Guerre commerciale mondiale : Tensions croissantes et incertitudes économiques en hausse

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Les immeubles résidentiels et commerciaux à Hong Kong le 11 avril 2025, dans le brouillard. (Photo par Peter PARKS / AFP)

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L’escalade des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine secoue l’économie mondiale. Entre surtaxes record, ripostes diplomatiques et marchés financiers fébriles, les grandes puissances s’ajustent tant bien que mal à une nouvelle donne instable, où l’Europe, l’Asie et l’Afrique, cette dernière sans moyens de défense, se retrouvent également prises dans la tourmente. Le round up d’Ass-ia Makhlouf.

Une guerre commerciale aux répercussions globales

Depuis le retour fracassant de Donald Trump à la Maison Blanche, la guerre commerciale sino-américaine connaît une intensification sans précédent. D’un côté, les États-Unis imposent des droits de douane drastiques, culminant à 145 % pour certains produits chinois. De l’autre, Pékin réplique avec des surtaxes allant jusqu’à 125 %, déclenchant une onde de choc sur les marchés mondiaux.

Cette spirale de surenchère tarifaire a entraîné une forte volatilité boursière. Le Nikkei à Tokyo a chuté de près de 3 %, Wall Street a enregistré une baisse brutale, tandis que le CAC 40, le DAX de Francfort et le FTSE de Londres ont également viré au rouge. Les investisseurs, inquiets de la tournure des événements, fuient les actifs à risque, favorisant les valeurs refuges comme l’or, qui a atteint un record historique à plus de 3 220 dollars l’once.

Pékin appelle à une coalition sino-européenne

Dans ce climat tendu, le président chinois Xi Jinping tente de rallier l’Europe à sa cause. Lors d’une rencontre à Pékin avec le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez, Xi a exhorté l’Union européenne à « résister ensemble à toute coercition unilatérale », en référence claire aux pratiques douanières américaines.

Pedro Sanchez a reconnu un déficit commercial avec la Chine mais a plaidé pour que les tensions commerciales n’entravent pas « le potentiel de croissance des relations sino-européennes ». Pour sa part, Emmanuel Macron a appelé à la vigilance, qualifiant de « pause fragile » la suspension partielle des taxes américaines, et a évoqué la possibilité de contre-mesures européennes.

 

Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a également haussé le ton, évoquant une taxation des géants américains du numérique si les discussions avec Washington échouaient.

Trump persiste et signe

Face aux critiques, Donald Trump assume sa stratégie. Il justifie les surtaxes comme un levier pour rapatrier la production industrielle sur le sol américain. Son ministre des Finances, Scott Bessent, minimise l’impact sur les marchés, tandis que certains élus démocrates l’accusent d’avoir manipulé les marchés à des fins politiques.

Le président américain menace également le Mexique et laisse planer l’incertitude sur le sort d’accords commerciaux majeurs, comme l’AGOA (African Growth and Opportunity Act), essentiel pour les économies africaines. Le renouvellement de cet accord, qui arrive à expiration en septembre, semble compromis, et plusieurs secteurs en Afrique, notamment le textile, l’agriculture et l’automobile, pourraient en subir de lourdes conséquences.

L’Asie face à la tempête

En Chine, la guerre commerciale commence à inquiéter la population active. À Shanghai, des professionnels de la finance expriment leurs craintes face à l’imprévisibilité de Trump, qualifiée de « très gros risque » pour les systèmes financiers globaux. Le gouvernement chinois appelle au dialogue, mais promet de se battre « jusqu’au bout ».

D’autres pays asiatiques, tels que le Vietnam, la Malaisie et le Cambodge, touchés eux aussi par les surtaxes américaines, adoptent une posture plus prudente. L’ASEAN refuse les représailles, préférant « un dialogue franc et constructif ».

Pour renforcer ses positions, Xi Jinping prévoit une tournée en Asie du Sud-Est, marquant une volonté d’approfondir la coopération régionale, alors que les surtaxes américaines menacent la stabilité des chaînes d’approvisionnement régionales.

Le Japon adopte une approche structurée

Le Japon, tout en maintenant une discrétion stratégique, prend des mesures concrètes. Le Premier ministre Shigeru Ishiba a annoncé la création d’une task force dédiée aux négociations avec Washington. Des voix au sein du gouvernement réclament des mesures de soutien économique, comme une baisse temporaire de la taxe sur la consommation ou des aides directes aux ménages.

Cependant, toute politique de relance se heurte à la réalité du financement de la sécurité sociale, dans un pays où le vieillissement démographique impose une gestion budgétaire prudente.

L’AGOA : un pont fragile entre l’Afrique et les États-Unis

L’Afrique se retrouve également entraînée dans cette guerre commerciale. L’AGOA, accord emblématique permettant à plusieurs pays africains d’exporter sans droits de douane vers les États-Unis, est sur la sellette. Lancé en 2000, ce dispositif couvre des secteurs clés, de l’automobile en Afrique du Sud aux produits agricoles au Ghana, en passant par le textile au Kenya, Lesotho et Madagascar.

En 2023, 9,26 milliards de dollars de produits ont été exportés dans le cadre de l’AGOA. La fin potentielle de cet accord inquiète, notamment en Afrique du Sud, où plus de 200 000 emplois dépendent directement ou indirectement de ses dispositions.

Washington reproche à Pretoria sa politique étrangère pro-russe, sa législation controversée sur l’expropriation et sa plainte contre Israël à la Cour internationale de justice. Ces différends pourraient conduire Trump à exclure unilatéralement l’Afrique du Sud de l’AGOA.

Les marchés dans l’expectative

Les marchés réagissent vivement à chaque annonce. Le dollar, longtemps considéré comme une valeur refuge, est en nette perte de vitesse, perdant plus de 5 % face à l’euro en un mois. Les monnaies refuges comme le franc suisse et le yen japonais sont en hausse, tandis que les obligations américaines sont boudées, entraînant une hausse de leurs taux d’intérêt.

Le pétrole, quant à lui, affiche une certaine résilience. Après une semaine difficile, les cours du Brent et du WTI remontent légèrement. Mais les analystes sont unanimes : une guerre commerciale prolongée pourrait engendrer une récession mondiale, pesant lourdement sur la demande en énergie.

Vers un découplage mondial ?

Analystes et économistes s’interrogent désormais sur la possibilité d’un découplage économique durable entre les deux premières puissances mondiales. La Deutsche Bank évoque un « découplage économique désordonné », tandis que le prix Nobel Joseph Stiglitz dénonce l’absence de cohérence économique dans les décisions de Trump.

Ce climat d’incertitude incite les investisseurs à se replier sur des actifs jugés plus sûrs, comme l’or. Les entreprises mondiales, elles, peinent à planifier à long terme, tiraillées entre les sanctions américaines, les ripostes chinoises et le risque de fragmentation du commerce mondial.

Une impasse aux conséquences durables

La guerre commerciale déclenchée par Washington redéfinit les équilibres géopolitiques et économiques. Si certains espèrent encore une désescalade par la voie diplomatique, la réalité montre un durcissement des positions. L’Europe tente de préserver ses intérêts, la Chine renforce ses liens régionaux, l’Asie adopte la prudence, et l’Afrique se retrouve menacée dans ses fragiles acquis commerciaux.

Dans ce contexte, les marchés, les États et les entreprises avancent à tâtons, dans un monde où l’imprévisibilité est devenue la nouvelle norme.

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