Argentine: malgré une économie à genoux, le ministre-candidat Massa toujours là

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Le ministre argentin de l'économie et candidat à la présidence pour le parti Union por la Patria, Sergio Massa, embrasse sa femme Malena Galmarini après s'être adressé à ses partisans au siège de son parti à Buenos Aires, le 22 octobre 2023, après les premiers résultats de l'élection présidentielle. (Photo Emiliano Lasalvia / AFP)

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Sergio Massa, arrivé en tête dimanche du premier tour de l'élection présidentielle argentine, a réussi la prouesse d'apparaître en présidentiable crédible, bien qu'aux rênes d'une économie surendettée avec une des pires inflations au monde.

C'est tout l'art de ce politicien depuis près d'un quart de siècle, traçant son sillon entre alliances changeantes, que d'apparaître planche de salut d'un exécutif péroniste (centre-gauche) dépassé par la crise et profondément impopulaire.

A l'ADN centriste -il milita dans sa jeunesse pour un parti libéral de centre-droit- Massa fut chef du conseil des ministres (2008-2009) sous la présidence péroniste de Cristina Kirchner, puis candidat présidentiel centriste en 2015 contre ces mêmes péronistes -qu'il taxait alors de corrompus-, avant de les rejoindre à nouveau pour l'élection de 2019.

En août 2022, lors d'une énième surchauffe de l'économie, avec la démission de deux ministres en un mois, Massa, alors président de la Chambre des députés, se vit confier un "super-ministère" aux compétences élargies, pompier convoqué d'urgence au chevet d'une économie en soins intensifs.

De fait, celui que ses collaborateurs décrivent en "malade de travail" ne perd pas une occasion de rappeler qu'"on s'est dressé, on a mis la poitrine en avant et on a assumé", quand "beaucoup d'autres se cachaient sous le lit".

Pragmatique, ou opportuniste 

La politique, c'est toute la vie de Sergio Tomas Massa, 51 ans, un avocat de formation né dans la province de Buenos Aires, fils d'un patron de PME du bâtiment et d'une femme au foyer, immigrés de Sicile enfants dans les années 40.

A 27 ans, il fut le plus jeune député de l'Assemblée provinciale, plus tard maire de la ville huppée de Tigre (nord de Buenos Aires), plusieurs fois réélu. En parallèle, il se rapprochait du péronisme, y compris maritalement - en épousant la fille d'un cacique -, et se voyait confier des postes-clefs, comme la tête de la Sécurité sociale.

Pour ses partisans, il est un homme de dialogue, pragmatique et consensuel -sa présidence d'une chambre des députés polarisée fut saluée en ce sens. Pour ses critiques, c'est un arriviste, un opportuniste sans colonne vertébrale idéologique, une "crêpe", pour sa capacité à se retourner.

A l'économie, Massa a su manœuvrer, maintenir le dialogue avec le FMI sur un assouplissement des objectifs de maîtrise budgétaire -tout en dénonçant la "dette criminelle" contractée en 2018. Et en même temps, il a procédé par micro-ajustements, en gardant l'oreille des syndicats, évitant l'incendie social.

"C'est difficile de trouver une cohérence chez Massa. Mais il a le don d'être toujours bien situé", explique à l'AFP Diego Genoud, auteur d'une biographie non autorisée. "Même s'il n'a pas de plan, s'il improvise et si ses promesses ne sont pas tenues, il arrive toujours à donner la sensation qu'il contrôle la situation et qu'il va trouver la sortie".

Ainsi, son assurance, en campagne, que "le pire de la crise" est "bientôt passé", et le meilleur à venir.

"Tendance à le croire"

"C'est un type dangereux, justement pour sa capacité à duper les gens, à tenir un discours démenti par les faits, mais avec une aisance et efficacité discursives, une gestuelle, qui font qu'on le croit", grince Fernando Iglesias, député d'opposition PRO (droite).

De fait Massa, à la haute stature, à l'élégance décontractée, affiche en public, en débat, un ton souvent posé et pédagogique, en contraste marqué avec son rival Javier Milei, au débit électrique, aux formules stridentes, parfois au bord de l'emportement.

Dans les derniers mois, Massa a tenté l'équilibrisme d'une dévaluation (20%) que réclamait le FMI, tout en accumulant des largesses budgétaires : réduction du nombre d'imposables, subventions, exemptions de TVA, primes, pour amortir le choc de l'inflation. Faisant hurler l'opposition à "l'irresponsabilité électoraliste" du ministre-candidat.

Au final, une économie à genoux a pour l'heure évité l'explosion sociale, comme la "Grande crise" si traumatique de 2001. Massa est comme ce médecin "qui n'a pas guéri la maladie, mais dont le malade n'est pas encore mort", raillait récemment Clarin, quotidien proche de l'opposition. (AFP)