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Élections présidentielles au Venezuela : le cri de liberté des vénézuéliens sera-t-il audible ? Par Rachid MAMOUNI
La chef de l'opposition vénézuélienne Maria Corina Machado lors du rassemblement de clôture de la campagne du candidat à la présidence Edmundo Gonzalez Urrutia à Caracas le 25 juillet 2024, avant l'élection présidentielle de dimanche. Le président vénézuélien Nicolas Maduro et son principal rival à l'élection présidentielle du 28 juillet. Il a mis en garde contre un "bain de sang" ou une insurrection militaire s'il est battu. (Photo Federico PARRA / AFP)
Par Rachid MAMOUNI (MAP – Pôle Amérique du Sud)
Caracas - Plus de 21 millions de vénézuéliens sont appelés aux urnes, dimanche prochain, pour des élections présidentielles qui pourraient mettre un terme à 24 ans d’un régime "chaviste", qui a appauvri le pays et envoyé sur les chemins de l’exil environ huit millions de ses citoyens.
Bien qu’une dizaine de candidats figurent sur le bulletin de vote, deux seulement parmi eux sont en lice pour obtenir les faveurs des électeurs : le chef du régime en place Nicolas Maduro, qui aspire à prolonger ses onze années au pouvoir, et Edmundo Gonzalez, qui postule au nom d’une large coalition de l’opposition au régime "chaviste".
Les derniers sondages autorisés par l’autorité électorale donnent un large avantage à Edmundo Gonzalez dans les intentions de vote face à Nicolas Maduro, avec un écart allant de 28 à 43 points.
Voyant le spectre de la déroute approcher, Maduro a lancé un avertissement qui fait froid au dos : le Venezuela pourrait connaître un « bain de sang » et « une guerre civile », si l’opposition gagne les élections de dimanche prochain.
Le président brésilien Lula da Silva, un des rares soutiens de Maduro dans la région sud-américaine, s’est dit « effrayé » par ces déclarations de Maduro. « Celui qui perd les élections reçoit un bain de voix, pas de sang. Maduro doit apprendre ceci : quand tu gagnes, tu restes ; Quand tu perds, tu pars.", a-t-il tenté de le raisonner.
Plusieurs autres pays ont tenté récemment de faire entendre raison au chef du régime "chaviste". Cinq pays latino-américains ont appelé Maduro à garantir des élections « libres, équitables et transparentes" pour sortir le Venezuela de la crise de légitimité.
Le scrutin de dimanche prochain offre pour la première fois depuis des décennies, une occasion sérieuse pour l’opposition vénézuélienne de vaincre le « chavisme », un mouvement fondé par le défunt président Chavez, mort en 2013 et dont l’héritage populiste a été porté à bout de bras par son dauphin d’alors, Nicolas Maduro.
A en croire la grande affluence et l’ambiance festive qui a marqué, tout au long de la campagne électorale, les meetings de l’opposition, les partisans d’Edmundo Gonzalez affichent une grande confiance dans la victoire de cet ancien ambassadeur devenu opposant au régime "chaviste".
Ils ont toutes les raisons du monde d’aspirer à un changement, après un quart de siècle d’un régime qui a paupérisé le pays malgré ses réserves gigantesques de pétrole, qui a réduit drastiquement toutes les marges de liberté et qui a poussé à l’exil un quart de sa population.
Le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a chiffré le nombre de Vénézuéliens qui ont quitté le pays à 7,7 millions de personnes. Malgré son caractère conservateur, ce chiffre dévoile l’ampleur de la crise économique et humanitaire qui sévit depuis des années au Venezuela.
L’onde de choc de cette crise se propage désormais à plusieurs pays de la région, notamment le Pérou, la Colombie, le Chili, le Brésil et l’Argentine, qui accueillent la majorité des exilés vénézuéliens.
La Plateforme unitaire démocratique (PUD), une coalition qui rassemble la majorité des partis d’opposition, avait choisi Edmundo Gonzalez pour porter ses couleurs lors de ce scrutin, après le refus de la candidature de Corina Machado, qui avait remporté l’élection primaire de l’opposition en octobre 2023.
La justice vénézuélienne, soumise au pouvoir politique, avait anticipé cette élection en disqualifiant Machado dès juin 2023, pour lui barrer la route de la victoire en raison de sa grande popularité dans le pays.
La majorité des observateurs et une bonne partie des dirigeants politiques de la région latinoaméricaine doute de la volonté du parti socialiste unifié du Venezuela (au pouvoir) de faire un pas vers une transition pacifique, estimant « peu probable » que le régime "chaviste" reconnaisse une éventuelle défaite dimanche prochain.
Dans un tel cas de figure, des enquêtes menées par un cabinet privé estime qu’entre 12 et 18 % quitteraient le pays dans les six mois suivant le scrutin, tandis que 15 à 16 % le feraient dans les 18 mois après une éventuelle victoire de Maduro.
Dans ce panorama, un troisième mandat de Maduro à la tête du pays serait synonyme d’une chute dans les abîmes pour de nombreux vénézuéliens, dont le seul espoir reste que leur cri de liberté soit audible dans le monde entier.