Algérie : Une rentrée scolaire sur fond d'inquiétudes

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"Le budget annuel d’un lycée de 500 élèves tourne autour de 900.000 DA (6.000 dollars), dont près de 40% sont affectés aux charges annexes, à savoir le payement des factures d’eau, d’électricité et de gaz", déplore Ahmed Fettoum, Coordinateur national des directeurs de lycées.

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Par Mahmoud El Kali (MAP)

Alger - Après huit mois de vacances forcées, six millions d’élèves algériens ont repris mercredi le chemin de l’école sur fond de craintes grandissantes des répercussions de la propagation de la pandémie du COVID-19.

Si les autorités du pays rassurent quant à la prise de toutes les mesures de protection contre la Covid-19, le ton est à l’inquiétude chez les parents et les syndicats de l’éducation qui arguent que "les écoles ne sont pas encore prêtes".

Et la raison de cette inquiétude est que la plupart des établissements scolaires ne sont pas encore pourvus en moyens de prévention contre l’épidémie du Covid-19, notamment l’eau courante, un élément essentiel dans l’application du protocole sanitaire élaboré pour cette rentrée.

Dénonçant une reprise de la vie scolaire "à l’aveuglette", le secrétaire général du Syndicat Autonome des Travailleurs de l’Education et de la Formation (SATEF), Boualem Amoura a tiré la sonnette d’alarme.

"Malheureusement rien n’a été fait depuis l’annonce de la date de la rentrée scolaire, au début du mois en cours, pour nettoyer et désinfecter les écoles", regrette Amoura qui assure que des écoles sont à ce jour dépourvues d’eau courante et de sanitaires et sont dans de "piteux états".

"Mettre en place un protocole c’est bien, mettre la main dans la poche pour l’appliquer c’est encore mieux", dit-il.

Meziane Meriane, coordinateur national du Syndicat National Autonome des Professeurs de l’Enseignement Secondaire et Technique (SNAPEST), juge, lui aussi, que les autorités n’ont pas exploité le laps de temps compris entre la date de l’annonce du calendrier de rentrée (le 4 octobre) et le jour de la reprise, afin de peaufiner les préparatifs.

Il fait état de disparités dans la préparation entre établissements scolaires situés dans les centres urbains et ceux des régions reculées du pays.

"Il n’y a pas d’effervescence ni d’engouement qui laissent penser que tout est prêt pour la rentrée", fait-il observer.

"Rien ne se fait dans les normes", résume pour sa part le coordinateur des enseignants du primaire d’Alger-ouest, Bachir Kiouas.

Selon lui, la plupart des enseignants n’ont pas encore pris connaissance des nouvelles répartitions des groupes scolaires et l’aspect lié aux volumes horaires.

Le syndicaliste a exprimé ses inquiétudes quant à une éventuelle augmentation du volume de travail que les enseignants du primaire qui auront à affronter et le problème de la surcharge des classes et les infrastructures qui n’ont pas suivi malgré les interpellations des pouvoirs publics.

Mais ce qui inquiète davantage l’enseignant et ses collègues, c’est l’aspect sanitaire lié à l’épidémie du Covid-19, enchaine-t-il.

Le membre de la coordination des enseignants du primaire s’est dit "sceptique", en affichant clairement son inquiétude du fait de l’absence de mesures de prévention.

"Nous sommes au front sans armes (..) Nous sommes dans une situation très dangereuse", s’alarme-t-il, tout en réclamant des mesures exceptionnelles face à une situation qui ne l’est pas moins.

Du côté du corps pédagogique, le manque des moyens financiers est un grand obstacle à l’application du protocole sanitaire mis en place par les autorités, ce qui implique une "cohabitation" avec le virus.

Dans cette stratégie de vivre avec le virus, les écoles sont face à un nouveau défi qui consiste à mettre en place le protocole sanitaire, malgré le budget réduit à 60% depuis 2019, explique Ahmed Fettoum, Coordinateur national des directeurs de lycées.

Selon lui, l’application du protocole est "impossible" dans tous les établissements scolaires d’autant plus que les ressources financières dont disposent les établissements, tous cycles confondus, ne concordent pas aux exigences de la situation sanitaire actuelle.

"Le budget annuel d’un lycée de 500 élèves tourne autour de 900.000 DA (6.000 dollars), dont près de 40% sont affectés aux charges annexes, à savoir le payement des factures d’eau, d’électricité et de gaz", déplore-t-il.

Il précise que ce qui reste ne peut suffire pour acheter tout au long de l’année les masques, les solutions hydro-alcooliques et les détergents nécessaires pour la désinfection quotidienne des lieux.

Les budgets des écoles primaires sont nettement inférieurs, selon la même source.

En l’absence de moyens suffisants pour assurer une bonne application du protocole sanitaire, les autorités algériennes disent miser, dans la sensibilisation des enfants, sur la conscience collective et surtout sur la participation des parents d’élèves qui ne savent plus où donner de la tête, avec cette organisation exceptionnelle taillée sur mesure pour assurer une reprise progressive.

Après les élèves du cycle primaire qui ont donné le coup de starter de cette rentrée qui se fera en plusieurs étapes, les élèves du moyen et du secondaire sont, eux, programmés pour le 4 novembre prochain.

 

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