantage de situations de pauvreté, ce qui peut entraîner des réactions violentes", souligne Hanaa Edwar, du Réseau des femmes irakiennes qui demande depuis 10 ans une loi contre les violences domestiques dans ce pays. 

Au Brésil, 648 féminicides ont été recensés au premier semestre 2020, en hausse de 1,9% par rapport à la même période de 2019, selon le Forum brésilien de la sécurité publique (FBSP).

Se disant conscient du problème, le gouvernement a lancé une campagne pour encourager les plaintes, mais pour le FBSP les mesures pour accompagner les victimes demeurent "insuffisantes".

"Masque-19" 

Au niveau mondial, seul un pays sur huit a mis en place des mesures pour atténuer les effets de la pandémie sur les femmes et les filles, selon l'ONU Femmes. 

En Espagne, les victimes ont pu se signaler discrètement en donnant le code "masque-19" dans les pharmacies, parmi les seules enseignes à rester ouvertes dans de nombreux pays.

En France, des points de contact tenus par des associations ont également été installés dans des supermarchés.

"Les femmes qui venaient nous trouver étaient dans des situations qui devenaient insupportables, dangereuses. Le confinement a eu l'effet d'une chape de plomb", raconte Sophie Cartron, directrice adjointe d'une association qui œuvrait dans un centre commercial près de Paris.

Pour le 25 novembre, Journée internationale pour l'élimination des violences faites aux femmes, la mobilisation reste incertaine à cause des restrictions sanitaires.

Cependant, des marches pour les droits des femmes ont récemment eu lieu en Namibie, au Liberia, au Costa Rica, au Guatemala ou en Roumanie.  

"Nous ne pourrons pas manifester pour exprimer nos colères, ni marcher pour lutter ensemble mais nous ferons quand même entendre nos voix, virtuellement et visuellement", a prévenu à Paris le mouvement féministe Planning familial.

"Partout où vous regardez il y a des inégalités. Que ce soit au niveau de l'emploi, des écarts de rémunération, des violences sexistes. Tout cela se creuse davantage à cause du Covid", relève Tamara Mathebula de la Commission pour l'égalité des sexes en Afrique du Sud.

A terme, les conséquences du coronavirus sur les droits des femmes pourraient être très graves. 

En juillet, les Nations unies ont averti que six mois de restrictions sanitaires pouvaient entraîner 31 millions de cas supplémentaires de violences sexistes dans le monde, 7 millions de grossesses non désirées, et mettre en péril la lutte contre les mutilations génitales féminines et les mariages forcés.

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